01 Juin Les chemins enchantés de l’Abat Oliba
A pied ou en voiture, de Montserrat à Elne, en passant par les plus grandes abbayes romanes, les chemins de l’abat Oliba vous donnent les clefs de la Catalogne médiévale : une grande nation.
Les « chemins de l’Abat Oliba » vous proposent un voyage au cœur de la Catalogne de l’an mil, dans le sillage de l’immense figure tutélaire de l’Abbé Oliba, comte, abbé, évêque, personnage dont l’influence fut largement européenne et qui fut, à bien des égards, l’acteur de la naissance de la Catalogne. L’œuvre de cette immense personnalité s’est étendue de part et d’autre des Pyrénées, puisqu’il fut, outre un fils de la maison comtale de Catalogne née à Ria, abbé de Saint Michel de Cuixà et de Ripoll, évêque de Vic et fondateur de Montserrat !
Des chemins au cœur de la Catalogne comtale
Ces chemins de l’Abat Oliba, financés par la Communauté européenne dans le cadre d’un projet Interreg « Oliba fondateur de l’Europe », sont portés par la Generalitat de Catalogne, le Conseil général des Pyrénées Orientales, l‘association culturelle de Cuixà et le Consortium Ripollès de Desenvolupament. Il s’agit de vous faire connaître les lieuxoù vécut et travailla Oliba selon deux itinéraires distincts, l’un à pied, le long d’un sentier de randonnée qui unit Montserrat à Saint Michel de Cuixà et Saint Martin du Canigou, l’autre en voiture. Dans les deux cas, vous pourrez découvrir les lieux, paysages et monuments les plus représentatifs du patrimoine matériel et immatériel des anciens comtés catalans, dans le sillage inspiré d’une sommité médiévale. Catalane et universelle.
Qui est l’Abat Oliba ?
L’Abat Oliba fut une immense figure du Moyen-âge dont le rayonnement, l’influence et la notoriété, dépassent largement à l’époque comme aujourd’hui, les limites de la Catalogne. Il en fut pourtant le père fondateur, capable de cristalliser le génie populaire et de faire converger les arts pour donner naissance à l’art roman, de fonder puis peupler des abbayes de grands esprits du temps, de fédérer hommes et énergies autour de concepts transcendants et innovants comme la Trêve de Dieu. Avec l’Abat Oliba, la Catalogne s’est construite autour de traits identitaires uniques qui la fondent en tant que vieille nation chrétienne européenne et expliquent dans une large mesure la spécificité de son évolution ultérieure.
Opposé à la guerre
En 1011, Oliba obtient, de haute lutte, une audience auprès du pape Serge IV qui place par bulle expresse ses abbayes et les terres qui en dépendent, sous la protection directe du Vatican. C’est la première pierre d’un édifice qui va peu à peu, à partir de la Catalogne, réguler l’ensemble du monde féodal européen. Peu à peu, Oliba élabore une doctrine à la fois complexe et imparable : la Paix et Trêve de Dieu. En 1022, Oliba propose pour la première fois ce concept révolutionnaire à ses pairs réunis en synode à Elne. Le texte correspondant sera proclamé et ratifié en 1027, lors d’une assemblée tenue à Toulouges. Le texte fonctionne à deux vitesses. La paix de Dieu consistait à faire des églises un refuge inviolable pour les fugitifs, concept qui prévalut dans toute l’Europe pendant des siècles. La Trêve interdisait les guerres et les conflits pendant des périodes déterminées, considérées comme liturgiques, au départ du samedi soir au dimanche soir, soit le jour du seigneur. Cette première pierre fut la base d’une extension de la Pau i Treva décidée lors de différents synodes. Celui de Vic, présidé par Oliba lui-même en 1033, étendit l’interdiction de guerroyer du jeudi au dimanche. Cette fois, la protection englobait les paysans et leurs maisons, le tout, sous peine d’excommunication pour tous ceux qui nobles ou non, enfreignaient l’interdiction. Peu à peu, l’Europe entière s’empara de l’idée qui constitua ainsi un progrès décisif au cœur d’un Moyen-âge certes troublé et belliqueux, mais profondément pieux et en proie aux superstitions.
La culture pour arme
La Catalogne constitue à l’époque une véritable zone tampon entre l’Islam et la Chrétienté et sa frontière fluctue au gré des razzias et des reculs des lignes de front. Ses abbayes recueillent donc logiquement les bienfaits d’une capillarité constante avec l’état des connaissances scientifiques du monde musulman. Les scriptoria catalans, où l’on copie, traduit et enlumine parchemins et manuscrits, sont des laboratoires de pensée, à la fois pionniers et prestigieux. Celui de Ripoll, sans doute le plus brillant d’occident, permit ainsi à l’Europe d’adopter la numération arabe, jusque-là inconnue, le concept du zéro appelé à conditionner la totalité des progrès scientifiques, ou encore l’astrolabesans lequel aucune conquête maritime n’eût été possible.
Bâtir pour laisser trace
Au-delà de son œuvre intellectuelle et d’une certaine manière intemporelle, Oliba fut aussi un bâtisseur, et surtout un grand promoteur de l’art roman qu’il contribua tant à implanter, qu’il est devenu un élément distinctif des paysages catalans, avec ses clochers lombards élancés. Il transforma totalement Sant Miquel de Cuixà dont il fit la merveille que l’on connaît, mais aussi Saint Martin du Canigou, avant de décider de la construction du nouveau siège de l’évêché d’Osona, la cathédrale Saint Pierre de Vic, malheureusement détruite pour laisser place à une nouvelle église au XVIIIe siècle. Il n’en reste aujourd’hui que le clocher de 46 mètres et la crypte en demi-cercle à trois nefs. Pourtant, malgré leur splendeur, ce ne sont pas ces églises et abbayes qui feront sa célébrité, mais une autre, celle de Montserrat.
Père de la nation
En 1025, Oliba fonde le monastère de Montserrat, qui dépendit de celui de Ripoll jusqu’en 1409. Il parvint de haute lutte à acquérir la totalité de la montagne auprès de ses parents et alliés de la maison de Barcelone. Il lui fallut pour ce faire, retrouver une bulle papale portant le sceau du pape Serge, attribuant ces terres âpres et rocheuses au monastère de Ripoll. Oliba put ainsi envoyer des moines de Ripoll sur place, pour donner naissance autour de cette communauté, à une nouvelle entité, un monastère appelé à devenir le phare identitaire de tout un peuple, et son symbole de résistance.
La grandeur de la Catalogne
Tandis que les comtes catalans se consacraient à créer des châteaux de défense le long du Llobregat, à la limite de la vieille et de la nouvelle Catalogne, Oliba entama de son côté la construction de forteresses à la frontière de son propre évêché de Calaf à Queralt. En 1003, Manresa avait été rasée et ses habitants faits prisonniers par les troupes de Abd-al Malik. Pendant des années, elle resta à l’état de ruine, mais en 1020, Oliba demanda solennellement aux comtes de Barcelone et à d’autres grands aristocrates de bien vouloir faire une donation pour que la ville puisse être reconstruite et son patrimoine protégé. Il avait fait de même à Cardona un an auparavant, obligeant le Vicomte d’Osona à restaurer à ses frais l’église de Sant Vicenç. Il semble bien que l’Abat Oliba ait eu en tête l’émergence d’une nation pourtant encore embryonnaire et que tous ses efforts aient porté vers son renforcement.
Un esprit génial
Audacieux et pugnace, le grand Oliba le fut dans tous les domaines : il fut un diplomate averti et retors, capable d’entraîner dans son sillage la hiérarchie ecclésiastique respectueuse de sa rectitude aussi bien que l’aristocratie catalane dont il était issu ; un bâtisseur visionnaire qui comprit que le maillage de ce qui allait devenir la Catalogne revenait aux abbayes, fer de lance de la lutte contre l’Islam mais aussi, et c’est très important, point d’échange et de rencontre avec la religion musulmane et la civilisation berbère et arabe; un amoureux des arts, qui prit la mesure de l’art roman, de sa dimension de sublimation et de sa force spirituelle; enfin, un homme de paix, capable d’aller contre les habitudes et privilèges de son rang, au nom de principes éthiques supérieurs et de mettre Dieu au service de la protection des plus démunis…
Des chemins du sud au nord, du nord au sud
Dans le sillage du génial abbé, vous découvrirez au nord, la beauté singulière d’Elne et de son ensemble cathédral, vous vous recueillerez à Toulouges où naquit la démocratie occidentale, avant de connaître la sublime sérénité de Cuixà et le choc de l’abbaye des neiges au cœur du Canigou. Après la traversée du Vallespir et du Col d’Ares, vous pourrez visiter l’abbatiale de Ripoll et son scriptorium, Sant Joan de les Abadesses et arriver à Vic en traversant Santa Maria de Bisora ou Sant Pere de Torelló puis à Montserrat. Au total, vous aurez parcouru au nord: le Roussillon, le Riberal, le Conflent, le Vallespir et au sud : le Ripollès et l’Osona, c’est-à-dire la Catalogne du temps d’Oliba,avec ses incroyables abbayes, ses fortifications, ses ponts, mais aussi ses avancées philosophiques et culturelles. Pour vous accompagner, n’oubliez pas de télécharger le guide, très complet sur www.gencat.cat !
L’abat Oliba fut une des grandes clartés du Moyen-âge, capable de s’élever au-dessus des limites morales et sociétales de son temps, pour inscrire son œuvre dans l’éternité, par le texte et la pierre, par l’histoire et la foi. Humain, capable à l’occasion de vengeance et d’alliances douteuses, ambitieux, austère, l’Abat Oliba fut avant tout une immense intelligence. Il reste la figure dominante et tutélaire de cette Catalogne qu’il a portée sur les fonts baptismaux, fortifiée, édifiée et dans une large mesure contribué àcréer, en la dotant d’un imaginaire à partager, le long de ces chemins passionnants.
DE TORO Claude
Posted at 12:10h, 11 septembreJ’habite Toulouges, et j’ai un projet autour de l’abbé Oliba qui pourrait s’inscrire dans les chemins enchantés de l’abbé.
Qui dois je contacter pour avoir de l’aide à le réaliser ?
MERCI