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A vos marques ! Made in Catalunya

01 Août A vos marques ! Made in Catalunya

Danone, Hispano-Suiza, Chupa Chups, Mango, Byrrh, Cantalou-Cantala, etc… Comme autant d’entreprises emblématiques fondées par des Catalans d’origine ou d’adoption. Retour sur ces surprenantes « success stories » économiques.
Souvent mal perçu, l’esprit d’entreprise et mercantile des Catalans reste pourtant l’une des principales qualités d’un peuple qui a toujours su sortir des ornières, vaincre les obstacles et l’adversité. En catalan, on utilise souvent l’expression « mettre du fil à l’aiguille ». Rien de surprenant, dans ces conditions, que le premier essor économique de la Catalogne provienne de son industrie textile. On a retrouvé en Chine des draps, datant du Moyen-Age, fabriqués à Perpignan ! L’esprit de conquête et le goût d’entreprendre restent un trait de caractère bien de chez nous. N’en déplaise à tous ceux qui associent le sud au farniente… Dès lors, rien de moins étonnant que de trouver dès le début du siècle de nombreuses entreprises catalanes qui se sont hissées au plus haut niveau. En partant du sud, pour remonter vers le Roussillon, faisons ensemble le tour des heureux propriétaires.

Marques4Hispano Suiz : 4 barres sur 4 roues

Au moment où le monde se met en mouvement avec la révolution industrielle, Barcelone aussi change de rapport et met la gomme. Au départ de cette belle aventure automobile était un fringuant capitaine d’artillerie qui eut l’idée avant-gardiste de se lancer dans la production de véhicules électriques. Emilio de la Cuadra fait la rencontre à Paris d’un remarquable ingénieur suisse, Marc Birkigt. Tous deux se mettent alors à produire des véhicules qui se retrouvent bien vite dans une voie de garage. En 1904, une fine équipe constituée des deux Catalans, Damià Mateu i Bisa et Francesc Seix rachète l’affaire. Ils conservent Marc Birkigt à la direction technique et la même année, la première Hispano-Suiza vrombit sur le Carrer Villaroel. Le must de l’automobile. La courbe, le confort, la mécanique rutilante. Tout y est. La bourgeoisie catalane se met à rêver… Le véhicule pointera même le bout de son capot au salon de l’auto de Paris. La classe et l’élégance conduisent au succès. Hispano Suiza deviendra la voiture des stars de l’époque et des plus grandes fortunes. Le modèle « copa catalana » fait triompher les couleurs catalanes dès 1910. En 1911, une filiale parisienne ouvre ses portes pour produire des véhicules de luxe toujours conçus à Barcelone. Le très populaire modèle « la Sardina » fait rage. En 1914, au moment où éclate la Grande Guerre, la firme se diversifie en produisant des moteurs d’aéroplane, vendus à plus de 50 000 exemplaires. Dans le monde, 22 000 moteurs Hispano Suiza font encore voler des avions qui, de temps en temps, survolent le ciel catalan, laissant quatre traînées jaunes au milieu des nuages.

Danone : Au lait !

Le premier ferment de la plus catalane des lactoses story provient de l’immigration. La belle histoire de Danone remonte en effet à Isaac Carasso, issu de la communauté juive de Salonique en Grèce. Carasso et sa famille se retrouvent contraints de plier bagage en 1918 et de s’installer dans la ville des prodiges, Barcelone. En docte praticien, Isaac Carasso se met à étudier les infections gastro-intestinales en s’inspirant des travaux de Mechnikov qui avait popularisé l’utilisation du lait fermenté en tant que remède. Il commence alors par vendre son produit issu de la fermentation lactique sous forme de médicament, dans les pharmacies. Il fonde, au Carrer de l’Angel, la compagnie qui deviendra plus tard le célèbre groupe Danone, une référence affective au diminutif du prénom de son fils Daniel ! Carasso met en place les premiers processus industriels de fabrication du yaourt. Isaac Carasso décédera en France en 1939. Entre-temps, son fils Daniel émigre à Paris pour introduire Danone en France. En 1932, il construit la première fabrique à Levallois-Perret. Durant la Seconde guerre mondiale, Daniel Carasso quitte la France et fonde aux États-Unis « The Dannon Company », entreprise aujourd’hui leader du marché des produits laitiers frais américains. Après le retour en France de Daniel Carasso en 1945, Danone connaît une forte expansion. Associé à Gervais, Danone reste aujourd’hui le « Number one » mondial des produits laitiers frais, second sur le marché des boissons et de la nutrition infantile. Danone, c’est un donc peu l’histoire d’un melting-pot à la catalane. On se lève  tous pour Danone !

La Chups qui dure longtemps

Marques1Ça s’est passé l’année où Gainsbourg ne chantait pas encore les sucettes, mais se contentait de poinçonner aux Lilas. Cette année-là sortait de la tête d’Enric Bernat une idée révolutionnaire : les enfants doivent manger leurs bonbons et autres caramels à la fourchette pour ne pas se salir les doigts ! Après quelques essais, la fourchette est remplacée par une tige de bois, « un pal ». Afin de conquérir le marché extérieur, le produit a besoin d’un emballage, d’un design original et d’un nom qui claque. Bernat baptise ainsi sa petite boule de sucre GOL pour sa ressemblance avec un ballon de foot, estimant que les cages de buts symbolisent la bouche ! Aussi originale soit-elle, l’idée n’est pas assez accrocheuse. Qu’à cela ne tienne, on allait faire appel à Salvador Dalí ! Ainsi la première campagne de publicité fut-elle accompagnée d’un logo surréaliste confirmant le goût de la provocation du maître de Figueres « elle est ronde et elle dure longtemps, Chupa Chups… ». Quand on pense que « chupar » en castillan ou « xupar » en catalan veut dire sucer, force est de constater que le message subliminal de l’artiste nous pique au vif. Avide de dollars et de provocation, le génial Dalí reste donc intimement associé au succès de la sucette ronde.

Mango : le fruit non défendu

Symbole d’ouverture et de tolérance, la célèbre marque de prêt-à-porter provient aussi de l’immigration, c’est-à-dire le formidable pouvoir d’attraction qu’exerce Barcelone sur le monde. L’entreprise fut créée par deux frères Catalans d’adoption, Isak et Nahman Andic, issus d’une famille émigrée de Turquie et installée en Catalogne dans les années 50. D’après la revue Forbes, Isak représente aujourd’hui l’une des fortunes les plus importantes d’Espagne. Il commence en fait son fructueux négoce en 1972. Au début, pas de quoi faire exploser les indices de la bourse de Barcelone. Le nouveau Catalan se contente de ramener des chemises achetées pendant ses vacances en Asie et de les revendre le double de ce qu’elles lui ont coûté. Technique classique et basique. Petit business qui suscite toutefois de grandes ambitions. En 1984, il ouvre une première boutique sur le prestigieux Passeig de Gràcia à Barcelone. Mango, du nom du fruit que le fondateur a découvert lors d’un voyage aux Philippines, fait craquer toutes les femmes modernes et citadines. Un an plus tard, Isak inaugure sa cinquième boutique dans la capitale catalane et sa première à Valencia. Aux dernières nouvelles, Mango compte 1 000 boutiques dans 89 pays sur les cinq continents ! Du fruit à la fringue, les collections Mango incarnent toujours les dernières tendances. Avec ce goût prononcé pour les tenues fluides, glamour et sensuelles, pas étonnant que la marque ait fait appel, entre autres, aux charmes des deux sœurs Penelope et Claudia Cruz pour incarner le modèle Mango !

Marques2Cantalou-Cantala, le chocolat 100% catalan

Le Roussillon est loin d’être en reste. Loin s’en faut, nous aussi nordistes pouvons nous enorgueillir de quelques belles sagas économiques au rang desquelles, Cantaloup-Cantala, devenu l’empire incontesté du chocolat. Il faut remonter à 1814 pour goûter au génie d’un certain Jules Parès. Installé à Arles-sur-Tech, il se fait remarquer par la qualité de sa production. Il sera à l’origine de la première fabrique française de chocolat. En Catalogne pourtant la concurrence est rude. Dans les autres chocolateries grillent déjà des tonnes de fèves de cacao en provenance des Amériques via le port de Barcelone. Jules Parès résiste, prospère et transmet son affaire à ses gendres, Joseph Cantaloup et Emile Catala. Les deux crues de 1898 et 1940 qui détruisent l’usine n’auront pas raison du divin chocolat. Léon Cantaloup succède à son père et décide de déménager le siège de l’entreprise à Perpignan. Mais la saga familiale s’arrêtera là. En 1969, Georges Poirrier, réparateur de vélos dans la Sarthe devenu millionnaire grâce à ses fabriques marocaines, rachète Cantaloup-Cantala. Rapidement, il fait fondre le nom pour l’incorporer au groupe Cémoi, prestigieuse maison grenobloise qu’il a égalementrachetée. Les cinq lettres rouges font fureur. Pas un amateur de chocolat qui ne connaisse Cémoi. Les jeunes consommateurs raffolent de ces trésors de cacao mais également des albums d’images et des timbres à collectionner contenus dans les boîtes.

Roque : anchois au choix

Aller à Collioure et manquer la Maison Roque. Impossible et impensable. Avec leur façade rose, les établissements Roque feraient presque office de phare. Un phare qui signale au visiteur que depuis plus d’un siècle « Ici, l’anchois est roi ». Et c’est peu de le dire… Depuis 1870 la famille Roque nous met en boîte… le meilleur de ce poisson au dos bleu et aux flancs argentés. Alphonse avait commencé comme tonnelier sur le port. Il construisait alors des fûts pour conserver l’anchois. De la tonnellerie, il passe à la salaison. La grande différence ! La vraie griffe catalane ! Contrairement aux anchois de Marseille ou de St-Jean de Luz, à Collioure on recouvre les poissons de sel marin pendant un mois. Evidé, étêté et trié à la main, le poisson bleu est ensuite rangé en fût entre 3 et 6 mois sous la surveillance du maître-saleur. Un art est né. Le « magasin » Roque, comme on l’appelle dans la cité, travaille à plein régime. Léon, le fils d’Alphonse, prendra le relais. De père en fils, aujourd’hui les Roque en sont à leur cinquième génération. Olive farcie d’anchois, crème d’anchois ou filet d’anchois, Roque a su transformer un poisson banal en délicatesses servies sur les plus grandes tables. Parmi les recettes les plus prisées, les « roquerones », ces anchois macérés dans du vinaigre de vin et de l’alcool ont largement contribué au maintien du succès et à la succulente réputation de l’entreprise.

Mitjavila : les « success stores »

C’est un peu l’histoire du « roi anti-soleil »… L’histoire d’un homme, Raymond Mitjavila, qui revendique son « bac moins trois » et se dit fier d’être « fils de rouge interné au camp d’Argelès ». Républicain espagnol, contraint à l’exil en France, ce père qui possédait une grosse société de transports à Barcelone se lança à Montpellier dans la fabrication artisanale de protections solaires en toile. Dans le sillage, c’est en 1970 que l’aventure commence pour Raymond, le fils. A 22 ans, il décide de créer sa propre société à Perpignan avec l’idée de fabriquer lui-même les pièces au lieu d’être tributaire de ses fournisseurs. En 1977, il implante à Rivesaltes sa première fonderie d’aluminium pour la réalisation des mécanismes. Ingénieux, dynamique et travailleur, Raymond Mitjavila a l’idée d’allonger la longueur des stores par un système de bras pliables sur toute l’envergure. Sa perspicacité lui vaudra le succès immédiat. Entre la production de fenêtres et de persiennes, Mitjavila s’offre un clin d’œil à sa terre natale en produisant le célèbre « volet catalan » à battants. Rapidement, l’entreprise rivesaltaise devient l’un des principaux acteurs français dans le domaine des composants pour stores et même un des leaders au niveau mondial. Jamais collet monté, toujours drapé d’une impressionnante humilité, Mitjavila est partout. Au Canada, en Italie, au Brésil, en Grande-Bretagne, au Chili, en Floride… Aujourd’hui, le groupe Mitjavila emploie plus de 500 personnes à travers 15 filiales dans le monde. En 2003, Raymond a été distingué par le magazine « Le Nouvel Economiste » et élu « manager de l’année ». Depuis 2008, le constructeur de stores décline son savoir-faire dans le solaire par le biais de diverses applications telles que le volet en alu isolé ou encore les systèmes et profilés solaires qui servent de structures aux panneaux photovoltaïques.

Derrière chacune de ces sagas industrielles, une histoire. Celle d’hommes et de femmes qui ont tous commencé modestement et qui, au fil du temps, ont réussi à marquer le monde de leur nom et de leur empreinte. Destins hors du commun, paris passionnants, défis technologiques. Qu’il s’agisse de chocolat, d’anchois ou de voitures, les Catalans prouvent cette immense volonté de créer.

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