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Tous les chemins mènent au Boulou

01 Avr Tous les chemins mènent au Boulou

Le Boulou a de tout temps été un lieu de passage… Et en a tiré une richesse historique et culturelle surprenante pour une petite ville de 5 000 habitants. Cap Catalogne vous emmène à la découverte des trésors méconnus du Boulou.
Connaissez-vous le Boulou ? Sa route principale, forcément. Ses thermes et son casino, peut-être. Mais son cœur de ville au charme médiéval ? Les rives du Tech ? Et surtout, son histoire, la grande, faite de conflits et de drames, mais aussi la petite, avec ses anecdotes passionnantes ? Cette petite ville, à la croisée des chemins entre France et Espagne est porteuse d’une très riche histoire. La face cachée du Boulou… C’est par ici !

Saviez-vous que l’écrivain Vladimir Nabokov y posa ses valises en 1929 et y chassa les papillons ? Que, fut un temps, des hommes du village faisaient traverser le Tech aux voyageurs en les portant sur le dos, dévoilant au passage leur postérieur, ce qui leur valait le surnom de « barques à cul » ? Qu’un superbe pont suspendu les remplaça au XIXe siècle, jusque dans les années 1960, et que cet ouvrage d’art fut accessoirement un terrain de jeu privilégié des gamins du village, qui grimpaient aux cordes ? Savez-vous encore, dans un registre plus dramatique, que des camps existaient au Boulou, à l’époque de la Retirada ?

Boulou2Un cliché signé Capa ?

Qu’un cliché des républicains espagnols aux bains-douches serait signé Robert Capa ? Il y aurait encore beaucoup à dire sur l’histoire du Boulou. La grande Histoire, faite de batailles sanglantes, d’exodes et de tous les remous inhérents aux zones frontalières… Mais aussi la petite histoire, avec ses nombreuses anecdotes, comme autant de témoignages d’une vie quotidienne, ordinaire, parfois drôle, tragique. Car Le Boulou a de tout temps été une ville de passage, entre France et Espagne, une terre de liens entre Catalogne Nord et Sud, mais aussi entre mer et montagne. Et de cette position stratégique, la ville a tiré une richesse historique et culturelle surprenante pour une commune de 5 000 habitants. Mais où se trouve le Boulou ? Dans les Albères, les Aspres ou le Vallespir ? Sujet délicat s’il en est… Beaucoup de tenants de la vision historique optent pour le Vallespir. Les plus consensuels affirment que « le Boulou est à la croisée des chemins ».

Vallée de la Rome

Mady Pompidor, présidente de l’ASPAVAROM, association pour la promotion des richesses historiques de la vallée de la Rome, tranche d’un point de vue géographique : « Le Boulou fait partie de la vallée de la Rome qui descend du Perthus ! ». Grâce à son emplacement stratégique, le Boulou a développé toute une économie. En témoigne une grande plateforme rail-route, point de départ de l’autoroute ferroviaire qui file vers le nord. On découvre ses longs trains de containers en arrivant dans la ville par la sortie de l’autoroute. En témoigne aussi, sa grande zone commerciale, en quittant la ville par le nord, via la RN900, ex-nationale 9, tout un symbole pour les Français qui partaient en vacances sur la Costa Brava dans les années 60-70. Ainsi va Le Boulou, cernée par les routes, coupée en deux par le train. L’avenue du Général de Gaulle, artère principale, témoigne elle aussi des nombreux passages sur la route de l’Espagne mais aussi d’un dynamisme dû au thermalisme : cafés, petits restaurants, magasins,… Les commerces se succèdent dans un cadre agréable. Car depuis peu, une circulation plutôt fluide a remplacé les infernaux bouchons du Boulou, presque aussi réputés que les bouchons en liège de l’usine emblématique Trescases (créée en 1878). Une déviation a été mise en place après que les Boulounencqs soient descendus dans la rue pour manifester leur ras-le-bol. Dans cet élan, l’avenue a été rafraîchie… De quoi inciter le visiteur à entrer dans le cœur de ville pour visiter. Et, à sa grande surprise, découvrir l’agréable face cachée du Boulou : celle d’une petite ville charmante, au patrimoine insoupçonné.

Boulou4Palmiers et arbres remarquables

Depuis l’avenue du Général de Gaulle, on tourne à gauche sur la rue Arago, peuplée de grands palmiers épanouis, qui s’achève sur une superbe bâtisse côté gauche, l’ancienne mairie. Côté droit, on grimpe quelques marches de la place en forme d’amphithéâtre et on accède à un petit parc peuplé de pins parasols, oliviers, palmiers et autres arbres immenses. En contrebas, la rue des Ecoles donne sur deux lieux d’intérêt : l’espace des arts, « le » lieu culturel de la commune : dans cette grande bâtisse aux hauts plafonds, les expositions se succèdent… Ce printemps, les œuvres du peintre Pierre Grau doivent être exposées. A deux pas de là, la chapelle Saint-Antoine, un édifice roman du XVe siècle, dédié au deuxième Saint-patron de la ville, abrite un retable classé datant de 1712. Mais surtout, impossible de passer au Boulou sans visiter son centre originel, le quartier de la Cellera. « Il a été construit à l’image d’un noyau circulaire, comme à Thuir ou à Maureillas » explique Stéphanie Letellier, guide conférencière à l’Office du tourisme et de la culture.

La Cellera, un cœur de village catalan

Au Moyen-Age, les paysans y construisirent des celliers, dans un rayon étroit de 30 mètres autour de l’église, pour protéger leurs biens des prélèvements abusifs des seigneurs et des pillages. Cette cellera était entourée d’un fossé et probablement de murs sur une part de son périmètre. Le Boulou était vraisemblablement protégé par deux enceintes. Au fil des rues des remparts, du Château et de l’Eglise, on perd le nord… Ce mini-labyrinthe s’achève souvent par une impasse. Au cœur du dispositif, se trouve l’église. Un monument imposant, qui semblerait un peu rustre sans ses éléments de finesse : des colonnes au clocher, mais aussi et surtout, une frise romane réalisée par le Maître de Cabestany. A l’intérieur, le splendide retable baroque flamboyant du maître hôtel date de 1755. Ne quittez pas le cœur de ville, sans jeter un œil à sa tour quadrangulaire, située en bordure de colline. D’ici, une vue insolite se dévoile sur le Tech, s’écoulant avec force en contrebas. Une ruelle descend tout droit vers le fleuve.

Un jardin extraordinaire

Sur ses terrasses, on découvre des jardins, un espace de loisirs pour les enfants, des platanes, ainsi qu’un superbe jardin xérophytique, constitué de plantes sèches adaptées au milieu méditerranéen. Plantes grimpantes, rocailles, palmiers, plantes aromatiques et autres lauriers roses arborent cet espace conçu de façon architectural… Un petit coin de paradis entretenu avec soin. En levant les yeux vers la vieille ville, la présence des remparts en galets saute aux yeux. De l’autre côté du fleuve, c’est une autre facette du Boulou que l’on découvre : celle des thermes et du casino. Un espace isolé du village, mais qui participe à son entité.

Boulou3Quand les Romains dédaignaient les eaux du Boulou

« Les eaux du Boulou n’intéressaient pas les Romains, qui recherchaient uniquement les eaux chaudes » explique Christian Erre, Boulounencq passionné de l’histoire du village qui anime un blog, « Jo Mateix al Voló ». Connues depuis le Moyen-Age au moins, les sources du Boulou ont donné naissance à une activité économique importante. Longtemps, l’eau du Boulou, réputée pour ses vertus curatives, a été vendue en bouteilles. « On commandait une eau du Boulou comme on aurait commandé une Vichy » explique une Boulounencque. « Aux thermes, à notre époque, nous ne l’utilisions que comme boisson », explique le Docteur Andrée Caroline Nogues Ducassy. « Nous avons revendu l’établissement à la Chaîne Thermale du Soleil en 1983 ». Aujourd’hui, l’eau est utilisée dans de multiples versions : douches au jet, couloirs de marche, douches pénétrantes, cataplasmes, bains de vapeur… Et même sous forme de piqûres : on vous injecte des gaz thermaux pour lutter contre les maladies cardio artérielles.

Jackpot !

Le casino est notamment connu pour sa table : aux fourneaux, le jeune chef « Toque Blanche », Westley Durand, a pris la relève de son aîné Jean Plouzennec. Le casino a, dans le passé, été beaucoup fréquenté des sud-Catalans du temps de France, raconte-t-on au Boulou : ils venaient y jouer, ce genre de divertissement étant prohibé de l’autre côté de la frontière. De même, les anciens disent se souvenir qu’ils franchissaient aussi la frontière pour aller au cinéma… Regarder des films « x ». « Certains ouvraient même leur garage et faisaient une salle de ciné improvisée » se souvient un Boulounencq. Depuis, de l’eau a coulé sous le pont du Tech, récemment nommé « pont Lluis Companys », en hommage au président de la Generalitat de Catalunya, torturé et fusillé à Montjuic en 1940. Le joli pont suspendu, quant à lui, a disparu, mais la ville, aujourd’hui, se souvient de ceux qui l’ont franchi en hiver 1939. Un devoir de mémoire nécessaire, dans cette zone frontalière poreuse et chargée d’histoire.

2 Commentaires
  • Marie Sacripante
    Posted at 19:09h, 20 mai Répondre

    Je suis une ancienne Boulounencque, vivant aus Etats-Unis. Je regarde le site “Jo mateix” assez souvent, Car j,ai la nostalgie du Boulou qui me dure depuis 1950, lorsque je suis partie quand j’avais 16 ans.

    Que de bons souvenirs de jeunesse.! l’eau du Boulou que j’aimais tant! Le Pont du Boulou ou j’ai ete’ si triste quand j’ais su qu’on l’avait detruit pour en construire un plus modern.(je prefere le vieux).
    Les Sardanes que j’aimais danser meme si je ne savais pas la compter. Les vendanges, les moustisses, legrapillage… Tout ca, pour moi, c’etait ma jeunesse, MON pays!
    Et j’aime regarder “Jo Mateix” pour voir si sur les photos, il y a des gens que je reconnais.Et quand j’en reconnais, je suis si contente que j’en ai les larmes aux yeux.
    Mon Boulou, je t’aimerai toujours! Gros bisoux!

    Marioline

    • Marie Therese Sacripante
      Posted at 15:35h, 22 juin Répondre

      Merci pour avoir mis mon article sur le Boulou. J’ai maintenant 84 ans, et je pense toujours a mon Boulou.
      J’apprecie beaucoup les histoires du vieux Boulou,, de la Retirada (don’t je me souviens) du vieux Pont, du Tech,
      ou j’ai appris a nager, etc….Merci a Christian Erre,que j’ai connu un jour de vacances au Boulou.Sa maman Carmen
      etait ma voisine a la Rue Chambon et son papa Dede” etait copain avec mon frere Marino..Ils allaient se baigner au Tech tous nus avant la derniere guerre.. Ce sont de si bons souvenirs!
      Bye!Bye! Marioline

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