Saillagouse : L’aptitude au bonheur

07 Déc Saillagouse : L’aptitude au bonheur

Au cœœur de la plaine cerdane, Saillagouse offre au soleil son visage riant de petite cité active et conviviale. A découvrir sans modération.
À mi-chemin entre Mont-Louis et Puigcerdà, Saillagouse est un carrefour montagnard qui ouvre sur trois vallées : celle de Llo, avec ses eaux chaudes bienfaisantes en bordure de Sègre, celle d’Eyne, une merveille botanique aux espèces endémiques rares, celle d’Err, âpre et belle, paradis des chevaux. Plus loin, la route rallie l’autre Cerdagne, autour du joli bourg fortifié de Puigcerdà, en Catalogne-sud, et bifurque vers la vall de Carol, voie royale vers la lointaine Andorre. D’ailleurs, Saillagouse n’aime pas le singulier, elle s’étend jusque dans ses hameaux, celui de Rô, et celui de Vedrignans, tous deux nés des gros mas qui, autrefois, dictaient l’habitat.

A l’ombre des siècles

Il semble que le village tire son nom des saules qui bordent le Sègre de toute éternité. Oui, ce même Sègre qui devient plus loin le grand fleuve de Lleida, avant de grossir les flots du géant catalan, l’Ebre. La première occurrence du nom se pose un peu là, question ancienneté : pensez donc, 839 ! Mais, ce n’est pas le plus beau : sur ces hauteurs passait déjà une voie romaine, la Via Confluentana. A l’époque, le village bruissait déjà des gestes des potiers et fabricants de tuiles. D’ailleurs l’église Sainte Eugénie a été consacrée par l’évêque d’Urgel en l’an de grâce 913, preuve que le noyau de population existait déjà…

Le commerce au cœur

Situation géographique oblige, Saillagouse a toujours été un carrefour commercial, attirant artisans, éleveurs et producteurs. Au XIXe, Rô a même accueilli des haras, dans une magnifique propriété, la Fadrineta, dirigée par un hobereau au nom de roman anglais : M. Higgins de Rivera ! Aujourd’hui encore, Saillagouse possède plus de 40 artisans et commerçants, une véritable prouesse qui en fait une vraie petite grande ville où il fait bon vivre. Les marchés hebdomadaires, hauts en couleur, courus par les Cerdans du nord et du sud, rythment la vie du village, scandée par la vieille horloge du clocher. Et surtout, Saillagouse dispose d’un trésor incomparable : il a pu conserver son école primaire !

Le génie de la déco

Mais quelle fée s’est donc penchée sur ce village ? A regarder les façades vénérables mais pimpantes, on a du mal à imaginer que le cours des siècles a longtemps pris la pause, loin des grands axes, en des temps où les sports d’hiver n’existaient pas. Ici, l’électricité n’est arrivée qu’en 1914 et l’eau courante en… 1951 ! Le couple de plasticiens perpignanais, les Pritchard’s a littéralement émaillé les rues de fresques colorées aux personnages rebondis. Des sculptures insolites se dressent : pic neigeux assailli par de dodus alpinistes et dévalé par des skieurs rondouillards, soleil-manège autour duquel tournent plongeurs en marinière, patineur et cavalier, couple de Catalans chaussés de vigatanes… Autant de joyaux de couleur en contrepoint aux nuances de gris du granit et de l’ardoise.

Le sens de l’ornement

Au bord du Sègre, ici encore, un modeste torrent montagnard, se dresse une fontaine monumentale : quatre vasques de marbre rose aux magnifiques robinets de cuivre en tête de lion, rendent hommage au grand sculpteur local, coqueluche du second empire et de la Troisième République, dont l’effigie surmonte l’ensemble. Un peu plus loin, une charrette chargée de géraniums enchante une placette. Des motifs animaliers dignes de Beatrix Potter ornent le préau de l’école de chouettes, de lapins, et d’écureuils, tandis qu’un isard sémillant court sur la façade de la vénérable Maison Planes, le haut lieu local de la gastronomie.

Une vieille maison cerdane

La Maison Planes, c’est la maison cerdane par excellence : un ancien relais de diligence aux murs épais, éclairé d’un patio, un cadre idéal pour les repas d’amoureux ou en famille. Il faut dire que le chef, Jean-Luc Planes, fait partie des Toques Blanches. Au menu, des spécialités intemporelles et délicieuses concoctées par le Maître Restaurateur : caneton aux raisins, pied de porc désossé farci au foie gras, saucisse de canard… un feu d’artifice couronné d’un soufflé à l’orange extraordinaire. Un parterre de gastronomes, souvent des habitués, déguste religieusement cette cuisine catalane qui n’a rien perdu de sa vigueur paysanne.

Le lait cerdan

Evidemment, ce savoir-faire est sous-tendu par des produits locaux incomparables, durement gagnés sur les rigueurs du climat et du relief montagnards. La fromagerie Cal Guillamet tire le meilleur de cette bonne vieille race de vaches cerdanes robustes et dures au mal : des fromages au lait cru, de la tomme des Pyrénées, des fromages de faisselle, des pâtes blondes et ce lait crémeux, odorant, au blanc délicatement nacré d’ocre clair… Le moindre yaourt devient un plat de roi qui fleure bon les cytises des prairies d’altitude !

Une charcuterie au top

La bonne terre de Cerdagne ne réserve pas ses bienfaits aux seules vaches : dans ces contrées de salaisons, le cochon est roi. La fraîcheur sèche de l’air fait des merveilles sur les viandes goûteuses et donne naissance à une charcuterie unique, sublimée par la maison Bonzoms. Une charcuterie dont les lettres de noblesse remontent à l’antiquité, puisque Strabon la célébrait déjà ! Aujourd’hui, le séchoir à jambons de la vénérable maison est devenu un haut lieu touristique, pas moins ! Imaginez un plafond d’où pendent par centaines des stalactites odorantes, impeccablement rangées : une myriade de jambons aux temps de séchage et d’affinage divers pour une multitude de goûts : plus ou moins persillés, plus ou moins salés, parfumés. Une véritable expérience, terriblement ibérique, qui se termine évidemment par… la dégustation !

Farandole de produits

Tradition artisanale en bandoulière, la marque « la légende de Pyrène » a donné naissance à une ligne de produits gastronomiques remarquables et parfois inattendus. D’abord une série de moutardes parfumées, mais aussi des conserves chic et choc : confit de canard, cassoulet, saucisse au foie gras… Pour autant, on n’oublie pas la douceur des amandes et la variété de la biscuiterie catalane : rousquilles, croquants, tourons… A Saillagouse, le palais est à la fête…

Espace sportif

Heureusement, le sport aussi ! Le Passeig dels Enamorats (la promenade des amoureux) vous mènera aux trois plans d’eau dévolus aux pique-niques et à la pêche. S’ils sont gelés, n’allez surtout pas vous aventurer sur la surface glacée, contentez-vous de la beauté de ce paysage qui fait le bonheur des pêcheurs pendant les beaux jours. Pour les sports de glisse, vu la saison, vous ne pouviez pas mieux tomber ! Autour de Saillagouse, tout est prétexte à de grandes randonnées sur la neige, en raquettes ou en ski de fond, sans compter la proximité des stations !

La maison du poète

Si vous parcourez une centaine de mètres en remontant la route au-dessus de chez Planes, vous pourrez voir, dans une impasse sur votre gauche, la maison d’Antoine et Hélène Cayrol. On le connaît mieux sous le nom de Jordi-Pere Cerdà, puisqu’il a voulu arborer dans son nom de plume la noblesse de son pays de cœur et de sang : la Cerdagne. Une maison toute simple, en haut d’une pinède, qui ressemble, dans sa modestie tranquille, à celui qui y écrivit les plus belles pages catalanes du XXe siècle.

Conviviale et festive

Ne vous y trompez pas, si Saillagouse se prête aux dégustations, visites patrimoniales ou autres promenades, ce qu’elle fait mieux encore, c’est rassembler les hommes autour de temps forts, marqués par la convivialité et la fête. Le premier week-end de décembre, ne ratez surtout pas le Marché de noël, qui s’étale sur trois jours : gastronomie, déco, artisanat d’art, objets de bois, vêtements en laine des Pyrénées, vous y trouverez votre bonheur !

Idéalement située au centre de la Cerdagne, à mi-chemin des grandes stations, de l’Andorre ou de Puigcerdà, Saillagouse est un concentré de charme et d’authenticité. Les vieilles maisons tutoient les œuvres d’art contemporain, le Sègre dessine des lacs, les hameaux ont gardé leur allure de vieux mas… La main de l’homme cultive ici une excellence naturelle qui donne naissance à des produits uniques et reconnus. Il fait bon vivre à Saillagouse : à en croire les rires d’enfants qui courent sur la rivière, ce n’est pas fini !