01 Août Ametlla de Mar
A deux pas du delta de l’Ebre, l’Ametlla de Mar se love autour de sa baie pour mieux accueillir au retour plaisanciers et pêcheurs : magique.
Si vous aimez les flash-back et les images un peu sépia, l’Ametlla de Mar est pour vous. Ce charmant port qui allie nautisme, pêche et villégiature a su grandir sans se perdre et sans rien céder aux sirènes de l’offre de masse.
Pêcher n’est pas pêché
Résultat, un authentique village de pêcheurs, au modeste patrimoine (le village n’est né qu’au XVe siècle). Tout au plus, note-t-on les vestiges d’un fort censé résister aux attaques barbaresques extrêmement fréquentes sur ces côtes méridionales. Il n’en subsiste que quelques ruines désossées tout près d’une forteresse de 1750, quand le destin de la Catalogne était déjà joué, ici comme ailleurs. Le parc maritime de l’Ametlla est l’un des plus importants de Catalogne, autant par la quantité de ses thoniers, chalutiers et autres petits métiers que par le volume de poissons capturés. Il est vrai que l’endroit est l’un des mieux protégés de la côte catalane, les abris naturels y sont innombrables, et ont de tout temps favorisé les sorties des marins. Le soir, au retour des bateaux de pêche, une véritable noria se met à danser sur les eaux tranquilles de la baie, un ballet impeccablement chorégraphié et clôturé par une criée à la fois ultramoderne et ancrée dans la légende des siècles, qui est un vrai spectacle.
Voies vertes et bleues
Dès les années 60, la reprise économique due au développement du tourisme, seule réussite de la dictature franquiste en mal de devises, commence à attirer dans le charmant port en forme de coquillage à la fois des résidences secondaires d’estivants venus d’autres régions de l’Etat espagnol, et notamment, de toute la Catalogne, mais aussi une population européenne que la proximité du delta de l’Ebre enchante. Le Yacht-club devient ainsi l’un des plus chics de la côte, avec ses 225 anneaux mais n’empêche pas, à la faveur de la démocratisation du nautisme, la naissance de grands ports de plaisance au Port Calafat (404 anneaux) et au port Sant Jordi d’Alfama, pour ne pas parler des mouillages naturels, et notamment du plus grand d’entre eux à l’Estany. Qui dit port dit plage, et là, l’Atmella fait carton plein ! Ses 16 kilomètres de côtes sont une succession sans fin de criques de toutes tailles et de toutes formes, surplombées de falaises abruptes ou bordées de plages douces, où s’accrochent les restes des chemins de ronde d’autrefois. De rares pins parasols s’agrippent aux roches brunes, leur silhouette torturée par le vent dans des eaux obstinément turquoise. Pour y aller, deux solutions comme toujours en Méditerranée : la randonnée terrestre sur les chemins de ronde avec leurs accès vertigineux aux criques les plus belles, et leurs vestiges de fortifications ou l’arrivée en bateau, avec son panorama à couper le souffle. Quoi qu’il en soit, le résultat est toujours le même, une plongée vivifiante dans le grand bleu et dans un cadre d’une rare beauté et d’une tranquillité presque sans égal, eu égard à l’étendue de la commune. Ici, tout le monde peut trouver son coin de paradis et jouer les Robinson d’un jour avec l’illusion réelle d’être seul au monde. Un luxe inappréciable.
Un urbanisme maîtrisé
Les habitants de l’Ametlla de Mar semblent avoir voulu arrêter le temps. Les gros programmes immobiliers y ont toujours été refusés par la population, soucieuse de préserver son cadre de vie ancestral. Bien sûr, il a fallu répondre à la demande légitime des visiteurs tombés amoureux de l’endroit, mais cela s’est fait en douceur et avec classe. Autour du noyau urbain, plusieurs grosses urbanisations bien orchestrées ont vu le jour, telles « Les Tres Cales », « Calafat », « Sant Jordi d’Alfama » ou, « Roques Daurades », et d’autres plus petites, notamment la « Nova Cala’ » ou « L’Hidalgo ». Tout a été conçu dans le respect des traditions architecturales et du cadre naturel, et rien jamais, ne vient offenser l’œil. A noter ces charmants chalets ou ces hébergements en gîtes ruraux proposés aux vacanciers qui offrent une alternative des plus intéressantes aux hôtels (dont un quatre étoiles), campings ou appartements. Si l’Ametlla s’est ouverte au tourisme, son âme de village de pêcheurs ne l’a jamais quittée, sa tradition d’accueil non plus. Ici, commerçants et villageois ne voient pas le tourisme comme une manne, mais comme une évolution de la vie. Alors, population et visiteurs vivent côte à côte, dans le plus profond respect mutuel et cela se sent dans la décontraction tranquille des serveurs en terrasse et dans la volonté d’intégration des touristes soucieux de rendre au centuple la chaleur de l’accueil dont ils font l’objet.
Nés de la baie
L’identité de cette petite ville, fondée par et pour les pêcheurs est donc étroitement liée à la Méditerranée. L’ombre des pionniers qui ont transformé la Cala (la crique) en L’Ametlla est toujours présente. Les habitants de la ville ne s’appellent-ils pas « caleros » (nés de la baie). Ici le mélange des eaux, adoucies par la proximité du delta de l’Ebre a donné naissance à des espèces endémiques, et elles sont un paradis pour la sardine, l’anchois, le bar, le poulpe, la dorade, le thon ou encore la langouste. Un petit conseil, ne dédaignez pas la plongée : ici les fonds sous-marins sont d’une beauté à couper le souffle, de grands champs de fleurs où s’ébattent des centaines de poissons colorés : le spot est particulièrement prisé des spécialistes.
Marcher vers le bleu
Pour ceux qui n’ont pas le pied marin, il reste la promenade, ici les criques offrent le meilleur but de randonnée qui soit. Dix chemins pour marcheurs ou vététistes sont proposés. Sans les citer tous, des plans très complets, détaillés et explicatifs, sont disponibles à l’Office du tourisme, nous en avons retenu trois, parmi les plus courus. A commencer par le célèbre chemin de ronde appelé « Cami de Moros i Cristians », (chemin des Maures et des Chrétiens). Cette randonnée pédestre va de l’Ametlla de Mar à l’Almadraba. Elle couvre 12 kilomètres de côtes qui correspondent au GR-92. Un niveau moyen, un dénivelé de 120 mètres et pour 3h15 de promenade, un panorama superbe et la découverte des vestiges médiévaux laissés par les chevaliers de Saint Jordi sont au programme. La randonnée suivante est plutôt conseillée aux adeptes du VTT, elle va de l’Ametlla de Mar à Puig Molto. Elle a pour nom : « Les champs et les mers des pêcheurs », 8 kilomètres environ qui permettent de parcourir oliveraies, pinèdes, passage par le port et par les criques qui invitent à la baignade. Elle présente un niveau moyen et une altitude de 250 mètres (haut en certains endroits). Terminons la sélection par le chemin « Où les pins séduisent la mer » : une randonnée de niveau moyen, partant de l’Ametlla pour rejoindre la Cala de l’Aliga, qui suit la côte sur 9 kilomètres. Le promeneur y découvrira en un peu moins de trois heures, l’ancienne tour de guet, le port naturel de l’Estany et bien entendu plusieurs petites plages et criques, toutes plus attirantes et plus belles les unes que les autres.
Les dieux du palais
Beauté et tranquillité du site ne sont pas, comme on l’a déjà compris, les seuls atouts de L’Ametlla. Un village tourné vers la mer, dont la pêche est toujours la première activité, réserve forcément quelques merveilles gastronomiques. Poissons et fruits de mer ont-ils ici une saveur particulière ? Il semble bien que oui. La fraîcheur, sans doute, encore qu’elle ne soit pas l’apanage de ce seul village. La pureté de la mer ? Comme dans d’autres endroits, alors ? N’oublions pas la proximité du Delta de l’Ebre. Les eaux riches du fleuve, le mélange d’eau douce et salée, la variété de l’alimentation des poissons, sont très certainement l’un des facteurs à prendre en compte. Chaque produit vendu aux halles ou conquis de haute lutte à la criée offre une saveur particulière et exquise.
Le poisson en majesté
Quelques heures à peine suffisent à un poisson pour quitter le filet qui l’a capturé et se retrouver dans vos assiettes. Loups, lottes, anchois, sardines, thons se transforment ainsi en mets savoureux, simplement saisis à la planxa et nappés de l’huile d’olive du pays d’un vert presque émeraude. Et que dire de ces énormes daurades, de ces crevettes à la chair ferme et des poulpes et calamars tendres à souhait. Sans oublier les coquillages venus du Delta de l’Ebre, et notamment les huîtres, charnues et salées, délicieusement fines. Les spécialités locales comme les « suquets », ces merveilleux ragoûts de poissons ou les « arrossejats », ces plats de riz aux poissons et fruits de mer sont sublimes. Le roi est sans nul doute l’arros negre, le riz cuisiné à l’encre de sèche, doublement autochtone, puisque son riz, aux grains translucides et ronds, est cultivé à quelques encablures à peine, dans les rizières du delta… Quant aux desserts, les gourmands apprécieront les « bots », ces petits gâteaux en forme de canot ou les coques locales, ces petites galettes à la crème et aux fruits secs. A deux pas du pays valencien, l’influence arabe se fait sentir dans l’utilisation du miel et de l’huile d’olive. Plonger, caboter, nager dans la mer. Marcher, faire du vélo à fleur de plage le long des chemins de ronde. Déguster la gastronomie locale après avoir assisté à la criée. Bronzer dans les criques ou aux terrasses de café. Le programme est déjà dense. Ajoutons-y un peu de culture, avec le Musée de la Céramique Populaire qui rend hommage à l’un des artisanats les plus caractéristiques de Catalogne, l’un des plus nobles aussi, venu du fond des temps, lié à la maîtrise du feu.
La Méditerranée, toujours
Le musée est installé au milieu des pins, des caroubiers et des oliviers, comme pour souligner davantage encore son ancrage méditerranéen et le rapport intime de la céramique et de la terre. Sur deux étages, 1 500m2 abritent une gigantesque collection constituée de pièces provenant de toute la Péninsule Ibérique et recouvrant toutes les époques, des Ibères au Modernisme. Elle est considérée comme la plus importante collection de céramique populaire d’Europe. Dans ses salles permanentes, sont exposés quelque 4 500 objets agencés par thématiques : les usages de la céramique, les centres céramistes, les différentes formes de cruches ou d’assiettes, le processus et les techniques de fabrication selon les ateliers et les époques. Point n’est besoin d’être grand clerc pour reconnaître la parenté étroite de ces pièces anciennes et de la vaisselle encore utilisée dans les restaurants de la ville.
L’Ametlla de Mar, avec son nom de coquillage et sa forme de conque douce, enroulée autour de la baie qui l’a fait naître, a plus d’un charme dans son sac, et sait se faire multiple, pour ne jamais lasser ceux qui prennent le soin de la découvrir dans son mystérieux entrelacs de terre et de mer, de sophistication et de simplicité. Naturelle, savoureuse, mystérieuse et toujours surprenante, elle vous prendra dans ses filets de jolie sirène
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