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Train de l’Agly Le Trans-Vallées-Express

01 Août Train de l’Agly Le Trans-Vallées-Express

Moins acrobatique que le Train Jaune, plus ludique, le Train du Pays Cathare et du Fenouillèdes a l’accent riant et chaleureux des Corbières, bon enfant, tellement familier, mais tellement autre aussi !

Du Rivesaltais au Pays Cathare en passant par le Fenouillèdes, embarquez à bord du TPCF, un train « pas comme les autres » qui va traverser, l’air de rien, la vieille frontière entre la Catalogne et l’Occitanie, là où nos langues jumelles s’influencent et se mêlent jusqu’à se confondre. D’abord, n’hésitons pas à le dire, il est tordu ! Observez-le un court instant. Non, vous ne rêvez pas ! Ce train souffre fièrement d’un torticolis. Volontairement et historiquement. Comme si ses yeux avaient subitement pris la place du nez, comme s’il roulait de travers.

train2Le goût d’autrefois

Car, là, sur le côté, trône un drôle de kiosque de conduite surélevé. A passagers installés, conducteur perché. Ce n’est évidemment pas pour rien que cet autorail d’antan s’est laissé baptiser Picasso, tant il fait penser dans sa géométrie hasardeuse, aux toiles de ce génie de la déstructuration et du contournement des conventions. Construit par la régie Renault, dès les années 50, ce type de tortillard au profil facilement reconnaissable évoque instantanément les trains d’autrefois, les trains d’avant le profilage aérodynamique, la grande vitesse, le confort passager. Des trains dont la noble et simple fonction était d’aider les gens à se déplacer d’un point à un autre. Le Picasso a de la gueule. C’est une évidence. Champion de la fiabilité, roi de la rusticité, il promène désormais sa ligne si particulière par-delà nos viaducs, à l’assaut des vallées de l’Agly et de la Haute Vallée de l’Aude. De son petit Train Jaune de cousin, il a hérité l’authenticité, la lenteur et la douceur du voyage. Mais, le TPCF possède cet indicible atout « Madeleine de Proust ». Fouetté de sa couleur crème, surmonté de son rouge velours, notre train du Pays Cathare et des Fenouillèdes donne de puissantes envies d’autrefois.

Neuf gares pour un parcours de 72 km

Envie de déplier sa serviette à carreaux rouges sur les genoux d’un passager à peine rencontré, mais déjà ami. Envie de trancher le saucisson avec le vieil Opinel de Pépé. « Ici Saint-Paul. Saint-Paul de Fenouillet. Tous les voyageurs descendent de voiture ! » A l’ancienne, comme au bon vieux temps où le voyage en train était un évènement. Pas de machine à oblitérer le billet, pas de regards anonymes. Ici, on poinçonne à la main, cric, crac, avec sourire de bienvenue en supplément. Touristique certes mais tellement authentique. Au total, entre Rivesaltes, Saint Paul de Fenouillet, Axat et le terminus audois de Saint-Martin-Lys, le « Trans Vallées Express » franchit 9 gares sur une distance de 72 kilomètres. Neuf gares comme autant de haltes d’exception, comme autant de petits villages qui méritent le détour. Bien loin du train-train quotidien et des circuits convenus, le TPCF taille à vif dans le réputé vignoble du Rivesaltais, traverse forêts de chênes et de châtaigniers avant de se lancer dans de grandes percées sur fond de Bugarach. Il suffit de monter à bord pour ressentir cet étrange enivrement ferré. A la manière de ces vieux Rivesaltes rancio que décrit superbement l’œnologue Henri Lhéritier. Des vins « surprenants, bousculants, outranciers, émotionnants, des vins sombres, aux tripes vertes, sentant mille choses différentes parmi lesquelles trône toujours, obsédant, ce parfum inoubliable des maisons de grands-parents où l’orange amère, les plants de farigoulette, les tresses d’ail, les gousses de vanille se mêlent pour enduire la mémoire d’une saveur définitive. » Des vins qui ressemblent à ce train. Ni plus ni moins. Exquis, rares et secrets. L’itinéraire proposé casse tous les clichés en donnant à voir l’invisible, en donnant à goûter des saveurs oubliées. Entre Rivesaltes, Espira de l’Agly, Cases de Pène, Estagel et Maury, façon western, les paysages jouent encore et encore les assoiffés dans la poussière violente des carrières. Là, le bal des demoiselles éoliennes, ici l’ermitage de Notre-Dame de Pène, plus haut, élégamment dominatrice l’ancienne tour à signaux, la Torre del Far. Premier portique en béton. Vieux réflexe, on rentre la tête dans les épaules. Voici Estagel, fière de son « campanar » (clocher) baroque et de son illustre fils François Arago et déjà les vignes du cru Maury distillent leurs tanins, jaillis de ces vieilles dames-jeannes au vert bouteille ventru.

train3Une ligne d’irrigation du bonheur

Lentement mais sûrement, le TPCF avance façon « donneur de temps ». Et toujours ce contact direct et immédiat des paysages traversés. Les images défilent, le regard reste soudain accroché à un vieux mas en ruines. C’est ici, symboliquement que nous quittons la Catalogne pour le Languedoc. C’est ici que l’on est subitement piqué par la première citadelle du vide, le château de Quéribus, étrange silhouette plantée au milieu des arêtes de calcaire déchiqueté. Perché sur un étroit piton rocheux, Quéribus incarne le véritable nid d’aigle cathare et offre l’âpreté du paysage méditerranéen tordu par le vent et rosi par le soleil. Flash. La rétine imprime, à vie.  Maury approche, sa maison du terroir, ses splendides trompe-l’œil sur la place du village. Maury et ses arômes puissants de garrigues, ce schiste noir qui chante la terre. L’arrière-pays n’est qu’une enfilade de coquets villages viticoles où le cep enroule ses cuvées dans les mémoires liquides. Dans leurs chais, les vignerons de ces terroirs vous feront découvrir ce florilège d’arômes et de saveurs. Laissez-vous tenter par quelques gouleyantes dégustations à Ansignan, Felluns, Lesquerde, Saint Martin de Fenouillet, Tarérach ou Trévillach. Il est temps de chercher à repérer le « nez de l’Indien », cette roche déformée qui résonne comme un appel aux aventures les plus imaginaires. Saint-Paul, prochain arrêt du train. Une halte s’impose. On ne manquera pas de craquer pour les traditionnels croquants, ces savoureux biscuits faits d’amandes et de miel, à tremper dans un verre de vin doux naturel, avant de monter à bord du vieux bus qui transporte ses passagers jusqu’aux rafraîchissantes et vertigineuses Gorges de Galamus et à leur ermitage Saint-Antoine. De retour en gare de St Paul de Fenouillet, notre train ne demande qu’à continuer son périple en parallèle à la D117. Voilà qu’une chapelle réveille notre gauche au sommet d’une butte. Un peu plus loin, les trois châteaux de Fenouillet exhibent leurs ruines. Du mystérieux Castel Fizel au protecteur château de St-Pierre, en passant par le très romantique château de Sabarda, le Haut Fenouillèdes aime à se perdre entre les sapins de la forêt de Boucheville ou encore sur les routes forestières qui traversent le massif jusqu’à Rabouillet ou Sournia.

 

train4Châteaux et chevaliers du voyage

Caudiès de Fenouillèdes approche. Ici, le TPCF est un peu à la maison. C’est dans l’ancienne gare du village que les salariés et les bénévoles le bichonnent, lui redonnant régulièrement un coup de neuf et lui insufflant la force de se hisser vers les forêts du département de l’Aude. Entre deux titanesques viaducs, avant d’entrer en gare de Lapradelle-Puilaurens, le château de Puilaurens joue de ses charmes et appelle une nouvelle fois au petit crochet en autocar. Les yeux s’élèvent, l’esprit s’envole. Puilaurens fait rêver avec ses deux enceintes accolées, son crénelage intact et son donjon livré au précipice. Grâce au TPCF, la magie des visites est décuplée. Le meilleur reste à venir ! De viaduc en viaduc, il y a ce doux vertige des voyages « pas comme les autres ». Le cirque naturel de la Crémade brûle les envies de toujours plus haut, toujours plus loin. Des envies vite assouvies par la traversée des « frais tunnels » tout en vous laissant mener vers les hauteurs d’Axat. Galerie artificielle d’en Brosse, tunnel de la Gamasse, du Bourrec ou des Oliviers. Saint-Martin-Lys vient fleurir les derniers instants d’immersion ferrée avant Quillan.
Emerveillement sans fin

Dans les souvenirs, le TPCF reste souvent un aller sans retour, un émerveillement sans fin. Un petit train qui s’offre le luxe des « grands ». Grand par l’âme qu’il insuffle, grand par les hommes qui l’ont enfanté, grand par la richesse et la diversité des paysages déflorés. Pour une heure de flirt ensoleillé, une après-midi d’étreinte forestière ou une journée d’abandon perché, il est des wagons de bonheur qui invitent instantanément au voyage. Avec son « tchou tchou » d’antan, ses voix de voyageurs émerveillés, le TPCF fait écho aux trains miniatures de notre enfance. Jamais personne ne reste à quai d’émotions et de nouvelles sensations. Côté dégustation, le Fenouillèdes fleure indéniablement l’authenticité. On pense évidemment au croquant roi, dont la recette ancestrale est intimement liée à la persistance de l’amandier dans le paysage du Haut Fenouillèdes. Quant à la notoriété de ce biscotin aux saveurs d’antan, elle est, disons-le, essentiellement due à l’hospitalité et à la convivialité des habitants de St Paul. Dans le même registre sucré, on ne manquera pas de butiner à la miellerie des Fenouillèdes basée à Prats de Sournia et de remplir son panier de délicieux pots de miel, de pains d’épices et de gelée d’abeille. A noter qu’un stand de vente de la miellerie est installé sur le parking des Gorges de Galamus, de mai à septembre. Pour les confitures de fruits biologiques, c’est incontestablement à Sournia que l’on trouve les meilleures recettes artisanales, cuites au chaudron et agrémentées de sucre de canne. Depuis sa mise en circulation en 2001, le TPCF n’a cessé de s’inventer de nouveaux horizons avec toujours l’objectif de mettre en valeur le Fenouillèdes et le Pays Cathare, d’aborder les trésors cachés et de raconter les vieilles légendes nées dans cette région fascinante. Chaque année est venue apporter sa nouvelle locomotive, ses nouveaux wagons, ses caravelles. Et ses nouvelles idées. Parmi celles-ci, ne manquez pas les trains à thèmes. Au gré des saisons remontez le cours de l’histoire autour des châteaux Cathares ou partez à la découverte de la vigne et du vin, entraînés par un Bacchus enivré et joyeux. Et n’oubliez surtout pas que les ports d’eaux vives, les torrents et les gorges sont à vous : canyoning, rafting, hydrospeed ! Ne ratez pas l’aller-retour jusqu’à Carcassonne pour l’embrasement de la Cité, lors du feu d’artifice du 14 juillet. Imaginez-vous dans le train fantôme à la rencontre du frisson, dans les premiers froids de novembre, pour Halloween ou encore prenez-vous pour un lutin au service du Père Noël dans la féerie du Train de Noël. Quelle que soit la date que vous choisirez, venez découvrir, admirer, rêver… Jamais à jeun de projets, l’équipe de l’autorail entend bien développer une multitude d’activités basées sur l’extraordinaire patrimoine de ce secteur trésor. Il n’est qu’à jeter un œil sur le site Internet de l’association TPCF pour mesurer la passion des fondus du Picasso !

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