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Cambre d’Aze Le ski authentique

01 Jan Cambre d’Aze Le ski authentique

Depuis ses pistes, on voit la mer… Et dans ses deux villages, Saint-Pierre dels Forcats et Eyne, on apprécie une ambiance montagnarde chaleureuse, très pyrénéenne. Rencontre avec une station nord-catalane, le Cambre d’Aze, et ceux qui la vivent.

« Mes coins préférés ? Je vais vous dire… » embraye Jean-Luc Molinier. Le maire de Saint-Pierre dels Forcats et accessoirement féru de glisse troque aujourd’hui son échappe tricolore et son ancien képi de chef de gare du train jaune, pour nous raconter un peu de son Cambre d’Aze intime. « D’abord, je commence par une mise en jambes, je prends la bleue, ici, détaille-t-il face à une grande carte de la commune. Je remonte jusqu’au sommet. Là, j’admire le paysage. Je vois la mer et les stations d’en face, c’est superbe ! Quand je me suis rempli les yeux, je me fais une descente et je vais au snack boire un café. En général je tombe sur quelqu’un avec qui discuter, je m’arrête une heure ! Et puis il me reste la ” coulée ” à faire ».

Cambre2Une coulée naturelle de poudreuse

La coulée de Font-Frède, c’est un couloir naturel, souvent épargné par les dameuses, qui fait le bonheur des amateurs de poudreuse et d’espaces vierges. Avec 21 pistes balisées, le Cambre d’Aze n’a pas les chiffres spectaculaires des immenses domaines skiables à faire valoir… Mais la station possède bien d’autres atouts : d’abord, c’est la plus proche de Perpignan. Ensuite, elle a une capacité d’enneigement artificiel à 80%. Mais, surtout, c’est justement sa taille humaine et son ambiance familiale que les skieurs viennent rechercher de tout le Languedoc-Roussillon et de Catalogne. « Nous avons beaucoup de familles, les centres proposent de l’apprentissage dès le plus jeune âge,explique le directeur de la station Serge Redrado. Il y a une école de ski sur Eyne, une autre sur Saint-Pierre. Mais la station accueille tous les publics : le haut du domaine est plus sportif que familial ». Car avec quelque 800 mètres de dénivelé, entre le bas des pistes de Saint-Pierre, située à 1 640 mètres, et le haut du secteur surveillé à 2 400 mètres (une altitude déjà considérable), les pistes se suivent et ne se ressemblent pas. Mais pour découvrir le terrain de jeu caché du Cambre d’Aze, il faut grimper encore plus haut… En direction du sommet, perché à 2 750 mètres. Une aventure, cela va sans dire, réservée aux montagnards aguerris, particulièrement en hiver.

Le couloir « vermicelle » et la « cheminée »

Depuis le Pla du Cambre d’Aze, un superbe espace naturel, théâtre d’un ancien cirque glaciaire, les skieurs de randonnée entament l’ascension vers le sommet, s’offrant ainsi le luxe de la première trace dans le blanc. « Certains prennent le couloir qu’on appelle ” vermicelle “, situé à l’extrême droite, et redescendent par la cheminée. Il y a aussi des couloirs baptisés ” poireau ” et ” gigolo ” » explique Jean-Luc Molinier. Les grimpeurs non plus ne s’y trompent pas : « Nous avons 28 voies d’escalade recensées, très courues par les Catalans du sud » précise le maire de Saint-Pierre dels Forcats. Les CRS de montagne entre autres, s’entraînent sur le rocher-école agréé par la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade, un site naturel en granit et en libre accès. Pour les sportifs moins téméraires, rien de plus agréable que de chausser des raquettes et de partir dans la forêt, sur les chemins jouxtant la station ou sur les circuits de randonnée pédestre balisés… Un grand bol d’air assuré.

Cambre3Deux heures dans les bois

Les bons marcheurs pourront suivre la piste forestière qui mène au pla du Cambre d’Aze et découvrir son point de vue spectaculaire. Du côté d’Eyne, on peut également emprunter un circuit dédié aux raquettes et balisé en jaune, qui part du pied des pistes et réalise une boucle de deux heures dans les bois, de quoi s’aérer l’esprit tout en réalisant une marche déjà bien physique dans la neige. Autre option, une sortie originale : en attelage de chiens de traîneau. On peut également découvrir les sensations uniques d’une sortie en raquettes nocturne, avec un accompagnateur. La montagne ne semble jamais si imposante et majestueuse que dans ces conditions. On est alors plus attentif au balai des branches des pins à crochet dans le vent, aux empreintes laissées par les animaux dans la neige… A fortiori ici, dans ce coin de Cerdagne exceptionnellement préservé : la vallée d’Eyne, aussi appelée Vallée des fleurs, est située dans une réserve naturelle depuis 1993, ce qui lui a permis de conserver une biodiversité incroyable.

 « Eyne est à la botanique ce que Tautavel est à l’archéologie ! »

Richesse dont le maire d’Eyne, Alain Bousquet, pourrait parler pendant des heures.« Eyne est à la botanique ce que Tautavel est à l’archéologie ! Énonce-t-il. Il y a des herbiers provenant d’ici dans de nombreux muséums d’histoire naturelle ». Pitton de Tournefort, le botaniste de Louis XIV, qui était l’un des chantres des Lumières, mais aussi d’autres chercheurs célèbres des XVIIIe et XIXe siècle siècle comme Antoine Gouan, Michel Adanson ou encore le botaniste de Napoléon Antoine Pyrame de Candolle, ont travaillé sur les espèces de cette vallée. Un spécialiste mondial des insectes pollinisateurs, s’est également intéressé de près à la vallée des fleurs, répertoriant « plus de 40 espèces, c’est exceptionnel sur le plan mondial ! s’enflamme Alain Bousquet. Il y a quelques années, un congrès a été organisé ici avec des scientifiques du monde entier. Cette biodiversité est une richesse patrimoniale incroyable ». Hélas, il faudra attendre les beaux jours pour découvrir toutes les splendeurs de la vallée des fleurs, ses chardons d’un mauve étincelant, ses framboisiers gorgés de fruits et ses bourdons dodus… Mais une visite de la Maison de la Vallée, qui propose notamment des expositions sur ces splendeurs, reste passionnante.

« On plonge dans une balade temporelle »

Et une petite balade du côté du sentier du Prat d’en Sicardo, un circuit thématique de quatre kilomètres, est, en hiver aussi, un émerveillement. On parcourt alors un chemin bordé de murets de pierre, dans les pas de générations de bergers, on emprunte un petit pont de bois pour traverser le torrent, à l’entrée de la vallée des fleurs, et on apprécie la descente dans une belle forêt de pins. Un circuit à réaliser raquettes aux pieds, chaudement équipé et après avoir bien vérifié la météo, comme pour toute balade hivernale en montagne. « L’après-ski, ici, c’est ça : la découverte du patrimoine à travers tous les sentiers de randonnée. C’est toute une construction paysagère et historique. On plonge alors dans une balade temporelle », sourit Alain Bousquet. Car l’histoire de la vie humaine dans le secteur remonte loin, très loin… Comme en témoigne un passionnant circuit de balade archéologique autour d’Eyne qui permet de découvrir un rocher gravé, un menhir, un chemin bordé de dalles ou encore un pont romain. Ce sont ces incroyables richesses naturelles et culturelles, regroupées dans un cadre pyrénéen de toute beauté, qui ont incité Alain Bousquet à venir s’installer ici il y a 30 ans… Mais pas seulement. « Mon père a été instituteur ici. C’est à Eyne que nous venions ensuite passer nos vacances. C’est une attache affective », confie le premier magistrat.

Cambre4Eyne, « un vrai village catalan »

Après quinze ans dans la marine nationale, Alain Bousquet est donc revenu s’installer ici. Il a été apiculteur et éleveur de chevaux et s’est investi dans le monde associatif, culturel, archéologique. «A Eyne, j’aime la qualité de vie, le lien direct avec la nature, mais aussi une certaine tradition catalane et rurale que j’ai connue petit à Toulouges. Ici, dans ce milieu montagnard, elle a persisté. C’est un vrai village catalan ». Bien plus qu’une station touristique, Eyne est un lieu de vie, avec une authenticité qui transpire de ses ruelles en pierre. Corinne Parrasols est de ceux qui rendent le village vivant. Avec son mari Philippe, elle élève de belles vaches grises de race gasconne et, comme une évidence pour cette fermière originaire de Castelnaudary, elle produit du canard gras et des volailles. Sourire aux lèvres, Corinne nous reçoit dans un vieux corps de ferme aux murs épais. Elle quitte ses fourneaux pour quelques minutes. « Aujourd’hui je prépare de la blanquette » explique-t-elle. Entre élevage et atelier de transformation, le métier n’est pas de tout repos. A cela s’ajoute l’accueil des clients, qui fait partie intégrante de son travail.

« Certains nous disent : « ce n’est pas trop dur ? », d’autres : « vous avez de la chance » 

La famille Parassols fait partie du réseau Bienvenue à la Ferme, et s’engage ainsi à entamer la discussion avec des touristes souvent curieux et intéressés. « J’aime le contact avec les gens, ce n’est donc pas un souci ! Explique Corinne. C’est bien de leur faire partager ce qu’on vit et la façon dont on travaille. Entre éleveurs, on a tous de différentes façons de faire, et c’est ce qui fait toute notre richesse ». Les questions qui reviennent le plus souvent ? « ” Comment faites-vous pour vivre ici, dans la neige et le froid ? “, raconte-t-elle en riant. Certains nous disent : ” ce n’est pas trop dur ? “, d’autres : ” vous avez de la chance ” ». Les clients repartent avec de la viande ou des plats cuisinés… Mais, autant que l’achat, c’est souvent le contact avec l’univers de la ferme qu’ils viennent chercher. « Le Cambre d’Aze est une station familiale. Les clients viennent voir les animaux. Nous avons les génisses ici, sur la ferme. Ils y ont accès facilement ».

« Les enfants sont toujours impressionnés par les vaches »

A l’inverse des laitières habituées au contact, ces vaches-là sont des allaitantes, et ne tolèrent généralement pas les caresses. « Les enfants sont de toute façon toujours impressionnés par les vaches. Mais ils aiment bien leur donner à manger, leur mettre du foin ». Le village est aussi animé par plusieurs autres producteurs : Eric Grassaud, qui élève des chevaux lourds et propose du tourisme équestre, la miellerie du Cambre, et Arnaud Carcassonne, un éleveur de vaches laitières qui fait du fromage, fraîchement installé. Et à Saint-Pierre dels Forcats, impossible de manquer une visite de la ferme pédagogique. Quel plus beau souvenir pour les enfants que de donner le biberon à un agneau, du foin aux vaches ou de ramasser des œufs ? La ferme organise aussi des ateliers, comme la fabrication de son propre pain, cuit au four à bois, ou de son beurre battu à la baratte. Des activités d’après-ski à l’image de la station du Cambre d’Aze : simples et essentielles… Cultivant l’authentique.

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