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Manresa, une histoire d’eau et de lumière

31 Jan Manresa, une histoire d’eau et de lumière

Sous ses airs de gros bourg prospère, la capitale du Bages est une cité de sortilèges, une ville de saints et de maudits, de légendes et de miracles, qui ont inspiré un patrimoine singulier et une tradition de foires et de fêtes qui tissent des liens magiques entre la terre et le ciel, sous la bienveillance des montagnes de Montserrat.

Située au centre de la Catalogne, Manresa est une ville de croisée des chemins, qu’il s’agisse de migrations, de pèlerinages, ou encore de personnages célèbres. Elle se trouve donc sur la route de l’Abbé Oliba, l’inventeur génial de l’art roman catalan, bâtisseur de l’abbaye de Montserrat et évêque de Vic, sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle, bien sûr, mais aussi et surtout, sur celui de Saint Ignace de Loyola. Il est impossible ici de l’ignorer, tant son empreinte est profonde. Manresa est la ville spirituelle de ce prêtre canonisé, fondateur du puissant ordre de « La Compagnie de Jésus », congrégation catholique qui joua un rôle primordial dans la colonisation des Amériques et l’éducation des enfants de Catalogne. Il reste aujourd’hui très puissant et possède au cœur de Barcelone, Université et école de Commerce. Au total, Saint Ignace de Loyola ne vivra qu’onze mois à Manresa, entre 1522 et 1523… Mais cette période sera importante dans sa vie religieuse… Et changera l’aspect de la ville, son économie et sa vie spirituelle, à tout jamais. Nombre d’œuvres de l’Ordre portent d’ailleurs le nom de Manresa ou de l’une de ses rivières, le Cardener. La ville propose logiquement un itinéraire ignacien qui relie une vingtaine de lieux liés à sa mémoire : en réalité une visite presque complète au fil des rues et des façades ! Dans le jargon de l’Ordre « aller à Manresa » signifie un retour aux fondamentaux. Tout est dit. La Grotte de Saint Ignace, une vraie cavité minérale enchâssée dans le très imposant bâtiment du sanctuaire reste le centre névralgique de cette présence têtue : le saint y écrivit en effet ses « Exercices spirituels ». Le Centre d’interprétation de la magnifique rue del Balç, un dédale médiéval de passages dérobés couverts par un réseau serré de voûtes reliant les maisons est un point fort de cet itinéraire, qui restitue à plein la mémoire médiévale de la ville. Vous y apprendrez tout sur l’urbanisation durant le Moyen-Âge grâce à un dispositif audiovisuel passionnant qui survole les siècles et vous emporte au gré d’une véritable épopée. La ville a tiré de son histoire une énergie vitale perceptible, une sorte de confiance en son destin, qui, si souvent n’a tenu qu’a un fil sans jamais trahir. Pour autant, l’intrication constante du spirituel et du temporel qui fait sa spécificité ne cesse pas hors de la ville. Des croix de calvaire et des ermitages ponctuent le paysage de lieux où Saint Ignace avait l’habitude de prier et de se recueillir comme la Creu del Tort, ou la Creu de la Culla près du mas du même nom, le sanctuaire de la Salut ou encore l’ermitage de Sant Pau. à Manresa, la basilique gothique au gabarit de cathédrale, Santa Maria de Manresa, plus connue sous le nom de « La Seu » fut construite sur les hauteurs du centre ancien, elle domine la rivière et les humains. Sitôt la nuit tombée, ses illuminations la rendent encore plus imposante. Telle un roc, elle semble aussi indestructible que la foi de ceux qui l’élevèrent, à compter de l’an 1325, sous les ordres de Berenguer de Montagut, qui fût également à l’origine de l’église Santa Maria del Mar à Barcelone. La Seu, bâtisse imposante et austère, élève à elle-seule Manresa à la dimension de ville historique. Elle est à la fois vaste et solide, davantage éprise de volumes horizontaux que de grandes envolées verticales. Sa façade moderniste et néogothique a été réalisée sous la supervision artistique de Gaudí. Après le gigantisme, la miniature, un peu plus haut dans la ville, la petite chapelle de Sant Ignasi Malalt (Saint Ignace Malade), a réouvert ses portes depuis un an seulement après une totale restauration. Elle avait été détruite, comme tant d’autres édifices religieux catalans, lors de la terrible guerre civile. Vous voilà arrivé à l’église et à l’ancien couvent des Carmes avec ses vestiges de cloître, le haut lieu absolu de la ville, entièrement restauré et reconstruit, mais campé au cœur du mystère. Vous voilà sur le lieu du miracle de la lumière et de l’eau. Au début du XIVe siècle, la cité, après avoir vécu des années de terrible sécheresse, avait décidé, avec la bénédiction du Comte-Roi Pere le Cérémonieux, la construction d’un canal pour apporter l’eau du Llobregat à partir d’une retenue effectuée juste au-dessous du château de Balsareny, l’actuelle Sèquia. L’évêque, dont les terres personnelles étaient affectées par les travaux, s’y opposa fermement. Le 21 février 1345, une lumière ardente en provenance de Montserrat entra par un opuscule et vint illuminer l’église tandis que les cloches se mettaient à sonner toutes seules. Dieu avait choisi son camp ! Le canal confirma bientôt la prospérité de la ville alors centrée sur la passementerie et donc, déjà, sur le travail textile, particulièrement gourmand en eau. L’espace Manresa 1522, à ne rater sous aucun prétexte, est le centre d’interprétation de la Manresa ignacienne, situé dans les dépendances de l’ancien cloître du Couvent Sant Domènec. Il fait le portrait de la ville telle que la trouva Ignace de Loyola à son arrivée. Vous pourrez également y admirer des pièces d’art sacré issues des églises gothiques détruites lors de la guerre d’Espagne. La ville garde toujours un œil sur les montagnes dentelées de Montserrat : la route qui y mène commence au pont romain avec ses huit arches, maintes fois reconstruit, qui enjambe le Cardener et constitue une des silhouettes emblématiques de la ville. La petite chapelle Saint Marc veille sur ce passage qui remonte aux tous premiers peuplements.  La Manresa moderne s’est construite sur les ruines des églises démolies comme la place Sant Domènec, dont l’espace a été libéré par l’ancienne église Saint Pierre Martyr et l’ancien couvent des prédicateurs. Impossible, décidément, pour Manresa, d’échapper à son destin spirituel… Ainsi, la plaça Major doit sa grande surface, propice aux foires et aux fêtes, aux destructions occasionnées par le grand incendie de 1713. 

Terre d’histoires

Car Manresa, eu égard à sa situation géographique et à son rôle de capitale de comarca, est une ville ultra-commerçante et un pôle d’activités de tout premier plan. Initialement productrice de textiles et d’eau-de-vie, la ville a su prendre un virage résolument industriel avec la chimie illustrée par l’entreprise Pirelli, l’industrie agroalimentaire (biscuits, vins, conserves) et la production de chaussures.  Se promener au centre-ville c’est l’assurance de trouver des boutiques de toutes sortes, souvent caractérisées par de jolies vitrines marquées par un souci permanent du design, c’est aussi pouvoir s’attabler en terrasse pour admirer le patrimoine, ou encore, participer à la joyeuse cacophonie d’un marché de produits de terroir. Autre trésor à découvrir : le Parc de la Sèquia. D’un tracé de 26 km et une pente de 10 mètres, elle a son origine dans « l’écluse des manresans », au village de Balsareny et se jette dans le Parc de l’Agulla, à Manresa. Au long de son parcours, la Sèquia traverse des torrents, des vallées et de petites rivières, grâce à une trentaine d’aqueducs et de canalisations souterraines. Son chemin parallèle date aussi de la même époque. C’était une voie de communication, qu’on utilisait pour faire la maintenance du canal. 

La gastronomie à la fête

à présent, il a été aménagé afin que les visiteurs puissent apprécier son itinéraire, à pied ou à vélo, en découvrant toute la richesse naturelle de la plaine du Bages, ainsi que le patrimoine, tel que l’église romane de Sant Iscle de Bages, le village ibérique du Cogulló de Can Torre ou le superbe château de Balsareny. Six cents ans après sa construction, la Sèquia n’a rien perdu de son utilité, et a même donné naissance à un parc aux activités multiples qui accueille le centre de l’Eau et le Musée de la Technique. Une mention spéciale pour le petit Parc de l’Agulla, tout proche, né de la construction du lac du même nom, qui assure une semaine de besoins en eau de la ville. Il est entouré de 700 arbres qui en font une oasis de fraîcheur et une boîte à musique tant y est têtu le chant de centaines d’oiseaux. Tout autour de la ville, l’anneau vert (Anella Verda) propose les paysages doux et contrastés du Bages, dominés par la Tour de Sainte Catherine, une tour cylindrique vestige de la guerre de succession d’Espagne, un mirador de choix pour tous ceux qui aiment prendre de la hauteur. à bien les regarder, on ne peut manquer de noter la présence relativement massive des vignes de l’appellation D.O. Bages, des vins délicats et fruités qui accompagnent la cuisine roborative de la comarca avec pour plats emblématiques la morue à l’aïoli de coing ou le lapin aux champignons. Si l’hiver est toujours chaleureux à Manresa, il ne l’est jamais autant qu’au mois de février. En effet la ville organise en deux temps, une fête à la fois très ancienne et très courue qui célèbre le double miracle de  la lumière et de l’eau. La « Festa de la Llum » (21 février) qui rappelle le mystère selon lequel, il y a quelque 650 ans, la lumière pénétra dans l’église d’El Carme pour mettre fin au conflit entre la ville et l’évêque de l’époque qui portait sur la construction du canal de la Sèquia, et le week-end en suivant la « Fira de l’Aixada ». Une fête unique qui remplira les rues de la vieille ville d’artisans et de maîtres de métiers anciens qui montreront leurs arts entourés de spectacles qui divertiront les visiteurs qui se perdront dans l’agitation de la ville. Les rues pleines d’animation, ornées et décorées comme si nous étions une fois de plus au XIVe siècle, les odeurs et la musique d’un autre temps transportent le visiteur au cœur même d’une fête populaire très animée, pleine d’activités pour petits et grands.

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