01 Mar Barcelone : A star is born
Le quartier du Born, devenu la coqueluche des jeunes Barcelonais, des artistes et des touristes amoureux des contrastes, est dabord un quartier médiéval, né de limmense expansion de la ville et du pays à lépoque gothique.
Comme le Marais à Paris, auquel il fait penser à bien des égards, le Born doit son retour en grâce, auprès des Barcelonais et des touristes, à l’implantation de grandes structures culturelles qui lui rendent son lustre d’antan.
C’est à la culture que le quartier du Born doit sa renaissance. Il allie en effet un patrimoine gothique de tout premier plan à la présence d’équipements culturels uniques au monde comme le Palau de la Música catalana, le Musée Picasso, le musée Barbier-Mueller, le musée du textile, le centre de design Disseny hub et bien sûr, d’innombrables galeries dédiées à l’art sous toutes ses formes, dont la galerie Maeght.
Le Palau de la Música est certainement l’un des bâtiments les plus étonnants de Barcelone, et d‘une certaine façon, une synthèse de l‘esprit catalan. Construit en 1908 par le grand architecte Lluis Domenech i Muntaner, il s’impose comme un temple du modernisme. Les plus grands artistes et artisans du pays ont collaboré à sa décoration pour faire de cette salle de concert, un véritable manifeste esthétique qui pose une égalité de fait entre les arts appliqués et les arts.
Un hymne à la nature
Céramiques, vitraux, stucs, sculptures, fers forgés tarabiscotés s’élancent vers le ciel en dessinant un jardin lumineux et magique, chatoyant sous la lumière. Une profusion de couleurs et de formes, chante un hymne qui monte vers un ciel de fleurs et vers la senyera majestueuse. A ne pas manquer, la verrière inversée aux formes de soleil et de goutte d’eau, ni la décoration du plafond en roses blanches et rouges , en hommage à Sant Jordi, Saint patron de la Catalogne.
Et à la gloire du travail
Si aujourd’hui, les plus grands interprètes du monde s’y produisent, de la musique de chambre au rock, ce n’est pas dans un but élitiste que cette merveille a été créée, mais bien pour accueillir les chorales ouvrières catalanes. En témoigne aux côtés des bustes de Beethoven et Wagner, la présence d’une représentation de Anselm Clavé, la star de l’Orfeo Català. En effet, les patrons paternalistes de la Catalogne industrielle s’inquiétaient de voir leurs ouvriers fréquenter assidûment estaminets et auberges. Tout comme au Pays de Galles, ils décidèrent de monter des chorales susceptibles d’édifier et de contrôler davantage les travailleurs. C’est la naissance d’une formidable tradition chorale qui perdure encore aujourd’hui. Le Palau de la Música réserve d’ailleurs tous les ans une place à la rencontre des chorales de la fédération « Cors de Clavé ».
Unique au monde
Insolite par son objectif premier, extraordinaire par la qualité de sa facture, le Palau de la Música Catalana est aussi un témoignage saisissant et sublime de ce que fut le Modernisme, et au-delà, des idéaux de cohésion et d’égalité portés par tout un peuple. N’oubliez pas de déguster un café dans le foyer, un endroit très agréable, vitré, à deux pas de la Via Laietana.
Un peu plus loin, le Musée Picasso… Sublime ! Il a fallu réunir cinq palais gothiques mitoyens, autour d’un patio dont l’étage noble est desservi par un escalier extérieur, pour loger ce superbe musée. Déjà, passer sous le porche, c’est entrer de plain-pied dans la beauté du gothique civil catalan dans sa sobriété altière.
Par amour de la Catalogne
Attention, 3 800 œuvres vous attendent… Une collection fabuleuse ! Elles retracent la formation de Picasso, ici même, et expriment le tribut que le génie pensait devoir à Barcelone, où dès l‘âge de 14 ans, le jeune Pablo fréquentait « la llotja », l‘école des beaux-arts. Trois ans avant sa mort, Picasso lui-même avait décidé de faire don à sa ville de cœur de 1 000 tableaux.
La genèse de l’œuvre
La visite commence par une biographie et une salle destinée à ses œuvres de jeunesse. On y trouve des croquis, des lavis, des sanguines, des carnets de voyages, qui tous démontrent une précoce et stupéfiante maîtrise du dessin. Comme quoi, avant de déconstruire et déstructurer, il faut savoir bâtir… De salle en salle, le talent du peintre explose dans des toiles réalistes comme « Science et charité » ou encore avec les chefs-d’œuvre de la célèbre période bleue et de la période rose. On reste bouche bée devant la cinquantaine de variations du maître sur les Ménines de Vélasquez ou le portrait de Jaume Sabartès, ami et mécène de Picasso, en Grand d’Espagne. En 1982, la veuve de Picasso, Jacqueline, a complété son don par une très riche collection de céramiques qui illustre la curiosité inlassable du maître. Les arcades gracieuses des palais traversés constituent un écrin de choix pour cette exposition permanente qui démontre de façon éclatante le lien vibrant qui, toute sa vie, lia Picasso à la Catalogne, dont il devint l‘un des fils les plus illustres.
Ouvert au monde
A quelques pas de là, une curiosité, le Musée Barbier Müller d’Art Précolombien qui s’intéresse aux cultures pré-hispaniques et précolombiennes et présente une sélection d’œuvres prêtées par l’antenne genevoise de la fondation. Masques rituels, vêtements, armes, mais aussi et surtout un peuple entier de statues et de statuettes cultuelles, très impressionnant. La muséographie joue beaucoup sur l’obscurité et la pénombre et fait appel au mysticisme qui sommeille en chacun de nous. Ça fonctionne très bien ! Au rez-de-chaussée la boutique jouxte le « Textil Café », sympa pour prendre un verre.
Papilles en folie
Que les gourmands se préparent, l’épreuve va être rude ! Le Born abrite en effet le Musée du Chocolat qui dépend d’une école de pâtisserie. Pour tout savoir sur les fèves de chocolat, sur leur provenance, ce qu’en faisaient Aztèques et Mayas, ou comment les moines cisterciens se sont emparés du secret de fabrication, c’est la bonne adresse. Vous apprendrez que le précieux secret a été acheminé, par-delà les mers, par le frère Jeronimo de Aguilar, compagnon de Cortès qui l’a donné à son monastère d’origine en Aragon, le monastère de Piedra, avant que la saveur incomparable de ce nouveau produit ne séduise le monde entier. Bornes interactives, maquettes, tous les chocolats primés à différents concours et enfin, évidemment, une boutique cafétéria dédiée au… chocolat bien sûr ! Irrésistible !
Marché Sainte Catherine
Une fois vos papilles subtilement chatouillées, ne manquez pas le Marché Sainte Catherine, un des plus foisonnants de Barcelone avec la Boqueria. Vous y trouverez des fruits, des fleurs, des échoppes dédiées au fameux jambon Jabugo, de l’excellente charcuterie. Pour autant, vos papilles ne seront pas déçues. Rénové en 2005 par les architectes Enric Miralles et Benedetta Tagliabue, le marché est une petite merveille esthétique. Sur une structure aérienne en bois charpenté qui abrite les étals viennent se poser les vagues d’une toiture de céramiques polychromes qui évoquent les motifs modernistes. Superbe !
Déjà la mode
Ne vous arrêtez pas en si bon chemin esthétique : dans le Born, tous les arts se rejoignent et se vivent au quotidien. Au Palau Marquès de Llèo vous attendent 1 500 ans d’art du textile et une histoire fascinante de la mode, de l’époque baroque à nos jours, avec une fabuleuse collection de costumes : tissus coptes, hispano-arabes, gothiques et renaissants, broderies, dentelles, imprimés, costumes et pièces de joaillerie racontent la beauté à toutes les époques. Le grand créateur espagnol Cristobal Balenciaga a fait don de milliers de pièces ainsi que le grand collectionneur Manuel Rocamora. Des galeries d’études réunissent différents objets par typologie, tandis qu’un centre de documentation accessible à tous et particulièrement riche en documents de toutes sortes est à la disposition du public. Impossible toutefois de ne pas voir que cette histoire de la mode est là, en marche, sous nos yeux. Dans le droit fil des corporations textiles du Moyen-âge qui ont fait sa gloire, le Born est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire.
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