02 Juin Le Château Royal de Collioure : fleuron du patrimoine
Il oppose la sévérité altière de son architecture à la ronde colorée des barques qui dansent à ses pieds, face à l’un des plus beaux paysages du monde. Royal, ce château l’est deux fois, par sa lignée et par sa beauté. Coup de projecteur sur une star.
Construit les pieds dans l’eau sur des vestiges de construction romaines et sur les restes d’une forteresse wisigothe, le château de Collioure surprend par sa stature et par l’élan qui semble le faire jaillir de la mer où semblent être plantées ses formidables fondations. Quoique vaguement mentionné pour la première fois en 672, il entre vraiment dans l’histoire avec les Templiers, soit en 1207. Cette année-là, le comte-roi Pierre d’Aragon, demande à Foulques de Montpezat, gouverneur de la commanderie du Mas Deu, de contribuer à la construction d’un ouvrage défensif d’importance, chargé de servir de verrou septentrional maritime à l’amorce de la côte rocheuse. Avec la chute du Temple, en 1312, le château passe aux Hospitaliers. Mais c’est en réalité la création de l’éphémère Royaume de Majorque (1276 – 1344) qui donnera aux comtés du Roussillon et de Cerdagne toutes leurs lettres de noblesse, et au château de Collioure, un rôle historique de premier plan. Les souverains de Majorque, également seigneurs de Montpellier, font de Perpignan leur capitale continentale, lui donnant la même importance que celle qu’ils accordent à Palma, la dotant au passage d’un sublime patrimoine gothique, et de tous les attributs d’une capitale d’état. Dans la foulée, ils créent deux résidences secondaires : l’une destinée à les rapprocher très vite de leurs bases insulaires, le château – devenu royal – de Collioure, et l’autre, le château de Formiguères, destiné à les mettre à l’abri des grosses chaleurs de la plaine. La splendeur architecturale majorquine se lit encore dans les fenêtres géminées qui s’ouvrent sur la mer, caractéristiques des palais de l’époque. Tous ces nouveaux travaux ont lieu entre 1242 et 1280, le temps qu’il a fallu à frustre garnison d’antan pour devenir une véritable demeure princière, gracile et accueillante, où les souverains aimaient à séjourner et à recevoir.
La marche vers l’annexion
Mais en 1344, Philippe III, comte-roi de Catalogne, finit par mettre fin à la rébellion de ses neveux, et par là même, à la sécession du Royaume de Majorque et au rôle de premier plan du château, qui perd en quelque sorte au passage son rang international pour redevenir un simple équipement défensif et stratégique. Mais l’histoire n’a pas dit son dernier mot. Au début du XVe siècle, l’occident se cherche un pape. La Catalogne et l’Aragon en ont un à proposer, qui intéresse près de la moitié de la chrétienté, Pedro de Luna. Le pontife, qualifié d’antipape sous le nom de Benoît XIII résidera au château en 1409 à l’occasion du concile de la Réal. Collioure était alors le premier port du Roussillon. Le commerce, surtout au temps des rois d’Aragon, y était intense : on exportait notamment des draps, de l’huile et du vin, et l’on importait des épices, des tissus orientaux et d’autres produits exotiques. Le Roussillon fut occupé de 1475 à 1481 par le roi de France Louis XI, bien décidé à occuper durablement le pays. Il fit bâtir des fortifications à Collioure, rebaptisée pour l’occasion Saint-Michel, fortifications aujourd’hui dissimulées par les constructions postérieures. Son successeur, Charles VIII, rendit le Roussillon à Ferdinand le Catholique, dont le successeur, l’empereur Charles Quint renforça les fortifications de la ville et dota l’ensemble d’une barbacane. Tous ses efforts se portaient sur le château de Salses, ce qui a limité les changements portés à celui de Collioure. En 1643, la ville fut prise par les armées de Louis XIV, avant d’être annexée officiellement à la France en 1659 par le traité des Pyrénées. Son rôle stratégique fut redéfini par Vauban, qui voulant, en bon militaire, en faire une ville de garnison, rasa la vieille ville, où s’étaient succédé Ibères, Grecs, Romains et Wisigoths. Il tenta de déporter les habitants à Port Vendres et détruisit l’église romane fortifiée pour caser le glacis et pour accroître la surface du château. D’une manière générale, il procéda à une surélévation, et construisit l’énorme demi-lune. Il bâtit enfin de nouveaux forts – le Fort Saint-Elme et le Mirador.
De la prison à l’équipement culturel
L’église, dotée d’un clocher aménagé dans une ancienne tour de guet de l’époque majorquine, et donc située dans la baie, fut consacrée au début du XVIIIe siècle. Pendant les XVIIIe et XIXe siècles, le château a vécu au rythme d’une garnison affectée au génie. Si les militaires n’ont guère modifié l’existant, ils l’ont en revanche parfaitement préservé. à l’époque, la frontière franco-espagnole est encore sensible et la zone ne sera vraiment démilitarisée que dans les années 1920, après la première guerre mondiale dans laquelle l’Espagne a su conserver sa neutralité. Pourtant, le château de Collioure n’en a pas fini avec les conflits. 1939 voit arriver une véritable marée humaine de réfugiés (450 000 républicains franchirent la frontière dont plus de 260 000 se serrent dans les camps alors que la population du département n’est que de 240 000 habitants) dont beaucoup d’hommes ayant combattu dans l’armée républicaine, ou s’étant illustrés par la défense des idées antifranquistes. Des milliers de ces hommes sont concentrés dans des conditions invraisemblables, dans le froid glacial, sans sanitaires, à même le sable des plages d’Argelès, de Saint Cyprien et du Barcarès. Malgré la présence peu appréciée de supplétifs de l’armée française particulièrement peu enclins à l’indulgence qui sont chargés de surveiller ces camps de la honte, les rixes, les meurtres et les trafics en tous genre ne font pas défaut. Le Château de Collioure devient alors la colonie pénitentiaire des camps. Plus de 1000 hommes y seront internés en l’an 1939… Enfin, avec la fin de la seconde guerre mondiale, le Château devient, en 1952, propriété du Conseil Départemental et commence une nouvelle ère. C’est aujourd’hui un équipement culturel de premier plan qui accueille des visites guidées, des spectacles de toutes sortes, et une politique d’expositions à l’année. Ne ratez pas la visite des chemins de ronde qui offre des vues remarquables sur le large mais aussi sur l’énorme glacis et les deux ports que le château sépare.
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