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RENCONTRE AVEC ALBERT BARRIS : CA LA MARIA C’EST UNE EXPÉRIENCE GLOBALE

30 Jan RENCONTRE AVEC ALBERT BARRIS : CA LA MARIA C’EST UNE EXPÉRIENCE GLOBALE

Ca la Maria, c’est une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont eu une grand-mère, une tante, une maman catalane. Albert Barris n’a pas son pareil pour réveiller l’enfance des papilles et célébrer la simplicité tranquille de la cuisine traditionnelle dans son établissement de Mollet de Perelada. Nous l’avons interrogé sur sa vision du temps de Pâques : gastronomique bien sûr !

Bonjour Albert, Ca la Maria est une véritable institution, on y vient de partout avec la tranquille assurance de bien manger, et surtout, de manger vrai. Expliquez-nous un peu votre concept ?

Venir manger Ca la Maria, c’est un peu comme aller manger le dimanche chez une tante ou chez sa mère : on y retrouve les fondamentaux de la cuisine catalane familiale, calée sur le déroulement des saisons et les produits naturels. Chez nous, pas d’effets de mode, on vient pour retrouver des saveurs que la vie moderne a faites rares, pour transmettre aussi, aux jeunes générations, une certaine idée du goût. Mais n’allez pas penser pour autant que nous cultivons la nostalgie : nous essayons simplement de garder l’essentiel, l’esprit d’une terre.

barris3Votre clientèle, ce sont massivement des Catalans ?

Beaucoup de Catalans, oui, qui viennent en général en famille, et même pour fêter des événements familiaux comme des baptêmes, des communions ou des mariages, mais nous avons aussi des Catalans du nord, la frontière est toute proche, et beaucoup de touristes, ceux des autres parties de l’état espagnol, bien sûr, mais aussi les Européens du nord familiers de la Costa Brava et de son arrière-pays. Notre établissement est très connu et très bien relayé sur les réseaux sociaux, notamment. Cela nous attire une clientèle très diversifiée. Vous voyez, on vit quand même au XXIe siècle !

Les gens viennent aussi pour le lieu, non ? Il est beau ce mas…

Il date de 1736, et oui, je pense qu’il participe pour beaucoup au sentiment de bien-être des clients, il correspond à ce que je leur propose dans l’assiette : de l’authentique, du solide, des aliments qui ont traversé le temps et les générations, même si bien sûr, je mets ma touche personnelle ! On ne peut plus manger comme on le faisait au XVIIIe siècle, nous n’avons ni le mode de vie ni l’estomac pour ça. Comme c’est toujours le cas de mère en fille dans le secret des foyers, on revisite un peu les recettes, on les allège, on les recentre sur les saveurs principales. Se retrouver dans une grande salle domine la pierre, il est clair que cela plaît aux clients. Ça correspond aux villages qu’ils ont traversés pour venir, avec leurs racines médiévales et leurs grands mas.

Je crois savoir que vous parlez français ?

Oui, c’est un point positif pour la clientèle française, mais c’est aussi un plaisir personnel, j’adore venir en salle et parler avec les gens, pour moi cela fait pleinement partie du service, l’accueil est finalement aussi important que les plats : c’est un tout qui permet aux clients de se sentir chez eux, attendus et désirés. Et puis, ça aussi, c’est une tradition catalane : l’hospitalité paysanne. J’ai de vieux clients qui arrivent en me parlant directement en français, un peu comme si j’étais un membre de leur famille !

Albert, bientôt ce sera Pâques, une fête très importante, ici, en Catalogne, avec à la clé pas mal de jours fériés. Je suppose que vous allez afficher complet, d’autant que les processions se bousculent dans toute la comarca, et qu’elles attirent des milliers de visiteurs ?

C’est l’un des points forts de l’intersaison. J’aurais même tendance à dire que c’est le début réel de la saison. Nous ne sommes pas loin de la côte et en général, à Pâques, les résidences secondaires commencent à ouvrir leurs volets et les hôtels font le plein pour les week-ends prolongés. C’est le moment où les gens redécouvrent la mer, le bateau, la plage. On se prépare à être pris d’assaut et on en redemande !

barris4Mettez-nous un peu l’eau à la bouche. Que préparez-vous pour les heureux vacanciers de Pâques ?

C’est Pâques, certes, mais c’est surtout le printemps qui revient. Un moment où la nature est particulièrement généreuse et où notre carte passe en mode beaux jours. Préparez-vous à un tsunami de saveurs, et je n’exagère pas ! Ici, les produits sont toujours de saison, c’est la marque de la maison ! Evidemment, cette année Pâques tombe tôt et cela a une influence sur ce que nous envisageons de servir mais justement, ce sera un très beau millésime.

Par exemple, pour les légumes, que prévoyez-vous ?

Côté potager j’opte pour les petites fèves tendres de l’Empordà, cuisinées à l’étouffée comme le veut la tradition catalane, avec du jambon de montagne par exemple. J’attends aussi nos divines asperges qui auront sans doute pointé leur nez, et deviendront le prétexte idéal pour créer des délices au boudin noir et réaliser des sauces mousseuses délicatement citronnées. Et puis les oignons tendres, ces merveilles printanières qui subliment n’importe quelle salade.

barris2J’imagine que la magie se poursuit avec les plats de résistance ?

Bien sûr, l’agneau et le cabri sont des stars absolues du printemps : des cabris et des agneaux des Pyrénées, achetés à des éleveurs que je connais depuis des années. Je les proposerai moelleux et croustillants à la fois, tantôt rôtis, tantôt mijotés pour varier le plaisir gustatif des convives. Une simple côtelette d’agneau grillée, bien grillée dans les règles de l’art, peut s’avérer un véritable voyage. Mais bien sûr, en ces temps de Carême, le poisson est roi. Aux côtés des stars incontestées que sont les gambas ou le loup, je laisse à la morue la part du lion, tradition oblige. On n’a peut-être pas les 101 recettes portugaises, mais chez moi, on retrouve la morue déclinée en plusieurs recettes, à la catalane avec une bonne ratatouille, en beignets, rôtie avec des amandes et des raisins secs, pochée et servie avec des légumes et un aïoli comme en Provence… Pour le Vendredi Saint, je ressors tous les ans une vieille recette familiale, la morue aux œufs durs : c’est le dernier jour du Carême, son point culminant, il convient de faire maigre mais aussi de donner aux convives l’impression de faire bombance… J’ai des habitués qui viennent tous les ans, juste pour déguster ce plat… C’est aussi ça, tenir un restaurant, avoir des rendez-vous informels avec des gens qui finissent par faire partie de votre vie, savoir qu’ils vont arriver même s’ils n’ont pas réservé. C’est de l’humain avant tout !

Vous ne me parlez pas des desserts…

Le dessert pascal absolu de l’Empordà, ce sont les brunyols. Et j’insiste sur le « r », ce ne sont pas des « bunyols », des beignets ordinaires, comme on peut en trouver ailleurs. Parfumés à l’anis et au citron, dense et spongieux à la fois, ils enchantent le palais en fin de repas et accompagnent amoureusement le moscatell ou le café. On en fait dans toutes les familles et on en trouve dans toutes les bonnes boulangeries, c’est un must que j’invite vos lecteurs à découvrir. Evidemment, je fais aussi quelques concessions à l’époque, alors nous ne manquons pas non plus de desserts chocolatés de toutes sortes, indispensables pour fêter Pâques. Avec un peu de chance, au train où va la météo, nous aurons peut-être les toutes premières fraises…

Votre carte des vins fait une belle place aux vins locaux…

D’abord nos vins jouent dans la cour des grands. Ensuite, il serait étrange de ne pas leur appliquer la même volonté d’authenticité que celle que nous réservons à nos plats. Venir chez nous doit être une expérience globale. Accueil, qualité, catalanité, oui, ça pourrait être notre devise !

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