10 Fév Carnavals : quand le Garraf se lâche
Imaginez des batailles endiablées de bonbons, une guerre de meringues dans les rues, des personnages dévoilant les ragots de l’année, des bals et défilés mobilisant des centaines de personnes aux tenues excentriques… Dans le Garraf, on ne badine pas avec le carnaval. Exemple à Vilanova i la Geltrú, où se trame chaque l’année l’un des plus typiques, irrévérencieux et importants de ces événements populaires.
En comparaison, ils semblent bien pâlots, nos carnavals nord-catalans. Cherchez au fond de votre mémoire… Vous l’avez forcément vécu, ce carnaval réunissant quelques dizaines d’enfants, ce défilé sage à peine agrémenté de quelques confettis avant de rentrer tranquillement à la maison. Sans doute suffisait-il à combler vos attentes d’enfants. Mais ici, nous vous parlons d’autre chose. Une semaine de délire ininterrompu dans tous les villages (du 7 au 13 février cette année) avec costumes extravagants, rires et danses au rythme des bandas… Dans la « comarca » du Garraf, le carnaval prend des allures d’événement parmi les événements, d’institution. De tous, celui de Vilanova i la Geltrú est sans doute le plus authentique. « C’est un carnaval très familial, il y a beaucoup de joie. Il y a un proverbe qui dit : « per carnaval, tot s’hi val » (pour le carnaval, tout est permis) » explique Joanaina, patronne d’un hôtel-restaurant à Vilanova.
Le carnaval… Malgré Franco
Une vision des choses qui n’était pas pour plaire à la dictature franquiste : partout, les carnavals furent interdits. Mais celui de Vilanova fut le seul à perpétuer la tradition, avec ou sans l’assentiment des autorités. Voilà pourquoi cet événement populaire, déclaré d’Intérêt National, a aujourd’hui plus de 250 ans de tradition ininterrompue. « Ce sont des racines qui ne se sont jamais vraiment perdues », confirme Jordi, patron d’un café sur la place de la Vila, aux premières loges de la terrible guerre des bonbons qui se tient le dernier dimanche sur la place. « Avant, le carnaval était peut-être un peu plus authentique, mais il reste très satirique ». Car le carnaval de Vilanova i la Geltrú est d’abord une fête populaire, qui mobilise toute la ville. D’ailleurs, une semaine de fêtes ne suffisant pas, les multiples associations organisatrices ont décidé d’étirer l’événement sur deux semaines (du 2 au 13 février cette année). Le premier samedi, se joue le très traditionnel et habillé « ball de Mantons », avec châle obligatoire pour ces dames, costumes pour ces messieurs. On y danse au rythme d’une marche militaire, la Turuta.
Guerre de meringues
Le jeudi suivant, place à la Merengada, guerre de gigantesques meringues réalisées par les pâtissiers de la ville. L’affaire se termine par un conséquent étalage de meringues sur les cheveux et les vêtements des nombreux jeunes venus se battre joyeusement. Cette manifestation laisse la Plaça de la Vila dans un état particulièrement gras et sucré. Plus raffiné, ce jeudi gras est aussi traditionnellement le jour que les familles choisissent pour savourer la Xatonada (notre encadré). Le vendredi, c’est le très attendu « Arrivo ».
Quand le roi des sots déballe les ragots
Coiffé d’une perruque blanche et vêtu comme les courtisans du XVIIIe siècle, le roi des sots déballe, avec force ironie, humour et méchanceté, tous les cancans de l’année écoulée… De quoi faire frémir les puissants ! Ce rendez-vous marque le début du carnaval dans les rues. Le lendemain, les enfants sont à l’honneur, avec l’arrivée du Caramel, dans un nuage de confettis. Ce gros personnage entraîne les petits dans son sillage. C’est la fête des confiseries. Le soir, place aux bals et concours de costumes. Ambiance assurément festive… Côté pile. Côté face, la fête prend un air étrange et quelque peu morbide, avec « el moixó foguer », une bête qui sort d’une boîte, nue et couverte de plumes et de miel… Une tradition datant d’un siècle. Le lendemain, ce sont les « comparses » : on danse dans les rues… Traditionnellement, c’est ce jour-là que se scellaient certains projets de mariage. Sur l’ancienne place de la Verdura, des trios composés d’un homme et de deux femmes reproduisent des danses anciennes. Le lundi, « els coros d’en carnestoltes », des chorales, chantent ce que l’on cache, avec humour et, toujours une bonne dose de fiel.
Mascarade et coups de bâton
Le mardi, c’est le jour du « Viladot », une mascarade grotesque, au sens premier, pendant laquelle on ne se prive pas de donner des coups de bâton aux badauds qui ont l’audace de sortir sans être costumés ! On jette aussi volontiers des grains, qui ont le mérite de se glisser sous les vêtements et de jouer les poils à gratter. Les adieux au carnaval se déroulent le lendemain mercredi, avec « l’enterro de la Sardina ». On brûle alors en place publique ce corps démoniaque qui a poussé les habitants à la luxure et à l’interdit. N’imaginez pas pour autant que Vilanova i la Geltrú retrouve son calme pendant un an ! Dans un style tout autre, la ville fête la Sant Isidre en mai, la mer en juin, organise un festival de musique indépendante en juillet, le Faraday, et ainsi de suite… A chaque saison ses fêtes.
Carnaval de Sitges : frous-frous et petites tenues
Dans un style tout autre que celui de Vilanova i la Geltrú, moins irrévérencieux et familial, le carnaval de Sitges attire chaque année une foule importante. Ici, place aux petites tenues, aux paillettes, aux plumes et aux chars flamboyants. Les deux défilés les plus prisés sont la Disbauxa (frénésie), le dimanche, et l’Extermini (extermination) le mardi. Ambiance brésilienne garantie.
Corpus Christi, quand Sitges se couvre de fleurs
Parmi les nombreuses autres fêtes qui se déroulent à longueur d’année dans le Garraf, ne manquez pas le Corpus Christi, chaque printemps à Sitges. Exposition d’œillets, concours de tapis fleuris, d’ornementation des façades,… Cette fête qui existe depuis plusieurs siècles est un régal pour les yeux. A découvrir à cette occasion, le surprenant « Ou com balla » au palais Maricel : il s’agit de faire danser un œuf sur des jets d’eau… Une tradition qui remonte à 1588.
La Xatonada, le mets du jeudi gras
Le Xató, plat typique du Garraf et du Penedès, se savoure traditionnellement à l’occasion du jeudi gras : c’est la « xatonada ». Cette salade est composée de scarole, de morue, d’anchois, de thon, d’olives Arbequines, et d’une sauce particulière, à base d’amandes, de noisettes, de petits piments « nyora », de mie de pain grillée, d’ail et bien sûr d’huile d’olive. Chaque année, durant la période hivernale, de nombreux restaurants participent à une « route du Xató ». www.rutadelxato.com
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