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Une terre profondément chrétienne

13 Avr Une terre profondément chrétienne

A l’est de Lleida, là où se rejoignent plaine et contreforts des Pyrénées, vignes et terres d’élevage, cultures sèches et cultures irriguées, s’étend la comarca de l’Urgell avec ses paysages si contrastés qu’on songe en la traversant à une mosaïque, un portrait chinois de la Catalogne à ciel ouvert, fait pour donner à lire l’histoire des hommes et de leur terre. Parcourir l’Urgell ressemble à un voyage initiatique, mais il est loin de s’arrêter au paysage tant le patrimoine y est riche et singulier. Il faut dire que l’histoire avec un grand H, s’y est jouée plus d’une fois.
Les Pyrénées, et notamment, les nôtres, du côté de Ria, sont incontestablement le berceau de la Catalogne : tout s’est déroulé dans la vallée du Conflent, les hautes vallées d’Andorre, et sur l’autre versant. A l’origine, ils sont les suzerains d’une marche hispanique de l’Empire carolingien, la marche de Toulouse, destinée à faire barrage aux Sarrasins et à défendre la chrétienté. Ils sont mentionnés dès le IXe siècle, au moment même où émerge ce qui deviendra la Vieille Catalogne.

chretienne2Chrétiens et résistants

Cette filiation détermine un engagement chrétien résolu. La première Catalogne est celle des grands monastères et des scriptorium qui servent de base arrière à la Reconquête de la péninsule largement colonisée par les Berbères. Il faut en effet attendre 1078 et la conquête de la Serra Almenara pour que l’Urgell actuel soit définitivement christianisé. Les comtes d’Urgell sont alors si jaloux de leur indépendance, qu’une guerre va opposer la couronne à la famille de Cabrera, en 1231, avant que Pere le Grand n’annexe définitivement le comté.

Fidèles à la Catalogne

Cet esprit de résistance s’illustre pleinement en Urgell lors de deux événements historiques majeurs. D’abord, toute la noblesse de l’Urgell, après avoir largement payé son écot, se précipite dans le sillage de Jaume le Conquérant, sur les plages de Cambrils, pour s’embarquer vers Majorque et faire de la Méditerranée, ce lac catalan qui sera notre âge d’or et nous mettra un temps à l’égal de Venise. Ensuite, lors du sinistre compromis de Casp, quand le roi Martin l’Humain meurt sans héritier (1410), Jaume d’Urgell fait partie des prétendants éconduits. Lorsque le pays passe sous domination castillane, ce seigneur habitué au système somme toute paritaire des comtes-rois, ne se soumet pas à ce joug étranger et malvenu, vécu comme une occupation pure et simple. Il prend les armes contre la Castille. En représailles, Ferdinand le Catholique, exaspéré, « donne » Tàrrega à son épouse, Isabelle, au grand dam des habitants, et jette le rebelle dans une geôle. Il y mourra.

chretienne3Oubliés par l’Histoire

Alors, commence une lente descente aux enfers qui s’annonce avec les épidémies de peste, puis l’éviction des juifs et l’appauvrissement qui s’ensuit, comme dans tout le reste de la péninsule. Pendant deux siècles, l’Urgell en plein déclin va être le théâtre de guerres de succession (1462), de la Révolte des Segadors (1640) et des guerres napoléoniennes (1802). Il va, en outre, être découpé et redécoupé en vigueries et vicomtés qui font parfois fi de la géographie et qui se mêlent au découpage ecclésiastique compliqué, entre l’évêché de Tarragona et celui de l’Urgell.

Un lent redressement

La reprise s’amorce au XVIIIe siècle avec de grands travaux et se poursuit au XIXe comme dans tout le reste de la Catalogne avec l’arrivée du train, l’industrialisation et la fée électricité. La comarca se réveille lentement, faisant une large place à de petits entrepreneurs, des artisans prospères et une classe de paysans relativement aisée. Mais, c’est évidemment au début du XXe siècle, avec la seconde République que sont créées les infrastructures culturelles, de loisirs, sociales, qui signent l’entrée de l’Urgell dans l’ère moderne. Un élan tragiquement interrompu par la guerre d’Espagne, particulièrement sanglante sur cette route qui va de l’Ebre aux Pyrénées, puis par la dictature franquiste, d’autant plus pesante, loin des axes touristiques côtiers.

 

Aujourd’hui, l’Urgell est une comarca riante et tranquille en plein processus de résilience. Son caractère rural, son riche patrimoine, son artisanat intact, sont en effet devenus ses meilleurs atouts touristiques.

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