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Prades, capitale spirituelle d’une Catalogne en exil

12 Juin Prades, capitale spirituelle d’une Catalogne en exil

Si le Conflent demeure pour toujours le berceau de la Catalogne, Prades se fera capitale de la culture catalane. A partir de 1939, Pau Casals et Pompeu Fabra s’y réfugient et y maintiennent la flamme d’une culture certes condamnée, mais à jamais vivante.
Février 1939. La République espagnole et la Generalitat de Catalogne vivent leurs derniers instants. Les troupes franquistes ne cessent de progresser. Un exil massif se prépare alors que le destin de la petite sous-préfecture de Prades est en train de basculer. L’immense violoncelliste, Pau Casals, ainsi que le père du catalan moderne, Pompeu Fabra choisissent la capitale du Conflent comme terre d’exil. Au pied du Canigou, la culture catalane exilée par la brutalité fasciste va trouver sa nouvelle capitale. Durant l’hiver 1939, Casals utilise sa notoriété pour attirer l’attention des démocraties européennes, sur le triste sort des dizaines de milliers de réfugiés qui survivent dans les camps de la côte roussillonnaise. Le soliste donne alors de nombreux concerts de solidarité et parraine l’ouverture de centres en faveur de tous ces exilés. Le début de la seconde guerre mondiale rompt le dynamisme de cette grande œuvre humanitaire.

casals2Casals, symbole vivant de la cause catalane

Abattus, Casals et Fabra passent toute la guerre à Prades. Privations en tous genres et menaces de dénonciation deviennent leur quotidien. Il faut attendre la Libération du mois d’août 1944, pour que le ciel catalan commence à s’éclaircir. Les troupes nazies reculent et nombre de réfugiés catalans et espagnols viennent se masser entre Perpignan et Prades dans l’attente d’une intervention alliée en Espagne promise à Potsdam par Staline et Truman. De 1944 à 1946, Pau Casals n’a de cesse de sillonner les capitales européennes et se faire le meilleur ambassadeur de la cause catalane. Face au statu quo imposé par les grandes démocraties, Casals proteste : Il annonce en 1946 qu’il ne remontera plus sur scène.

Le silence retentissant de Pau Casals

Dèjà, en 1933, il avait rendu publique sa décision de ne plus jouer en Allemagne ou en Italie, deux pays pris en otage par le fascisme. En 1946 et face au désarroi de son peuple, il se dit incapable d’accepter distinctions et applaudissements pour ses concerts, alors que ses compatriotes sont privés de toute liberté. Toutefois, ces années de silence public ne seront pas inactives ; Il préside, par exemple, l’hommage de la Catalogne à Pompeu Fabra, célébré pour le 80e anniversaire de ce dernier. Ce 28 décembre 1948, le monde culturel catalan se réunit dans la petite salle du conseil municipal de Prades. Autour de Casals et de Fabra se trouvent, en autres personnalités imminentes, le président de la Generalitat, Josep Irla, et les ex-ministres, Josep Tarradellas et Ventura Gassol.

Le monde regarde Prades

Une grande fête, organisée in extremis. Le grammairien s’éteint un an plus tard, le 25 décembre 1949, sans avoir pu revoir sa terre natale. Une tragédie qui pèse sur nombre de réfugiés. Cette même année, la ville de Prades organise un hommage à son plus illustre citoyen, Pau Casals. Durant la célébration, le maître annonce toutefois qu’il se sent la force de continuer à jouer. Va-t-il remonter sur scène ? La situation l’exige. Dans ce contexte de Guerre Froide, le gouvernement américain se rapproche de Franco. Une attention synonyme de non-retour en Catalogne pour l’ensemble des réfugiés catalans. Casals décide alors de remonter sur scène par l’organisation d’un grand festival à Prades. Il donne l’exclusivité de la manifestation à la grande revue américaine Life, pour sensibiliser le plus grand nombre d’Américains à la cause catalane et pour que ces derniers fassent pression sur leur gouvernement, qui tente un rapprochement avec le régime franquiste.

Un festival, une arme diplomatique

Pour son retour sur scène, les médias du monde entier se ruent en Conflent. Le 2 juin 1950, Casals rejoue dans le cœur de l’Église Saint-Pierre de Prades et la magie opère à nouveau. Dans le public se trouvent : la première dame de France, l’ancien président de la République espagnole et les représentants du gouvernement catalan. Tous à l’écoute mais une fois le concert terminé, ils négocient sous les auspices de Casals pour le devenir de la Catalogne. Le sort d’un proche rétablissement de la démocratie en Espagne se joue à Prades. Encore une fois, le Maître n’oublie pas les siens, il dit de ce festival : « j’aurais aimé que tous les Catalans soient présents à Prades. J’ai assez de raisons de croire qu’ils y étaient spirituellement. Avec eux, j’ai vécu des jours d’une intense joie puisqu’avec les idéaux les plus élevés de la musique de Bach, nous avons vécu une communion de sentiments. Persévérons dans cet élan de communion et nos espérances seront comblées ».

casals3Toujours fidèle à Prades

Malgré le succès du Festival et de l’agitation de ses coulisses très politisées, le retour en Catalogne du sud sera impossible. Avec la Guerre Froide, la France ne tarde pas à rejoindre le camp américain qui arrache à l’ONU, le 4 novembre 1950, la suspension de l’isolement de l’Espagne franquiste. La dictature de Franco durera vingt ans de plus. Pau Casals, quitte Prades pour s’installer à Porto Rico en 1956, une fois l’Espagne franquiste pleinement intégrée à l’ONU. Cependant, chaque année, il revient en Conflent pour son festival. Il vouera à Prades une fidélité aussi grande que celle qu’il réserve à la Catalogne. Un gage d’amour presque absolu.

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