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Cambrils, élégante et racée

13 Mai Cambrils, élégante et racée

Au sud de Tarragona, au coeur de la Costa Daurada, à quelques kilomètres de Reus et de Tarragona, se niche la ville de Cambrils, à la fois station balnéaire huppée et ville catalane côtière typique, profondément ancrée dans la dure terre nourricière et ouverte sur le large de toute éternité. Une ville à découvrir, qui a fait de la douceur de vivre un art et un credo.
cambrils4Déjà le tourisme antique

Le site est peuplé dès la préhistoire comme en attestent les nombreuses traces archéologiques, puis longuement occupé par les Ibères jusqu’à l’arrivée des Romains, au IIIe siècle Av J-C. La proximité de Tarragona (la Tarraco romaine), la beauté du site avec ses plages et ses rivières, sa situation sur la Via Augusta, conduisent de nombreuses familles patriciennes à y posséder des villas richement décorées et de grandes exploitations agricoles. Ne manquez pas au Museu de les Tres Eres la reconstitution d’un mur de salon d’une villa romaine ou encore le délicat lampadaire de bronze, en forme d’éphèbe, retrouvé intact. L’empereur Auguste, parti en résidence officielle à Tarraco, séjournera à Cambrils plusieurs mois. La villa romaine de la Llosa constitue ainsi l’un des sites les plus intéressants de la province.

Ville royale

Mais, c’est au Moyen Age que Cambrils a rendez-vous avec son destin. Lors de la reconquête menée contre les Maures qui occupent le sud de la péninsule, l’étroite bande de terre qui sépare la mer des montagnes de l’arrière-pays, est un véritable verrou contre les Sarrasins : les comtes-rois créent alors le Camí Reial (chemin royal) sur le tracé exact de la Via Augusta et font de Cambrils une ville royale, sans vassal intermédiaire, qu’il soit ecclésiastique ou seigneurial, ce qui confère à la ville nombre de privilèges. Il ne faut pas chercher ailleurs son expansion économique, avec ses nombreux moulins, son hôpital, son couvent, son ermitage et son droit à tenir marché.

Cambrils : Sainte et Martyre

Sa situation géographique est si incontournable que c’est depuis les plages de Cambrils qu’embarquent en 1229 les armées de Jaume Ier, parties conquérir Majorque et fonder l’empire maritime qui marquera l’âge d’or de la Catalogne ! Mais toute gloire a sa rançon et elle se paye en 1640, lors de la Guerre dels Segadors, une vraie guerre d’indépendance avant l’heure, par une défaite et un véritable massacre de la population par les Espagnols qui détruisent carrément les remparts. Et ce n’est pas fini, il faut encore subir les armées napoléoniennes, au début du XIXe siècle, un conflit connu au sud sous le nom de « guerra del francès » ! Voilà le destin de la Catalogne résumé en deux événements.

Toujours debout

Malgré ces catastrophes en série, Cambrils survit grâce à ses moulins, à ses petites fabriques d’eau-de-vie, ses briqueteries et ses petits chantiers navals qui constituent des apports appréciables, en plus des produits de la pêche et de l’agriculture. Pendant la guerre d’Espagne, Cambrils, situé juste au nord de l’aire de combat la plus sanglante du conflit, le delta de l’Ebre, devient l’un des sièges des brigades internationales et ne cesse d’être bombardé. La ville voit passer un flot constant de troupes et de réfugiés. Il faut attendre les années 50 et les premières vagues d’immigrants venus du sud de l’Espagne pour surmonter le traumatisme, renouer avec la prospérité et se tourner vers un nouvel Eldorado ! Le tourisme.

cambrils3Tous les galons

Neuf plages, principalement de sable fin, plus belles les unes que les autres, bordent la commune qui s’est dotée d’équipements de premier plan en matière d’hôtellerie et d’hôtellerie de plein air, d’une offre gastronomique exceptionnelle (Cambrils abrite en outre l’Ecole Hôtelière), et d’équipements sportifs qui vont du football au nautisme, conçus pour tous les publics, toutes les bourses et surtout tous les âges. Cambrils est une vraie championne du tourisme familial, impossible de s’y ennuyer. Des itinéraires balisés, empruntables à pied ou en vélo, quadrillent toute la commune et permettent une découverte ludique de son patrimoine.

Le goût de la nature

Ceux que la langueur des plages et le poids du soleil lassent disposent du Parc del Pescador, son étang et ses aires de détente, juste devant la plage de la Riera ou encore du Parc del Pinaret, 4,5 ha avec agora et gradins, zone de pique-nique, chemins balisés… N’oublions pas non plus, les deux arbres-totems de la ville, tous deux sur le front de mer et tous deux classés comme monuments historiques. Il s’agit du Pi Rodó (pin rond) un immense pin maritime parfaitement sphérique et du Philolata, arbre emblématique du club nautique, originaire d’Argentine. Remarquable aussi, entre la plage de l’Esquirol et celle d’el Cavet, une zone lacustre d’aiguamolls (zones marécageuses) de toute beauté. A Cambrils, se mettre au vert prend tout son sens. D’autant que la station balnéaire a su demeurer une zone maraîchère et fruitière et obtenir pour l’or sombre de ses oliveraies la dénomination d’origine (Appellation contrôlée) Suriana.

La force de la mer

A 16 heures, tous les jours, des curieux guettent au bout de la jetée, au pied du phare rouge, le retour des marins : ici on pêche le poisson, blanc et bleu, (lotte, congre, poulpe) et les crustacés. Encore à bord, les poissons sont triés et préparés à la main puis jetés dans de grandes bassines de plastique coloré. Ils arrivent en quelques secondes et à bras d’homme, à la criée où les attendent particuliers et restaurateurs. Sur le quai, à même le sol, des hommes âgés ravaudent les filets remplis d’algues, d’oiseaux morts, de branches et de détritus. Le nylon a remplacé le coton et la corde, les euros ont supplanté le troc, mais la scène qui se joue se répète à travers les âges, immuable et belle…

cambrils2Des trésors à découvrir

Au milieu du front de mer, cernée d’immeubles modernes, s’élève la tour du port, intacte. Elle annonçait autrefois aux villageois retranchés plus haut sur la terre ferme, l’arrivée par mer des pillards. Le reste du patrimoine médiéval se trouve en effet à l’intérieur des terres, dans l’ancienne ville dont les venelles tortueuses et pentues vous enchanteront. Arrêt obligatoire au Sanctuaire de la Mare de Déu del Camí, vénérée des habitants. La chapelle, largement remaniée aux époques renaissante et baroque, puis au XIXe, jouxte la Torre de l’Ermita, l’une des tours de guet les mieux conservées de toute la côte, remarquable pour son escalier en colimaçon. Elle abrite une exposition sur le Cambrils du Moyen Age. La tour du télégraphe toute proche, construite au XIXe siècle pour améliorer les communications au moyen de sémaphores est une vraie curiosité. Comme dans beaucoup de villes du sud de la Catalogne, Cambrils possède, en outre depuis la guerre d’Espagne un abri antiaérien qui fait partie de la Route des Espaces de Mémoire, à visiter absolument.

La promenade comme art de vivre

Où que l’on soit dans Cambrils, on croise des gens en promenade : tout est ouvert et pourtant, des dames promènent leur chien, des couples s’embrassent aux terrasses, on croise des excentriques qui semblent tout droit sortis de la Promenade des Anglais et des jeunes du cru en pleine conversation. Un mélange étrange et fascinant de nonchalance et d’efficacité. En bord de mer, le bal des serveurs ne connaît guère de pause, autour du port, l’agitation est permanente et semble presque chorégraphiée. Est-ce la douceur de l’air, le rythme obstiné de la mer ? Dans Cambrils, on se sent bien ; si bien qu’on a du mal à partir. Pourtant il y a des choses à voir aux alentours.

Paradis des curieux

Dans cette terre de la Catalogne Nova, terre de vin, d’huile, et de Modernisme, quoi de plus édifiant que l’ancienne cave coopérative, construite par le grand architecte Bernard Martorell, disciple de Gaudi ? Elle fut en activité jusqu’en 1994 et est aujourd’hui transformée en musée de l’agriculture locale. Les salles des pressoirs sont devenues des lieux d’exposition. Le choc esthétique est garanti. Enfin, un coup d’œil au ravissant château de Vilafortuny, classé monument historique, s’impose. Il s’agit d’un bâtiment défensif, flanqué d’un donjon renaissant et juché sur un promontoire : il réveillera le chevalier ou la gente dame de vos rêves d’enfant. Enfin, ne manquez pas le hameau du Mas d’en Bosch, avec sa chapelle de 1575 et son joli cimetière paroissial utilisé par tous les habitants des villes voisines, en raison de sa proximité avec le Chemin Royal. Le Mas proprement dit est un ancien relais de diligences. Les Romains avaient si bien tracé leurs routes, qu’au cours des siècles nous n’avons pas trouvé mieux !

 

« Que de choses à voir ! » me direz-vous ! Voilà pourquoi Cambrils est beaucoup, beaucoup plus qu’une station balnéaire familiale, suréquipée, commerçante, moderne et surtout dotée d’un site splendide. Cambrils l’élégante, Cambrils la racée est avant tout fille de paysans et de pêcheurs. Fille du Levant, du vin, de la mer et des oliviers. Fille de Catalogne, dans la gloire de la conquête, la noirceur de l’exil ou la boue sanglante de la défaite. Les siècles s’y tutoient d’un bâtiment à l’autre, mais le temps, lui, sait s’y reposer et nous y invite.

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