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Rencontre avec Joan Marc Joval

06 Déc Rencontre avec Joan Marc Joval

Joan Marc Joval directeur de la promotion culturelle du gouvernement andorran, nous dresse un panorama complet de l’attractivité culturelle des hautes vallées de la Principauté, notamment pendant les fêtes de fin d’année.

Cap Catalogne : Bonjour Joan Marc. Pouvez-vous nous expliquer le plan d’action du gouvernement andorran en matière d’attractivité culturelle liée aux fêtes de la Nativité et donc aux vacances d’hiver ?

Joan Marc Joval : En la matière je ne suis pas le meilleur interlocuteur, du moins en première instance. La politique des animations de rue et des spectacles de Noël relève plutôt des « comuns » (il s’agit des communes, également appelées dans une Andorre ancrée dans son passé médiéval « paroisses », parròquies). Donc, tout ce qui est de l’ordre des cavalcades, des défilés dans les rues, des sapins de Noël, des foires, bref, tout ce qui est vraiment populaire relève de l’échelon communal. Le gouvernement assure de son côté l’organisation de la culture institutionnelle de la Principauté, à savoir l’offre muséale et plastique, l’offre musicale via les outils nationaux, bref, tout ce qui relève d’une politique d’état. Le but de la manœuvre, c’est d’attirer le public populaire vers nos outils structurants, d’attirer aussi le public venu pour l’excellence indiscutée de nos stations de ski, ou encore la capacité relaxante de nos eaux thermales, ou simplement pour profiter de l’offre commerciale, elle aussi dopée par la politique nationale de plafonnement des taxes.  C’est un ensemble.

CC : Votre politique culturelle a aussi un gros volet social…

JMJ : Justement, notre mission c’est de ne laisser aucun andorran de côté, nous travaillons donc énormément avec les maisons de retraite, les foyers d’ainés et bien sûr les jeunes, pour mettre la culture à leur portée avec un jeu d’outils didactiques et de médiation culturelle. Généralement, ces segments de la population sont à l’écart du tourbillon du tourisme, plus encore pendant les fêtes.

CC : Et puis il y a le statut très spécial de l’Andorre…

JMJ : Oui, l’Andorre, pour aussi petite qu’elle soit, est un État. On y trouve une concentration de musées de haute tenue qui est celle d’une grande capitale comme Barcelone ou plus modestement Toulouse, dans des domaines extrêmement divers qui vont des écomusées aux thèmes industriels, de la culture du tabac à l’art roman, de collections contemporaines prestigieuses à la modestie des arts et traditions populaire. Cette mosaïque qui donne à voir l’Andorre dans sa pluralité et dans son histoire spécifique est évidemment pensé et coordonnée à l’échelle nationale. Il nous appartient d’impulser des expositions temporaires, de promouvoir les structures, bref de faire le travail qui est en général celui d’un Ministère de la Culture dans d’autres formes de pays.

CC : La musique, le théâtre et la danse bénéficient d’outils nationaux ?

JMJ : Oui, bien sûr, il y a d’abord la Scène Nationale Andorrane qui assure une mission de création et de diffusion essentielle, et aussi l’ONCA l’Orchestre National d’Andorre. Il va sans dire qu’outre leurs missions purement locales, ces deux entités diffusent également à l’extérieur, beaucoup vers le bassin toulousain et vers la Catalogne voisine. Ils permettent de montrer toute la vitalité et la créativité de nos vallées à l’identité si particulière.

CC : Quel est le statut de la langue catalane ?

JMJ : À notre niveau c’est très simple. Nous n’accompagnons financièrement que des œuvres en catalan parce que la langue nationale de l’Andorre – et j’insiste sur le fait que nous sommes les seuls dans ce cas – est le catalan. Bien sûr, en parallèle, nous avons toute une politique de prise en charge de la traduction, notamment des œuvres littéraires, pour garantir à nos auteurs un lectorat plus large.  Le Gouvernement a voté une loi pour imposer la connaissance du catalan, dont l’usage social est en chute libre du fait même du modèle d’accueil qui a favorisé l’intégration de très nombreux hispanophones (maintenant le plus souvent sud-américains) et aussi de lusophones. Il s’agit de faire en sorte que tout un chacun puisse s’exprimer en catalan et être compris. à terme, l’espoir est bien sûr de retrouver un catalan fluide et véhiculaire, mais c’est une autre histoire…

CC : D’où viennent les touristes qui envahissent l’Andorre pendant les fêtes d’hiver ?

JMJ : Sans surprise, de la Catalogne et du sud de la France, mais aussi, et nous le devons sans doute à nos stations de sports d’hiver, de toute l’Espagne et de tout le Portugal. L’Europe du Nord et les autres destinations mondiales sont de plus en plus présentes. Tout indique que l’hiver andorran est un must !

CC : La proportion touristes / population est impressionnante…

JMJ : 80 000 Andorrans pour 9 millions de touristes, qui répondent à des motivations très diverses, allant du tourisme vert au tourisme bleu, du tourisme culturel au tourisme blanc. Voilà qui crée les conditions d’une diversité généralement réservée aux villes-monde. C’est un de nos paradoxes. Ce qu’il faut bien avoir à l’esprit, c’est que quelle que soit la motivation de base, la culture est toujours une valeur ajoutée qui peut compléter tout le reste et prémunir contre les journées contrariées par le climat ou rendues harassantes par la foule des magasins.

CC : Si je vous demande de définir l’identité andorrane en seulement trois mots…

JMJ : C’est difficile, je réfléchis un peu… Rires… Je dirais : tradition, intégration, innovation.

CC : Voilà qui mérite une petite explication de texte…

JMJ : Alors… La tradition parce que l’Andorre a une histoire très longue, une histoire médiévale très particulière qui lui a valu une indépendance relative unique, une dualité laïque et religieuse puisqu’elle avait pour coprinces le roi de France et l’évêque de la Seu d’Urgell, et un isolement quasiment total pendant plusieurs siècles. La tradition, aussi parce que nous possédons un art roman magnifique et primitif, des institutions venues du Moyen-Âge, et un patrimoine paysan et naturel hors normes. La tradition parce qu’aujourd’hui, nous nous parlons en catalan. Ensuite, l’intégration, parce que comme tout petit pays, l’Andorre a eu besoin d’énergies et de main d’œuvre venues d’ailleurs et a donc très largement ouvert ses portes ce qui a fait évoluer les mentalités et conduit à une population panachée, très mélangée, qui a porté à bout de bras la nouvelle société basée sur le tertiaire, le commerce, l’hôtellerie, le ski. SI nous avons pu changer de modèle, c’est d’abord parce que nous avons mis fin à notre isolement, bâti des logements et des nouveaux quartiers, su capitaliser des enseignes internationales. Cette Andorre moderne n’aurait pas pu voir le jour avec les seuls autochtones. Enfin, l’innovation, c’est de savoir se réinventer à la lumière des évolutions. Aujourd’hui nous sommes un petit état indépendant qui utilise l’euro, nous sommes une économie intégrée qui a su se doter d’outils sociaux modernes et avancés, nous sommes en fait un petit pays qui a tout d’un grand et même davantage car il a su rester à taille humaine. L’Andorre regarde vers l’avenir et son lot de nouvelles technologies, mais elle ne perd pas de vue le réalisme paysan et le respect des forces de la nature qui lui ont permis de survivre. Oui, Tradition – Intégration – Innovation. Je crois que tout est là.

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