02 Avr Sant Feliu de Guíxols : Culture, patrimoine et farniente sur la Costa Brava
A 30 km au sud-est de Girona, sur la Costa Brava, Sant Feliu de Guíxols est une petite ville dynamique toute l’année. Pétrie d’un riche passé maritime et industriel, elle chérit un patrimoine remarquable… Le tout sur fond de criques et de plages.
Quelques oursins bien frais, une coupe de Cava, un doux soleil printanier et la Méditerranée en fond de tableau. Il n’en fallait pas plus pour combler les hédonistes qui ont répondu à l’appel de la fête de l’oursin de Sant Feliu de Guíxols, et qui savourent maintenant la pêche du jour, attablés sous les platanes et les pins du front de mer.
« La gastronomie nous enchante ! »
Des animations comme celle-ci, on en trouve toute l’année dans cette ville de la Costa Brava, située au sud-est de Girona. Et c’est ce qui fait son charme, comme l’expliquent avec passion José-Maria et Pilar, en plein bain de soleil sur un banc du port de plaisance. José-Maria et Pilar vivent à Barcelone et ont une résidence secondaire ici depuis douze ans. « Ce matin, nous nous disions justement que nous pourrions vivre ici facilement, explique Pilar. Culturellement, ça bouge. Il y a des festivals, des expositions, des concerts,… Et la gastronomie nous enchante ! ». « Pour
nous, Sant Feliu, c’est spécial, renchérit José-Maria. Ce n’est pas comme les autres villes de la Costa Brava. Il n’y a pas autant de discothèques, c’est tranquille, très familial ». Le couple de Barcelonais a même pris le parti de bouder la capitale catalane pour son shopping. « A Barcelone, lorsque vous allez faire vos courses, c’est totalement déshumanisé, argumente José-Maria. Ici, les gens sont agréables, très accueillants, ouverts ». « Certains commerçants sont presque devenus des amis, renchérit sa femme. On passe, on discute, même si on n’a rien à acheter ».
« Le cœur de la Costa Brava »
Sant Feliu de Guíxols ne serait donc pas une coquille vide hors saison. Sans doute est-ce parce que la ville compte tout de même 22 000 habitants à l’année. Mais aussi parce que, historiquement, elle a toujours eu une activité économique importante. « Sant Féliu de Guixols, c’est en quelque sorte le cœur de la Costa Brava et du Baix Empordà, raconte José-Maria. Elle a toujours été une cité importante. Le port était essentiel aux échanges et au XIXe siècle le chemin de fer a été amené jusqu’ici ». De fait, la pêche, le commerce maritime, l’industrie navale et le liège ont fait vivre la ville, jusqu’à l’avènement du tourisme. Réservé aux classes sociales élevées au début du XXe siècle, il s’est élargi aux classes moyennes et largement aux étrangers, depuis les années 50-60. En témoignent les voiliers alignés face à nous.
Yachts et llaguts
Mais, à deux pas de là, la présence de llaguts à même le sable rappelle que Sant Féliu n’a pas perdu son âme pour autant. Ces petits bateaux traditionnels catalans portent les doux noms de l’Avi Vado » ou « l’Avi Hilari » (« avi » pour « grand-père »). Mais c’est derrière nous, de l’autre côté du « fortim », le fortin, que se cache le port le plus authentique : le port de pêche. Pour le découvrir d’en haut, nous grimpons une allée bordée de pins, le « passeig del fortim », qui monte face à un restaurant creusé dans la roche, El Corsari. En haut, une bâtisse rouge surplombe les environs. Il s’agit de la Caseta del salvament de nàufrags, la maison du sauvetage de naufrages. Ce bâtiment construit en 1897, pour héberger les naufragés et entreposer le matériel, est aujourd’hui une annexe du musée d’Histoire de la ville, dédiée à l’histoire du sauvetage en mer.
Petit port de pêche
En faisant le tour de la bâtisse, nous découvrons une vue plongeante sur le petit port de pêche, construit dans une incurvation naturelle de la côte rocheuse. Ses petits chalutiers bleus et blancs, ainsi que les bouées et filets entreposés sur les quais évoquent la grandeur passée de l’économie de la pêche. En refaisant le tour de la caseta, nous découvrons la vue sur la baie de Sant Feliu, avec son grand port, dans lequel se joue maintenant une course de maquettes de voiliers. Surprenant spectacle que ces minuscules coquilles de noix, tirant des bords et passant non loin des vrais bateaux. Pour découvrir l’une des plus belles vues sur Sant Feliu de Guíxols, nous nous rendons à l’Ermitage Sant Elm, sur la colline d’en face, de l’autre côté de la baie. Depuis la terrasse de l’ermitage, on découvre, au milieu des pins, cette ville entre mer et forêts de chênes verts, coiffée par les massifs des Gavarres et de l’Ardenya. C’est un ensemble blanc et rouge de murs et de toits très serrés, qui part du littoral et fond sur la vallée, la remontant jusqu’aux collines.
Un belvédère sur la Méditerranée
Depuis le belvédère, c’est la vue sur le littoral que l’on découvre, ébahi par tant de charme. Le bleu de la Méditerranée, si profond au grand large, se fait turquoise et translucide à l’approche de la côte, plusieurs dizaines de mètres en contrebas. Un yacht et un petit voilier ont jeté l’ancre côte à côte et cohabitent paisiblement, se laissant bercer doucement par les flots. Le littoral est grignoté, fait de roches escarpées et de criques que l’on devine tapies sous les pins. En contrebas, un sentier ponctué de belvédères domine les criques dels Frares, dels Penjats et de Port Salvi, ainsi que la Punta de Garbí.
Balade de crique en crique
Routes des belvédères ou chemins de ronde, plusieurs circuits pédestres ont été aménagés pour découvrir la splendeur de la côte. Le sentier incontournable est la « Ruta de Mirados 2 », qui, en moins de 3 km, relie la Cala del Molí, à l’est du port de pêche, à la seconde partie de Sant Feliu : la plage et le quartier de Sant Pol, en direction de S’Agaro et Platja d’Aro. Ce sentier bien aménagé longe le front de mer, domine les petites plages et les blocs de granit qui plongent dans la mer, offrant au littoral une incroyable teinte entre l’ocre et le rose. La Méditerranée lèche cette côte de sable fin, de tout petits graviers polis et de rochers monumentaux, offrant à la Costa Brava des airs de côte Atlantique, l’intensité des couleurs en plus. Du côté de la Cala Ametller, on est tenté de descendre prendre un bain. La largeur de la crique, d’une dizaine de mètres en tout et pour tout, offre la formidable sensation d’être seul au monde. Ce littoral se découvre aussi sur l’eau, en kayak de mer, en bateau ou en planche à voile… Mais aussi en pédalo, canoë ou vélo aquatique ! Les loueurs sont nombreux et proposent toute une panoplie de formules, du cours de voile à la sortie avec ou sans skipper, de la location simple de matériel à l’excursion touristique en mer.
Futur parc naturel marin
Trois centres de plongée proposent également de découvrir la vie sous-marine. Car cette côte rocheuse, parsemée de recoins et de grottes – les grottes dels Mussols et des Rates Penades se trouvent en contrebas du sentier -, abrite une faune et une flore importantes, au cœur d’un projet de parc naturel marin. A hauteur de la bien nommée Cala del Peix (crique du poisson), quelques pêcheurs semblent rêvasser, canne à la main, assis sur les rochers. D’ici, la vue se dégage sur la baie de Sant Pol… Un paysage de carte postale, en cette lumière ocre de fin de journée. Le charme des constructions blanches partiellement cachées derrière la végétation est éclipsé par la splendeur de la Casa Estrada, une sorte d’incroyable petit château de conte de fées situé en front de mer. A Sant Pol comme sur le front de mer de Sant Feliu, plusieurs autres villas d’architecture moderniste et « noucentiste » ont été bâties au tournant du XIXe et du XXe siècle.
Le casino des ouvriers
Retour sur la promenade de Sant Feliu… On ne peut qu’admirer le faste déployé par le casino La Constància, avec son ton abricot et ses arcades arabisantes. Cette bâtisse datant de 1889, était plus connue sous le nom de « casino dels joves » (casino des jeunes). Une population d’ouvriers, de pêcheurs et de petits bourgeois libéraux s’y mêlait, contrairement à l’autre casino de la ville, fréquenté des bourgeois conservateurs. A deux pas de là, la façade de casa Patxot, actuellement chambre de commerce, mériterait un petit rafraîchissement. Elle représente un élément important de l’architecture catalane, entre pointes de classicisme, modernisme et noucentisme. En prenant du recul, on découvre une belle coupole sur sa toiture… Il s’agit d’un ancien observatoire astronomique. En flânant sur la promenade et dans les ruelles du cœur de ville, on découvre bien d’autres bijoux architecturaux, à l’image du Mercat Municipal, le marché couvert, construit en 1929 pour apporter de l’hygiène à la vente des poissons, qui se faisait jusque-là dans la rue. Mais ne quittez surtout pas Sant Féliu sans découvrir son monastère bénédictin.
Monumentale Porta Ferrada
La bâtisse, pourtant monumentale, semble presque éclipsée par la Porta Ferrada, un immense portail en pierre datant du Xe siècle. Le monastère héberge un musée d’histoire recelant des trésors : fragments de poteries des environs du Ve siècle avant Jésus-Christ, bas-reliefs du XVIe siècle, énormes livres du Moyen-âge,… Le musée héberge aussi des expositions sur l’historique des métiers de la mer, du liège, de la médecine, et un espace d’art devrait bientôt voir le jour. Mais, ce que l’on admire par-dessus tout, c’est le circuit des tours. De couloirs étroits, en passages à ciel ouvert, d’escaliers raides, en multiples recoins, on progresse dans ce site austère en éprouvant un profond respect pour tant de technicité et de sueur mêlées. Depuis le toit de la Torre del Fum, bâtie au Xe siècle pour alerter la population par signaux de fumées, on découvre une vue imprenable sur la ville. Une ville faite de trésors architecturaux mêlés aux constructions modernes, une ville qui a choisi de prendre un virage touristique mais qui conserve une âme d’antan.
La ville des chants de taverne
Miquel Pedrol, le chanteur du groupe de havaneres La Taverna, est parmi ceux qui en parlent le mieux. « Sant Feliu était une ville de pêcheurs et d’ouvriers du liège… Elle s’est orientée vers le tourisme. Cela l’a un peu dénaturée, mais malgré tout, nous l’aimons telle qu’elle est. Pour ma part, je suis un amoureux de ma ville », glisse-t-il. Les airs que Miquel interprète, sont des « cants de taverna », des chants de taverne. « La grande tradition de chanter des havaneres à Sant Feliu a commencé dans les tavernes, raconte-t-il. Les pêcheurs, les cheminots, les ouvriers, s’y racontaient leur journée de travail… Et tout cela se terminait toujours par des chants ». Un esprit de fête, de partage, et d’ouverture sur le monde. Un esprit de ville portuaire en somme… Ce serait donc cela, l’âme de Sant Feliu de Guíxols.
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