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Le Garraf maritime, exotique et romantique

10 Fév Le Garraf maritime, exotique et romantique

Avec ses longues plages blanches et ocre, ses éperons rocheux tombant dans la Méditerranée et ses cités vivantes à l’année, la côte du Garraf possède une âme à part, une ambiance conviviale et méridionale à deux pas de la frénésie de Barcelone. Cap sur la façade maritime du Garraf, via deux villes de charme : Sitges et Vilanova i la Geltrú.
Sur la plage, des cabanons de baigneurs en bois scrutent l’horizon. Inlassablement, les rouleaux lèchent le sable et affrontent les rochers avec une puissance venue de loin. Un promeneur contemple la Méditerranée, un chien s’ébrouant à ses côtés. Sur un banc, un retraité lève le visage vers le soleil, s’imprégnant de ses rayons. La douceur hivernale a du bon, sur la côte du Garraf. Seuls le cri des mouettes et le train qui file vers Barcelone viennent régulièrement interrompre cette quiétude. Nous sommes à Garraf, petit village du même nom que l’ensemble de la « comarca » (province) qui s’étire au sud de Barcelone. Garraf est un petit port tout en blancheur, un îlot de paradis. De quoi charmer le visiteur dès son arrivée dans la région.

Garraf3Plantes grasses et façades blanches

Derrière nous, les collines arides et rocailleuses viennent côtoyer le littoral. Des agaves et autres plantes grasses s’y agrippent miraculeusement. Depuis la plage, la route grimpe vers le cœur du village. Maisons blanches aux volets verts ou bleu profond, typiques de la région de Sitges, terrasses ombragées par des vignes, bougainvillées mauves et roses, yuccas et figuiers de barbarie… Tout ici respire l’exotisme. Le clocher pointu de l’église, les céramiques sur les murs et les façades blanches contribuent à cette ambiance insulaire. Il y a un peu de la côte portugaise, de Madère et de la Grèce réunies dans Garraf. Si ce petit port est un écrin, le cœur de Sitges, commune à laquelle il appartient, n’est pas en reste. Passé les abords de la ville, on entre dans un ensemble de rues médiévales aux façades en pierre ou blanchies. La nuit tombée, la promenade sur le front de mer ne manque pas de charme. A la lueur des lampadaires, on observe le reflet de la ville dans l’eau. Le clocher se détache du décor, les lumières des paquebots scintillent au large. Le superbe hôtel San Sebastian étire ses balcons arrondis dans un style très Belle Epoque. Chef-d’œuvre parmi les chefs-d’œuvre, le Palau Maricel impressionne, avec sa façade blanche, son portail gothique et ses imposants volumes.

La « 5th Avenue » du multimilliardaire Charles Deering

On découvre, en le longeant, l’étroit passage de la Rectoria, que les habitants de Sitges ont surnommé, non sans humour, la 5th Avenue, en référence au multimilliardaire Charles Deering, qui fit construire le palais au début du XXe siècle. Le chemin de ronde débouche sur l’église de Sant Bartomeu i Santa Tecla. D’ici, de grands escaliers dévalent vers le front de mer. S’y étalent des terrasses de restaurants bondées en été. De cette belle façade maritime, de nombreuses rues commerçantes grimpent vers le véritable cœur de la ville. Car si Sitges, station balnéaire prisée des Barcelonais et capitale « gay friendly » de Catalogne, est une ville de fêtes en été, elle reste bouillonnante toute l’année, avec ses nombreux magasins, ses restaurants, ses familles qui se promènent et ses voisins qui discutent d’un pas de porte à l’autre. Quelques rues plus haut, on pousse la porte du Celler Vell, ancienne cave reconvertie en restaurant. Une ambiance chaleureuse, et un décor à l’ancienne, avec ses pots, poêles et autres tisons anciens suspendus aux murs jaunes. La patronne vous sert une cuisine généreuse, simple et fine à la fois et se prête volontiers au bavardage en fin de service. Dehors, la nuit a fini de jeter le voile sur l’animation diurne. Les magasins ont baissé leurs rideaux, les enfants sont rentrés « a casa ». Mais les bars restent animés.

Chez Bacardi, un air de Cuba

En retournant du côté de la cathédrale, on découvre, près du palmier surréaliste, gigantesque et tordu de la place de la mairie, la Casa Bacardi. A l’intérieur de cette rhumerie, des amateurs affûtent leur science, verre après verre. Bacardi, rendu célèbre par sa marque de rhum voilà 150 ans, fut l’un des nombreux Indians de la région, ces Catalans partis faire fortune aux Amériques. La voilà, la clef pour comprendre le Garraf et Sitges ! L’architecture coloniale des grandes demeures, les bananiers et les palmiers s’échappant des jardins intérieurs, cet air venu d’ailleurs… Tout cet exotisme s’explique par l’influence des échanges avec le nouveau monde et les Caraïbes. Mais le charme de Sitges tient aussi dans ce subtil mélange avec les racines catalanes de la région. Carrer del Bosc, les superbes façades en pierre ne sont pas sans rappeler la Catalogne intérieure. Sur les murs, des céramiques peintes évoquent ça et là les paroles d’une sardane, un hommage au poète Josep Carner,…

Quittons Sitges pour Vilanova i la Geltrú, chef-lieu du Garraf, à quelques kilomètres au sud. Ne vous fiez pas à ses grandes artères, sans intérêt, pour juger la ville. Avec ses 60 000 habitants, Vilanova est multiple, et ne manque pas d’attraits. D’abord, il y a le front de mer. Planté d’une allée de palmiers interminable, de pins et d’espaces verts du côté de Ribes Roges, il donne sur une plage de sable fin, longue de plusieurs kilomètres. Tout respire ici les vacances. On découvre de superbes hôtels particuliers du début du siècle dernier. L’hôtel César et son restaurant, la Fitorra, méritent le détour. Entre une fideuà traditionnelle et une salade de fruits relevée d’une émulsion de basilic, la patronne, Joanaina Escalas i Nolla, prendra bien le temps de vous raconter l’histoire peu ordinaire des lieux.

Garraf2L’Hôtel César, cinq générations de patronnes

« L’hôtel César a toujours été tenu par des femmes, je suis la cinquième génération ! » raconte-t-elle. Aujourd’hui connu des Catalans, notamment parce que Joanaina est la nièce de Pere Tàpias, chanteur, critique gastronomique, homme de radio et de télévision, l’hôtel a en fait, toujours fait jaser. Pensez donc : alors que Vilanova i la Geltrú n’était qu’une modeste cité de pêcheurs, en 1889, la bâtisse fut construite par un Indian de retour de Cuba. L’arrivée du tourisme a, par la suite, révolutionné la ville, créant des barrières culturelles… Jusque dans les années 60 : Dans la famille, on le raconte encore : on dit « quand les Français sont arrivés… ». En fait de Français, ce sont surtout les Françaises qui faisaient scandale. En pleine dictature franquiste, dans une société traditionnelle et pieuse, où les femmes allaient vêtues de noir, « les touristes françaises débarquaient parfumées et maquillées, elles portaient des couleurs. Ces odeurs de parfum dans la rue, ça a été une révolution au village ! Elles dansaient sur les tables. Alors dans le village, on appelait notre hôtel « la casa de l’infern » (la maison de l’enfer) » s’amuse Joanaina. Désormais, à Vilanova i la Geltrú, ce sont les yachts de luxe qui aiguisent la curiosité… Surtout celle des touristes, d’ailleurs. Les autochtones, eux, sont habitués. La société Vilanova Grand Marina entretient ces monstres des mers qui restent parfois à quai toute l’année, les bichonne, les répare.

Yachts de millionnaires

Si leur masse imposante se repère de loin, impossible pour les curieux d’approcher. Seule option, entrer dans le bar du coin, le « Feeling ». Là, collé aux grandes fenêtres, on découvre la vue sur la zone technique. Traditionnels, sobres, ou aux formes aiguisées et gris argentés futuristes, il y en a pour tous les goûts. Sur ces immenses bateaux, les silhouettes des techniciens semblent bien ridicules vues d’ici. Qui sont donc les propriétaires de ces navires ? On imagine aisément quelque homme d’affaires russe ou arabe… L’ancien pilote de F1 Mika Hakkinen aurait déjà été aperçu dans le secteur… Mais globalement, les stars, ici, se font rares et discrètes. En prolongeant la balade vers le nord, passé le port, on découvre le phare de Sant Cristòfol, un bel édifice datant de 1905, dans lequel se trouve le musée de la mer. Derrière lui s’étire un quartier cossu de villas des années 1920, à l’architecture très Art nouveau. Passeig Sant Cristòfol, de nuit, la lumière tamisée des lampadaires orange et l’ombre des grands pins confèrent à ces pavillons un air de mystère. L’autre visage de Vilanova i la Geltrú à ne pas manquer, c’est son cœur de ville. La Rambla Principal, qui s’étire jusqu’à la mer, en est le poumon. « On n’a plus besoin d’aller faire notre shopping à Barcelone, toutes les boutiques qui sont là-bas sont aussi présentes ici » nous avait prévenus Joanaina. Ici, la vie grouille dans tous les coins. A l’heure de la sortie des écoles, les ruelles sont envahies par les cris des gamins.

 « Vilanova, c’est une petite ville dans un grand village »

Au détour d’une rue, la Plaça de la Vila se dévoile. Avec ses grands palmiers et ses arcades, elle n’est pas sans rappeler la Plaça Reial de Barcelone. Sur le pas de son café, « La Carpeta Moderna », Jordi, le patron, s’autorise une pause cigarette. Le week-end, il n’est pas rare de croiser à sa terrasse, l’acteur Sergi López, enfant du pays. « Vilanova, c’est une petite ville dans un grand village », résume Jordi. Il raconte l’animation estivale, les afflux de touristes. « C’est la plage la plus proche de l’Andorre, de Berga, Manresa. La population a doublé en vingt ans ! Mais c’est aussi, à l’origine, une ville de pêcheurs » explique-t-il. Les pêcheurs, certains restaurateurs vont à leur rencontre à leur retour de mer, tous les après-midi en semaine, sur le coup des 15h, pour acheter des poissons de choix. Ainsi va Vilanova i la Geltrú, troisième port de Catalogne, ville-village cultivant ses racines et s’ouvrant au monde. Dans deux styles différents, Vilanova et Sitges charment le visiteur. On les découvre… et, toujours, on y revient.

Fanny Linares

 

Sitges, la ville aux 17 plages

Plages immenses de sable fin, bondées en centre-ville, criques isolées, prisées par un public familial, gay ou naturiste… Il y a l’embarras du choix à Sitges. En tout, 17 plages s’étendent le long des 18 km de côte de la commune. Citons, dans des styles très différents, la plage de les Botigues (la plus au nord), qui s’étend sur 1 400m entre Castelldefells et Cala Ginesta, et attire les familles grâce à sa pente très douce. La plage de Cala Ginesta dans la continuité est, elle, prisée des pêcheurs à la ligne grâce à sa digue. Celle de Garraf est toute en charme désuet, avec ses cabanons en bois. La plage de la Fragata s’étend quant à elle en pleine ville, au pied de l’église Sant Bartomeu i Santa Tecla. A deux pas de là, derrière l’église, se trouve celle de Sant Sebastia. Les amoureux de nature tomberont sous le charme de la plage de Cala Morisca, bien plus sauvage, creusée dans les rochers. Pudiques, s’abstenir : cette plage est appréciée des naturistes. D’autres plages, comme celle de L’home mort, sont fréquentées par un public majoritairement gay. En été, le littoral est pris d’assaut par les baigneurs, les adeptes du bronzage parfait, les plongeurs sous-marins et autres windsurfers, sans oublier les nombreux plaisanciers qui, grâce à une quantité invraisemblable de ports le long de la côte du Garraf, n’ont que l’embarras du choix. Mais hors saison, le calme revient, et c’est alors seul, en tête à tête avec la mer, que l’on perçoit toute la beauté du littoral.

Cubelles, petite station balnéaire familiale

En longeant la côte après Vilanova i la Geltrú, la route débouche sur la ville la plus au sud de la comarca : Cubelles. Avec ses 13 000 habitants, cette petite ville côtière est prisée des familles en quête de vacances tranquilles. D’un côté de la route, les quartiers du front de mer. Un air de Canet plage, avec toutefois moins de grands immeubles. La promenade Marítim, une grande allée bordée de palmiers, donne sur les plages. Elles sont quatre en tout, et s’étendent sur 3 km de long. De l’autre côté de la route, se trouve le centre-ville. On y découvre quelques bâtisses empreintes d’histoire, comme le château du Marquis d’Alfarràs, datant de 1675 et déclaré Bien Culturel d’Intérêt National, la maison natale du clown Charlie Rivel ou encore Can Travé, palais néoclassique du XIXe siècle dans lequel Frédéric Travé créa une bibliothèque de mythologie classique et un musée d’histoire naturelle.

Délirant Gaudí

A l’entrée du village de Garraf, une construction aux formes saugrenues et clochers pointus attire immanquablement l’œil du visiteur. Il s’agit de la cave Güell, construite par le génial Gaudí. Cet ensemble asymétrique, datant de 1895, est aujourd’hui occupé par un restaurant. Derrière se trouve la tour du Garraf, une bâtisse circulaire qui servait autrefois au guet et daterait au moins du XIVe siècle. Elle fut restaurée par l’un des collaborateurs de Gaudí, Francesc Berenguer, en 1888, et est aujourd’hui classée Bien d’intérêt national.

Sur les traces des Ibères et des Romains

A l’extrémité sud de Vilanova i la Geltrú, à deux pas de la promenade de front de mer, un ensemble de fondations en pierres est entouré de grillages. On les imagine récentes… Il s’agit en fait des vestiges archéologiques de Darró. Ils témoignent d’une implantation ibère entre le Ve et le Ier siècle avant JC, puis romaine, avec les traces d’une villa. Ces découvertes sont anciennes, elles remontent à 1789… Mais la première campagne de fouilles date, elle, de 1956. La totalité du site n’est pas visible, mais on peut notamment visiter la partie du village ibère correspondant au quartier des artisans. Visites le week-end. Renseignements : +34 938 154 202.

Aux sources de la Malvoisie

Pour goûter la Malvoisie, vin doux typique de Sitges, rendez-vous dans les caves de l’hôpital, où des visites-dégustations sont organisées. Les breuvages qui vieillissent ici appartenaient à la famille Llopis, une famille de notables qui envoyait sa production aux Amériques.

Le train sifflera trois fois

Amoureux de trains, ne manquez pas le Museu del Ferrocaril, musée du chemin de fer de Vilanova i la Geltrú. Bien loin du cliché du musée poussiéreux et sans intérêt, cette véritable institution située dans l’ancien dépôt de locomotives à vapeurs donne à voir pas moins de 27 locomotives anciennes, datant du milieu du XIXe siècle ! L’une des plus belles collections d’Europe, valorisée par des animations familiales le dimanche. Renseignements : www.museudelferrocaril.org

Maricel, le palais des merveilles

Est-ce son atmosphère maritime et poétique, sa douceur de vivre ? Sitges a de tout temps été un lieu d’art. Un bouillonnement que l’on redécouvre aujourd’hui en visitant les musées Cau Ferrat et Maricel, rue Fenollar. Au musée Cau Ferrat, le peintre et romancier Santiago Rusinol est à l’honneur. L’homme était aussi collectionneur, on découvre donc également des œuvres de Picasso, du Greco, et de nombreux artistes marqués par le modernisme : Ramon Casas, Aleix Clapès, Pere Ferran, Joan Llimona, pour ne citer qu’eux. Dans le musée Maricel voisin, une importante collection d’art médiéval, de peintures murales romanes, peintures sur bois gothiques, retables de la Renaissance, etc, est exposée. Un grand trésor, donation du Docteur Pérez Rosales. En début d’hiver, pendant notre bouclage, le site était fermé pour travaux. Vérifier qu’il a bien rouvert auprès de www.museusdesitges.com ou au +34 938 940 364.

Du romantisme en veux-tu…

Amoureux de salles de danse aux fauteuils rouges et aux lustres chargés et brillants, de calèches confortables et de poupées de porcelaine, le musée Can Llopis de Sitges est fait pour vous ! Situé dans l’ancienne demeure d’une famille catalane du XIXe siècle, conservée telle quelle, ce musée témoigne de la finesse de l’art romantique de l’époque. Pour la petite histoire, les propriétaires, les Llopis, étaient une famille d’armateurs d’origine, qui s’allièrent avec des propriétaires terriens et travaillèrent la vigne et en particulier la malvoisie.

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