03 Avr COSTA DEL MARESME, l’art délicat de la villégiature
A quelques dizaines de kilomètres au nord de Barcelone commence le Maresme, une comarca effilée comme un Chili longeant les Andes qui se faufile entre les buttes crénelées de la chaîne littorale et l’immensité de la mer.
Mar i Munt
Ici, la dualité est constante. Les villages côtiers étaient autrefois « dédoublés » : la partie marchande, noble, se trouvait en hauteur, bien à l’abri des nombreuses razzias sarrasines qui rythmaient la vie des habitants. En bas, au ras des plages, de modestes villages de pêcheurs guettaient l’horizon. Voilà pourquoi nous avons aujourd’hui Arenys de Mar et Arenys de Munt, par exemple.
D’une trace à l’autre
Une côte très accessible avec ses longues grèves plates, quelques jolies embouchures de fleuve, il n’en fallait pas plus pour que les Romains viennent troubler la tranquille présence séculaire des Ibères, marquée par quelques villages encore visibles. Ici, les ruines de villas et les aqueducs, comme celui de Can Cua, foisonnent et font figure de modernité auprès des menhirs et dolmens laissés par de lointains prédécesseurs dans toute la montagne. Ne manquez pas celui de la Roca d’en Toni à Vilassar.
Girona ou Barcelone ?
L’histoire médiévale, qui a semé dans la montagne ses joyaux romans, parle d’une autre dualité. Le territoire dépendait alors de deux diocèses différents, celui de Barcelone pour le sud, celui de Girona pour le nord, une réalité encore perceptible, renforcée par l’équidistance : le Maresme se trouve exactement entre les deux villes.
Dans la nature, exactement
Trois parcs naturels se partagent la beauté des petites vallées, des sommets minéraux et des immenses forêts de pins, de rouvres et de yeuses : le parc du Montnegre, celui de la Serralada Littoral, celui de la Serralada de Marina. Ils sont émaillés de mas isolés, souvent construits autour de sources, eux-mêmes entourés de terres cultivées, petites et soignées.
Un pays jardin
Car le Maresme, c’est le jardin enchanté de la Catalogne. Sa plus grande surface maraîchère, dédiée à la fois à la production de fruits et légumes, et à celle des fleurs. Encore aujourd’hui, les étals de la Boqueria ou du Mercat Santa Caterina regorgent de produits venus d’ici. Certains, comme les petit pois, ou les haricots blancs ont même une appellation d’origine contrôlée. Les marchés locaux sont un véritable enchantement pour les yeux.
Des vins délicats
Pour accompagner tant de bienfaits de la terre, et aussi l’excellence des volailles de basse-cour, il fallait bien sacrifier un peu au nectar des Dieux. Le vignoble est peu étendu, géographie oblige, mais ses vins, discrets et fins, disposent eux aussi d’une dénomination d’origine, la D.O Alella, moins connue que ses grandes sœurs du Penedès ou de l’Empordà.
Une ruralité préservée
Se promener dans les petits villages de montagne, c’est renouer avec un mode de vie qui a traversé les siècles : une vie rurale pieuse, dévolue aux travaux de la terre, menée dans l’ignorance de la mer pourtant toute proche. Pas de grandes agglomérations pour casser cette ruralité conservée. Quelques fenêtres fermées indiquent la forte présence de résidences secondaires, mais le soin apporté aux cultures, compense aussitôt cette suggestion d’abandon.
Panoramique
Partout, des sentiers balisés guident les pas, d’un mas à l’autre, d’ermitage en chapelle, de dolmen en ruines ibères. On avance dans les forêts profondes. Parfois, un sommet dénudé ou le sourire d’une clairière s’ouvrent sur le panorama : d’un côté, la mer étale sagement couchée le long des plages, de l’autre, le cirque de montagnes. Impossible d’imaginer que là-bas, c’est la ville-monde et ses clameurs…
Résidentiel
Comme les patriciens romains, les classes aisées catalanes ont très vite pris le chemin du Maresme, notamment l’été, pour y passer leurs vacances, laissant au passage un patrimoine moderniste particulièrement intéressant, qui voit se côtoyer les œuvres des trois plus grands architectes du mouvement : Domenech i Muntaner, Puig i Cadafalch et Gaudí. A cette triade magique, répondent trois localités : Canet de Mar, Mataró et Argentona. Et une route touristique, bien sûr…
L’or bleu
Sous la pression de la révolution industrielle, les villages de pêcheurs ont perdu leurs pauvres maisons chaulées : des ports sont apparus pour structurer l’activité de la pêche, notamment Mataró et Arenys de Mar, El Masnou, Premià ou El Balús. En bons reflets des temps, tous sont dotés en parallèle de ports de plaisance particulièrement prisés, eu égard à leur proximité de la capitale. L’excellence des produits de la mer est proverbiale, et l’arrivée des chaluts avant la criée, un véritable spectacle.
Pays de Cocagne
Ici, comme ailleurs dans toute la Catalogne, le marin s’est fait paysan, attentif à recueillir les bienfaits de la terre et de la mer. Du moins, en fut-il ainsi des siècles durant, jusqu’à la révolution industrielle. Au milieu du XIXe apparaissent en effet des usines : on travaille le textile ou le liège. Des milliers d’immigrants arrivent des provinces espagnoles méridionales, alors particulièrement misérables.
Le labeur des hommes
Une autre dualité s’installe : celle des quartiers « nouveaux », sortes de colonies réservées à ces nouveaux travailleurs, et des quartiers anciens. Elle se double dans un premier temps d’une scission linguistique, ces nouveaux arrivants ne maîtrisant pas la langue catalane. Mataró accueille le gros des troupes. La côte du Maresme devient ainsi le siège d’une culture ouvrière qui deviendra l’un de ses signes distinctifs.
Pari gagné
Aujourd’hui, l’industrie textile a quasiment disparu mais elle est remplacée par l’industrie pétrochimique, l’agroalimentaire ou les productions chimiques. La première et la seconde immigration se sont totalement fondues dans la population locale. Pari gagné pour le Maresme qui reste en termes d’économie, une des comarques les plus performantes de Catalogne, sans s’être laissé défigurer.
Multiple banlieue
A bien regarder la côte, son alignement à flanc de montagne, on distingue autre chose : la présence têtue de la ligne de chemin de fer. La toute première de la péninsule ibérique, qui reliait alors Mataró à Barcelone. Si elle appartient de fait au couloir méditerranéen, elle assure aujourd’hui la transhumance des gens qui travaillent dans la capitale. Le Maresme est devenu une banlieue chic, une sorte de vallée de Chevreuse où beaucoup ont fait le choix de vivre.
Séducteur et accessible
Evidemment, tant d’atouts ne pouvaient demeurer cachés : la côte moins glamour que la Costa Brava, mais riche de très longues plages et de belles lagunes, attire chaque année des milliers de touristes séduits par son incroyable variété, sa facilité d’accès par route et par train, et aussi, bien sûr, sa situation à équidistance des deux grands aéroports de Barcelone et de Girona.
Suréquipé
Des infrastructures touristiques plurielles, déclinées en hôtellerie de plein air, une offre hôtelière de toutes catégories et des logements ruraux de charme présentent une capacité d’accueil basée sur la qualité et la diversité. Il faut dire qu’au-delà de l’enchantement de ses paysages, des plaisirs de la mer, et de l’accès à Barcelone, le Maresme a un autre atout maître : la gastronomie.
Le culte du goût
Carme Ruscalleda, le chef le plus étoilé, s’est établie à Sant Pol de Mar : c’est le bateau amiral d’une flotte de luxe qui aligne des établissements familiaux hauts en couleurs qui s’inspirent du potager et des trésors de la criée : folie des papilles garantie ! D’autant que la population est devenue un joyeux mélange de cultures qui se reflète dans les assiettes. Souvent, ces rencontres culturelles, bien concrètes, elles, donnent naissance à de véritables merveilles.
La dolce vita
Résumons-nous : jardin de la Catalogne, mar i munt, ouvrier et résidentiel, catalan et multiculturel, moderniste et roman, encore rural et tout proche de Barcelone, banlieue et destination touristique : le Maresme va vous en faire voir de toutes les couleurs. Et le pire, c’est que vous aurez terriblement envie d’y vivre !
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