03 Déc Les bars “barrés” de Barna
Peret, le père de la rumba catalane disait que Barcelona était puissante. Il n’avait pas tort. La capitale catalane le prouve à tous les niveaux. Et comme si la nuit la rendait encore plus puissante, Barna s’offre en permanence des lieux décalés. Volontairement hors normes. Des bars où flottent de singulières ambiances, où pétillent de drôles de décors. Cap Catalogne vous fait découvrir ces lieux magiques où lennui est banni.
Le jour, on ne les devine même pas. Parce qu’ils n’existent que la nuit. A Barcelona, une multitude de bars et autres comptoirs se disputent la nuit tombée. Parmi eux, Avesta. Ni plus ni moins qu’une caverne construite sous forme de labyrinthe asymétrique d’un kitsch absolument ostentatoire ! Ici, rien n’est assorti, tout est dissonant. Là, une collection de papillons, plus loin des cadres aux symboles douteux. Vieux bois, peintures défraîchies. Il faut se trouver une chaise taillée dans un tronc d’arbre avant de goûter à l’absinthe de la maison ou au fameux « lait de panthère », un cocktail typique des années 70 en Espagne, mélange de lait, de liqueur, de blanc d’œuf et de cannelle. Servi avec de la glace pilée ! Selon les connaisseurs, c’est à l’Avesta que l’on passe les meilleurs tubes du pop rock espagnol des années 80. C’est en tout cas un de ces guets-apens qui abolit instantanément toute notion d’espace-temps, tant toutes les catégories socio professionnelles aiment à s’y retrouver jusqu’au bout de la nuit. Dans le même esprit pêle-mêle, Sor Rita, situé au 27 Mercè, dans le Barri Gotic, dépasse Avesta. Sor Rita, un diminutif qui en espagnol désigne les femmes tête en l’air, attire les partisans de la bande à part. Une sorte de bulle aurait-on presqu’envie de dire où règne le n’importe quoi. Même Pedro Almodovar serait surpris par tant de folie. Au plafond, des talons aiguilles renversés. Aux murs, des tapisseries géantes d’icones comme Diana Ross, Abba ou encore Boy George. Et de-ci de-là, une ribambelle de bondieuseries, nonnes alcooliques et vierges furibardes y compris. Sans oublier la collection de perruques rétro qui donne lieu à de mémorables soirées où l’on se presse pour les enfiler et se laisser prendre en photo.
Parce que Barcelona compte un secret à chaque coin de rue, si vous voulez vivre cette ville comme un explorateur de jungle, en traquant les murs du fond, les impasses en biais, ce n’est qu’à cette condition que vous tomberez sur la surprise majuscule. En l’occurrence, O’Barquino, situé rue du princep de Viana, juste derrière les Tres Tombs. Un bar « cheap » à première vue. Comptoir en métal, tables en formica, jeu de dominos et serveur d’un autre temps… Mais encore ? O’Barquino mérite que l’on ose monter à l’étage. De préférence un samedi ou un dimanche à partir de 21 heures. Troisième dimension garantie ! La salle est comble. Remplie de couples hors d’âge qui font écho aux photos de stars de la chanson qui n’ont jamais brillé… Ici on chante, on danse, on boit. Sans complexes. Avec un naturel et une spontanéité rares qui font que l’on se sent un peu comme à la maison. Une ambiance qui tue la morosité, et s’invente des familles d’un jour. Unies et réunies. Simplement. Merveilleusement.
Carrément plus rock’n’roll, The Bollock’s Bar, situé carrer Ample. Avec sa déco parfaite, sa bière pas chère, ce bar-là transporte direct vers l’époque Guns N’Roses. On y croise des copies d’Iron Maiden et autres figures du genre.
Affiches de concerts, bécane suspendue au plafond, esprit biker es-tu là ? Il y a un peu de ça dans cet estaminet où toujours les chips accompagnent la bière. Beaucoup plus recueillie, l’ambiance de La Chapelle, située carrer Muntaner dans l’Eixample. Tout petit et particulièrement étroit, ce lieu où l’on vient boire un verre justement pour le côté atypique, attire un monde fou. Il faut donc jouer des coudes pour espérer commander un verre. Parce qu’il est désormais de notoriété publique que c’est à la Chapelle que les boissons sont les moins chères du secteur. Peut-être qu’une prière exaucera votre vœu d’une attente raccourcie au bar. Car ici, on est sous haute surveillance des Vierges Marie et autres chapelets qui décorent les murs de pierre.
Pour terminer ce tour des bars hors des sentiers battus, osez pousser le bouton de l’interphone du Pipa Club, au numéro 3 de la Plaça Reial. Ici, pas d’enseigne, c’est l’esprit no-logo qui règne. Attention, lieu ultraconfidentiel. A peine quatre lettres manuscrites griffonnées sur une pauvre étiquette apposée à la sonnette: Pipa. Une porte cochère qui s’ouvre comme par l’opération du Saint Esprit, un vieil escalier qui mène au premier étage. La porte est entrebaillée. Là, un appartement d’un autre temps. Avec son couloir étroit, son dédale de pièces, son bar en bois massif. Aux murs, des affiches de films de détectives, quelques portraits de fumeurs de pipe célèbres. A mi-chemin entre un débit d’alcool des années de la Prohibition et le bureau de Sherlock Holmes. Atmosphère clandestine garantie dans ce bar insoupçonné avec vue sur la Plaça Reial. Dans ce club très privé du quartier gothique, jadis réservé aux fumeurs de pipe, on vient prendre un verre, s’offrir une partie de billard, profiter de la musique lounge et s’étonner de la simplicité des rencontres faites au hasard d’un couloir. Le Pipa Club est ouvert du lundi au jeudi de 22h à 2h, le vendredi et samedi de 22h à 5h du matin. Le bouche à oreille ayant fait le reste, mieux vaut arriver assez tôt. Car ici, les places sont chères. C’est d’ailleurs ce format réduit et cette délicieuse intimité qui confèrent au lieu un charme aussi désuet qu’indéfinissable.
Bien plus que de simples établissements où boire de l’alcool. Des lieux de partage, de vie sociale, d’échanges comme autant de défis relevés dans un monde souvent uniformisé de chaînes et de franchises qui se ressemblent toutes.
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