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LES FÊTES MÉDIÉVALES : COMME UN RÊVE

06 Août LES FÊTES MÉDIÉVALES : COMME UN RÊVE

Chaque époque a son âge d’or de référence. Depuis cinquante ans, le Moyen-Age tient la corde, porteur d’imaginaire et d’authenticité. Il fleurit sur les marchés thématiques avec son cortège de métiers et de spectacles et enchante le patrimoine bâti.

Les fetes medievales2Terrible et fascinant

Les plus anciens ont connu les tribulations de Thierry la Fronde ou les terribles complots des Rois Maudits. Plus récemment, des séries comme les Tudor, les Piliers de la Terre ou Kaamelot, des films comme le Robin des Bois de Kevin Costner et Morgan Freeman, ont initié des générations de spectateurs aux mystères de ces temps troublés. Avec les siècles, les histoires de sorcières, d’empoisonnement, d’Inquisition et de bûchers pour hérétiques ont acquis un charme inimitable, et les grandes peurs de l’an mil ont encore leurs amateurs.

Des écrins de choix

Par ailleurs, le patrimoine bâti, civil, sacré ou militaire, accueille avec bonheur animations et reconstitutions historiques, dans une alliance étrange de traditions paysannes et de références aristocratiques. Le Moyen-Age a la cote, et la Catalogne, au sud comme au nord, ne fait pas exception à la règle, un rien nostalgique de sa gloire passée. Le gothique est pour elle un âge d’or, de prospérité de paix, d’efflorescence des arts et de la langue. Il scelle l’identité catalane. Dans les villes naissent des guildes puissantes, les échoppes se bousculent le long des rues étroites, partout, des moulins à huile ou à grain, profitent de la force des cours d’eau. Les comtes-rois instituent un système parlementaire. Bref, la Catalogne est alors un pays moderne, auquel tous les espoirs sont permis.

C’était hier

Rien d’étonnant donc, à ce que cette terre de troubadours et de hobereaux, fille des abbayes et de la reconquête franque, multiplie les fêtes et les marchés médiévaux, histoire de bien se camper sur ses pieds pour prendre son élan vers l’avenir. Oyez ! Oyez ! Gentes dames et fiers chevaliers, bon peuple de nos villages, en piste ou plutôt en lice ! Septembre vous donne rendez-vous dans un espace-temps indéfini, entre le Xe et le XIVe siècle, sous les remparts préservés de nos villes, pour un flash-back collectif haut en couleurs !

Faire revivre le patrimoine

Logique oblige, les villages qui organisent une fête médiévale ont tous un patrimoine directement lié à cette époque glorieuse : c’est le cas de Besalú, dont le comté fut l’un des fers de lance du pays, véritable fleuron catalan, avec son magnifique pont à la fois oblique et en dos-d’âne, fermé d’une herse monumentale, son quartier juif et ses églises. Le cas encore de Castell d’Aro avec son vieux village, ou de Castelló d’Empúries, une vraie merveille architecturale, siège des puissants comtes qui régnèrent sur l’Empordà.

Le nord répond présent

Au nord, impossible de ne pas faire référence aux belles fêtes d’Arles, hélas disparues. De nos jours, Marquixanes et surtout Formiguères où s’éteignit Sanche 1er, Roi de Majorque, ont repris le flambeau. La splendeur gothique Perpignan, capitale majorquine, accueille tous les ans des « trobades » dans le cadre unique de son cloître-cimetière, le Campo Santo, et prolonge les réjouissances dans les jardins du square BirHakeim. Partout, le public est au rendez-vous, intergénérationnel, curieux et prêt à s’amuser.

Les fetes medievales3Rêver d’hier

Car s’il fallait un adjectif pour qualifier ces fêtes, le mot « joyeux » s’imposerait. Tout commence par les costumes et souvent, la participation active d’habitants bénévoles, prompts à coiffer le hennin et à porter le haut-de-chausse et les robes de brocard rayé, une aumônière à la ceinture. Quelques jolies tentures, et le tour est joué, le marché médiéval prend vie avec ses étals d’autrefois, ses stands d’herbes médicinales, de miel, de légumes, de pains et de fromages artisanaux. Des échoppes de barbiers, de joailliers, de simples, rajoutent des notes de couleur.

Transmettre

Les vieux métiers ont le vent en poupe : démonstrations de tailleurs de pierre, de tisserands, de potiers, de verriers d’ébénistes… Les gestes augustes des artisans sont restés les mêmes à travers les siècles. Un marché médiéval, c’est d’abord une fantastique leçon de continuité et de transmission. Mais aussi de modestie. Non, la machine ne remplace pas tout, et ce dialogue entre l’homme et la matière a quelque de chose de rassurant à l’ère du tout virtuel !

Montrer

Evidemment, revenir à l’âge des troubadours ne peut se faire sans spectacle : partout, des montreurs d’ours, des musiciens déambulent, porteurs de flûtes, de cromornes, de sacs de gemecs, de rebecs. Des jongleurs et des acrobates dessinent leurs arabesques sur le ciel de septembre, bientôt suivis, à la nuit tombée d’incroyables cracheurs de feu. Les rues deviennent un chapiteau de cirque en mouvement, pour le plus grand plaisir des petits et des grands.

La peur du diable

Evidemment, ce tronc commun à toutes les fêtes médiévales connaît de brillantes variations. A Besalú, ne manquez surtout pas le carrer dels atrapats, une rue encaissée près de l’ancien call où vous attendent des personnages terrifiants nés des croyances médiévales les plus primitives : êtres simiesques et contrefaits, démons, sorcières, morts-vivants, squelettes, hommes boucs… Vous serez au cœur de la grande nuit du Moyen-Age !

L’honneur de la chevalerie

A Perpignan et à Formiguères, les chevaux sont de la partie, et ce sont aussi des joutes équestres et des tournois qui vous attendent pour vous transporter au temps d’Ivanhoé et des chevaliers de la Table Ronde, un temps où la chevalerie inventait le code de l’honneur qui allait définir l’éthique militaire pendant des siècles. Le spectacle est magnifique et haletant, et les enfants en redemandent ; Formiguères intitule sa fête « le retour des rois de Majorque » et parie sur le défilé de la garde équestre et de la « compagnie du roi d’Aragon » en grand apparat, brandissant bannières et écus. Comme autrefois, une foule en liesse se presse pour ovationner la garde royale et la vraie capitale du Capcir retrouve pour un après-midi, un peu de sa gloire passée quand elle pouvait se revendiquer cité royale !

Terre de troubadours

Depuis près de vingt ans, la jolie ville de Castelló d’Empúries, dont le patrimoine médiéval est quasiment intact avec son pont, son église et ses remparts romans, a créé un festival foisonnant et atypique, qui se déroule sur quatre jours et mobilise toutes les énergies de la commune autour d’un concept « terre de troubadours », référence au rôle éminent de la Catalogne, avec les grands troubadours Berenguer de Palol ou Ponç d’Ortaffa.

Ramon Llull

Chaque année, un fil conducteur guide une programmation dense et inspirée qui allie théâtre, danse, musique, conférences, spectacles populaires, démonstrations, ateliers jeune public, sous le double signe du Moyen-Age et de la catalanité. Cette année, c’est le philosophe Ramon Llull qui est à l’honneur. N’a-t-il pas, dans la dissipation de son jeune âge, composé chansons et poèmes ? A partir de la figure de l’illustre Majorquin, contemporain du troubadour PonçHug d’Empúries, sont convoqués tous les arts d’Orient et d’Occident, car Ramon Llull fut ce pont inspiré entre le monde musulman alors à l’aube de sa gloire et le monde chrétien : danses orientales, spectacles de marionnettes, ateliers de calligraphie, impossible de s’ennuyer, tant la fête est flamboyante.

Ripaillons gaiement !

D’autant que la dimension hédoniste est servie par la tradition des banquets médiévaux : après la bataille, il convient de faire ripaille, en confiant notamment la charge délicate de la cuisine aux rôtisseurs ! A Besalú, on sert du veau rôti, à Marquixanes, du cuissot de bœuf, ailleurs, ce sont souvent les restaurants qui jouent le jeu du « repas médiéval », même si souvent, le dit repas n’en a que le nom ! Cervoise, hypocras et hydromel font chanter les gosiers.

L’important, c’est de s’amuser, de se rêver chevalier ou gente dame, comme autrefois, quand on croyait encore aux contes de fées. Ressusciter une époque où l’avenir semblait s’ouvrir sur des jours de gloire et de paix, où la Catalogne était une grande puissance européenne, et où Dieu s’occupait de tout ! Une pause festive et un rien nostalgique dans un monde où le rêve peine parfois à percer la grisaille des jours.

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