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Pour l’amour du Solsonès

01 Jan Pour l’amour du Solsonès

Sandra Barretina est la présidente du Syndicat hôtelier du Solsonès et l’heureuse propriétaire d’une magnifique auberge familiale nichée dans un mas catalan du XVIIe. Rencontre avec une professionnelle tenace et optimiste, qui n’a qu’un crédo : travailler ensemble pour faire connaître le Solsonès.

Solsones10Bonjour Sandra, expliquez-moi d’où est né ce beau projet, la cabana de Can Geli ?

Nous avons racheté le lieu presque en l’état, il y a un peu plus de dix ans. En fait, nous sommes de Barcelone, mais ma tante habite dans le Solsonès depuis longtemps et nous connaissions bien la région. C’est un pays magnifique avec des paysages à tomber et nous avions une grande envie de quitter la ville. Alors, comme nous avons toujours travaillé dans l’hôtellerie, nous avons décidé d’acquérir un grand mas avec une histoire et un nom. Ici, la plaque de l’imposte indique 1774 et la cabana d’en Geli est connue comme le loup blanc. Et puis, bien sûr, l’architecture est magnifique… C’est un endroit magique.

Quand vous dites « nous », qui désignez-vous exactement ?

Ma sœur, ma mère et moi, nous sommes un véritable triumvirat. C’est ma mère qui cuisine. Avec la crise nous avons été contraintes de nous restructurer et de travailler simplement en famille, c’est ce qui nous a permis de tenir. Evidemment, le week-end on prend des extras. Ma mère a 64 ans, ma sœur et moi sommes autour des 40. Nous formons une sacrée équipe. C’est un luxe de pouvoir travailler comme ça !

Vous avez fait des travaux ?

Pas vraiment, les anciens propriétaires ont magnifiquement restauré les lieux, il s’agissait de professionnels du bâtiment, mais nous avons des projets d’agrandissement pour pouvoir par exemple offrir des hébergements, nous savons que les gens sont très demandeurs, surtout depuis qu’ils ne peuvent plus boire le soir avant de reprendre le volant. Les possibilités sont énormes et avec la sortie de la crise, nous recommençons à tirer des plans sur la comète. Il existe encore ici des salles vides, toutes de pierre taillée, dont une avec un bar. Donc, le potentiel existe et ne demande qu’à être réalisé.

Vous pensez que la crise est derrière nous ?

Je dirais que le pire est passé. On a réussi à survivre quand tant et tant d’entreprises ont fermé. Je suis optimiste pour l’avenir.

A vous entendre, j’ai l’impression que vous avez trouvé votre port. Vous vous projetez ici pour toute votre vie ?

La réponse est oui sans hésiter. J’y suis bien. En dix ans, nous avons assis une notoriété et mis sur pied un fonctionnement qui nous convient. Et puis, je ne pourrais plus quitter ce pays.

Quel type de cuisine proposez-vous ?

Une cuisine catalane, une cuisine authentique, basée sur des produits de proximité et revisitée d’une touche de modernité, parce qu’on ne mange pas aujourd’hui comme autrefois et parce que nos palais sont habitués à d’autres alliances. Visiblement c’est un dosage qui plaît à nos clients. Nous avons beaucoup de gens de la comarca, surtout le week-end, mais évidemment, nous sommes loin de tout… On vient ici pour venir ici. J’espère que cette interview donnera envie de venir nous voir aux gens du sud de la France.

Solsones11Justement, vous êtes également présidente du syndicat des restaurateurs…

Oui, j’essaie de me battre pour nous faire connaître. Vous savez, nous sommes juste au centre de la Catalogne. Ça n’a jamais été une terre de passage, si l’on excepte des fugitifs traversant les Pyrénées au gré des guerres. En plus, il y a un problème de mentalité. C’est comme si les gens se repliaient, avaient peur d’ouvrir des portes. On ne travaille pas assez ensemble pour créer une marque, un marketing territorial du Solsonès. Et pourtant, il y a mille choses à faire et c’est le socle de tout. L’excellence n’existe que si elle est partagée et transmise. Tant de savoir-faire, tant de produits du terroir méritent d’être connus et ils ne pourront l’être que si la comarca est capable d’attirer des touristes en amont. C’est à ça que je m’emploie, à faire en sorte que les gens prennent l’habitude de travailler ensemble.

Vous pensez qu’il existe un sentiment d’appartenance à la comarca ?

Non et c’est bien là que le bât blesse. C’est sans doute la géographie qui veut ça, l’habitat est éclaté et Solsona reste une petite ville, mais le tissu local est en quelque sorte atomisé. En préparant cette interview, j’ai questionné des confrères et il se trouve que j’ai découvert des lieux et des recettes dont j’ignorais tout simplement l’existence ! Certes je ne suis pas née ici, mais les gens auxquels j’en ai parlé étaient dans le même cas que moi. C’est dire le déficit d’image dont nous souffrons. Nous n’avons pas encore de concept globalisé pour identifier le Solsonès et ça manque. Nous devons organiser des concertations interprofessionnelles, nous regrouper sous une même marque ombrelle. Comment pouvons-nous nous vendre, si nous n’avons pas conscience de partager un substrat culturel et un patrimoine ?

Justement, la cuisine du Solsonès, c’est un sacré patrimoine. Vous la définiriez comment ?

Evidemment, c’est avant tout une cuisine de montagne, très roborative. La pomme de terre y joue un rôle très important. Ici on l’appelle trumfo et non patata. Mais évidemment, on a la richesse des bois, c’est-à-dire les champignons, les truffes, les sangliers, et de l’élevage avec les agneaux et les porcs. A Sant Lllorenç, on cultive aussi des pommes, notamment pour leur jus et partout on fait des charcuteries typées et excellentes. Au nord de la comarca, la production de fromages de chèvre est d’extrême qualité.

Bon, ça, ce sont les produits. Comment est-ce qu’on les cuisine ici ?

On cuisine des pois noirs qui ressemblent à des pois chiches dont on peut faire des soupes ou des purées. Et aussi du maïs échaudé que l’on met dans la soupe, l’escudella. Il faut que les choses tiennent au corps, le climat est très continental. Une collègue m’a aussi parlé de la Xarapa, une soupe de morue avec du lard salé, des peaux d’orange et des pommes de terre. A ma connaissance ça n’existe pas ailleurs. Et puis, il faut rajouter les coques (je n’en avais jamais vu une telle variété avant de m’installer ici) et la pâte de coing, omniprésente, qui accompagne les fromages frais. Les soupes tiennent le haut du pavé, mais on cuisine aussi beaucoup le gibier, avec toutes sortes de champignons, évidemment.

Est-ce que vous organisez des campagnes gastronomiques comme c’est le cas dans la Garrotxa, avec la cuisine des volcans ou sur la Costa Brava, avec la campagne gastronomique de l’oursin ou de la gamba ?

Non, nous n’en sommes pas là mais nous organisons quand même deux grands événements très suivis. La Foire de la pomme de terre et de la truffe (Fira del trumfo i de la tofòna), à laquelle s’associent de nombreux restaurants et qui permet de décliner une infinité de recettes de viande, de glaces ou de sauces parfumées à la truffe. Le marché attire beaucoup de monde car la truffe est très tendance, elle apporte un vent nouveau sur nos terres rurales. Il ne faudrait pas grand-chose pour que ce rendez-vous devienne encore plus important. Ensuite, il y a la foire aux champignons (fira dels bolets). Et là, il y a de quoi faire parce qu’on trouve absolument tous les champignons ici, eu égard aux dénivelés et aux expositions diverses de nos nombreuses vallées : des lactaires délicieux, des girolles, des oronges, des mousserons, des pleurotes et bien sûr des cèpes. Quand nous avons ouvert le restaurant, j’avais un fournisseur de morilles qui m’apportait d’énormes paniers, mais avec les changements climatiques, on en voit de moins en moins. Alors oui, on a tout pour organiser des campagnes gastronomiques mais il faut, là encore, que la communication globale de la comarca suive.

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