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La Route des architectes

29 Juil La Route des architectes

L’émergence d’une riche bourgeoisie industrielle catalane, son adhésion aux valeurs de la Renaixença qui redécouvrait le patrimoine culturel littéraire et musical, les liens avec l’Occitanie et la liberté de commerce avec les Amériques, eurent un effet secondaire spectaculaire : une véritable explosion architecturale !

Il faut construire des usines qui laissent entrer la lumière du soleil, des caves coopératives qui soient proches d’une source d’eau ou qui disposent de châteaux d’eau, d’immenses hangars. L’afflux des ouvriers venus, dans un premier temps, des campagnes catalanes puis des autres Espagnes, nécessite la création de logements et d’infrastructures. Les commandes vont bon train et les architectes ne chôment pas !

Une demande foisonnante

D’autant que certains industriels, soucieux de rationaliser la production, n’hésitent pas à construire des colonies, c’est-à-dire de véritables villages ouvriers possédant leur église, très souvent leur théâtre, leur cantine, leur nurserie, destinés à favoriser à la fois un certain bien-être du personnel et un contrôle sur ses occupations et sa vie. Un modèle paternaliste, certes, mais efficace. Il fallut des architectes inspirés pour orchestrer cette fièvre de construction et changer progressivement la physionomie des villes et des campagnes. Sur leurs traces, on découvre la Catalogne industrielle, mais aussi la dimension artistique unique en Europe, qui allait donner naissance au modernisme et au noucentisme, et transformer villes et campagnes. On sait que le grand Gaudí en personne commença la construction de l’église de la colonie Güell à Santa Coloma de Cervelló, dont ne subsiste aujourd’hui que la splendeur de la crypte, totalement hors normes, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il fut aussi l’auteur de la coopérative ouvrière de Mataró dans laquelle il s’essaya aux arcs paraboliques pour la première fois. Deux sites passionnants, qui déjà, disent la quête d’épure et le sens de la majesté qui caractérisent l’œuvre de Gaudí.

Même Gaudí

L’autre grand nom de l’architecture catalane, le grand Josep Puig i Cadafalch, fils de Mataró et figure totémique du modernisme et du noucentisme, s’illustra en construisant au pied du Montjuïc une immense usine textile, la fàbrica Casaramona, aujourd’hui la CaixaFòrum, les caves néo-gothiques de Codorniu à Sant Sadurni d’Anoia, ou encore la fabrique Carbonell Reverter à Canet de Mar, avec sa belle façade moderniste et son entrée vitrée très Art nouveau. Les cathédrales du vin du pays tarragonais, ainsi nommées eu égard à la hauteur insolite de leur nef et à l’utilisation des verrières qui rappellent les vitraux, portent la marque d’un très grand architecte, Cèsar Martinell. Et de son collègue, Pere Domenech i Roura. à voir absolument, les caves de Gandesa, de l’Espluga de Francolí, de Falset, de Montblanc ou encore celles de Nulles. Vous serez émerveillés par la grandeur qui se dégage de ces bâtiments sobres et graphiques.

Les cathédrales du vin

Au chapitre des bâtiments industriels, les abattoirs jouent un rôle majeur dans un pays qui se consacre largement à l’élevage et à la fabrication de charcuteries. Ceux de Figueres (Josep Azemar i Pont), Reus (Pere Caselles i Tarrats), Mataró (Melcior de Palai i Simón), Canet de Mar (Eduard Ferrès i Puig) et Igualada (Moncunill), intacts et préservés, vous montreront toute la variété d’ornementation et de structure qui accompagne la construction industrielle, qui a vocation à améliorer aussi la qualité visuelle de l’environnement. Moncunill fut également très actif à Terrassa où il signa l’usine textile Aymerich, la farinera, la façade de la filature Ventalló ou encore la société d’électricité.

Des banlieues transformées

Il émailla la ville de magnifiques maisons de maître qui suscitent l’admiration et l’émerveillement. à Sabadell, on lui doit aussi la filature Sallarès Deu et à Rubi, la tannerie la Pelleria. C’est incontestablement l’un des architectes les plus actifs du mouvement moderniste. Dessiner un bâtiment industriel ne signifie pas, pour les architectes de l’époque, réaliser un bâtiment fonctionnel, mais bien signer une œuvre d’art, d’où le soin extrême apporté au choix des matériaux et à l’ornementation des façades, souvent dessinées en dedans, volontiers asymétriques et dotées de fenêtres ou de baies ouvragées ou cerclées de mosaïques.

Un pays en mutation

C’est toute une génération d’architectes qui s’est prêtée au jeu et a totalement transformé le pays en honorant souvent des doubles commandes, relatives à la fois aux maisons de la grande bourgeoisie et à leur outil industriel. Ils sont indissociables des avancées techniques constantes réalisées entre le XVIIe et le XXe siècle, qui ont fait de la Catalogne d’aujourd’hui la sixième économie européenne.

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