VOTRE MAGAZINE N° 132 EST EN KIOSQUE
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Artur Martinez , hommage à l’humilité

01 Mai Artur Martinez , hommage à l’humilité

En quelques années, il est devenu l’un des chefs les plus en vue de Catalogne avec un tout petit restaurant, une folle ambition et l’amour de la terre et du travail bien fait. Modeste, travailleur, minutieux, Artur Martinez se livre à l’exercice de l’interview. Rencontre avec un touche-à-tout génial !

Terassa10Bonjour, on peut dire que tout a commencé avec le modeste restaurant ouvrier de vos grands-parents à Terrassa ?

Oui, en 1952 mes grands-parents ont ouvert un établissement très modeste et très populaire dans le quartier du Barri Nou a Terrassa, un établissement très familial qui accueillait les ouvriers des usines voisines et leur proposait une cuisine paysanne et roborative.

Et c’est comme ça qu’est venue l’envie de cuisiner ? En regardant les parents et les grands-parents ?

Qu’on le veuille ou non, ce qui se passe sous nos yeux nous conditionne. Depuis mes plus jeunes années, les journées se sont organisées autour de la table et de la cuisine. Et j’ai eu deux grandes cuisinières autour de moi qui m’ont transmis l’envie de faire plaisir à celui qui mange et les gestes les plus basiques. C’est essentiel pour un cuisinier, vouloir faire plaisir et savoir faire avec peu. Et c’est ce qui m’a été naturellement transmis. Oui, j’ai été un grand privilégié en somme.

Votre carrière est remarquable. Vous avez été le chef du grand festival de théâtre en plein air de Barcelone, le Grec, puis vous avez été sacré meilleur jeune cuisinier de Catalogne à seulement 22 ans et maintenant, cette fabuleuse aventure du Capritx… On peut dire que vous êtes un chef heureux ?

Je suis quelqu’un de très actif. Je travaille sans arrêt, j’impulse de très nombreux projets qui sont toujours plus ou moins liés à la gastronomie. Je fais du vin, de l’huile, de la charcuterie. J’ai créé un spectacle de théâtre, j’ai écrit un livre, je donne des cours aux enfants, je me produis à la télévision, à la radio, j’enseigne à l’université et j’espère que ce n’est pas fini, il y a tant de choses que j’ai envie de faire. Alors tout ça me rend heureux, oui, j’ai besoin de cette ébullition permanente, j’ai besoin de me lancer de nouveaux défis, d’être toujours en marche, en route. J’espère toutefois être encore plus heureux en gérant mieux la pression due à la notoriété et au statut social.

Terassa11Etre revenu ici, enseigner à l’Université de Barcelone, c’est important ? Vous auriez pu travailler n’importe où, à l’étranger…

Je veux connaître le monde mais sans me fixer nulle part. Je ne suis pas sûr que ma cuisine puisse être comprise et surtout reconnue en dehors de la Catalogne. C’est une cuisine très liée aux souvenirs, aux sentiments, aux expériences, à la terre, même s’il ne s’agit pas vraiment de cuisine traditionnelle catalane. A sa façon, c’est une cuisine irréductiblement catalane.

Justement, votre concept est très ancré dans le territoire. Vous avez adhéré au réseau km zéro. En termes d’achat de produits, qu’est ce ça signifie ?

Je crois qu’on fait simplement appel au bon sens. Il n’y a là rien d’exceptionnel ou d’extraordinaire, je fais ce que font toutes les ménagères du monde, en faisant leur marché. Je me contente d’acheter la meilleure matière première disponible. La meilleure, cela veut dire aussi la plus fraîche, la plus autochtone, puisqu’il faut bien pouvoir contrôler les degrés de maturité des aliments et les travailler avec le producteur. Il faut que le produit nécessaire à ma cuisine soit là au moment où j’en ai besoin. Bien sûr, je suis prêt à faire venir de plus loin des produits que je considère d’une qualité indépassable mais cela représente un pourcentage négligeable de mes achats. Presque tout se passe ici, dans un mouchoir de poche, et c’est un des secrets de l’engouement du public pour notre cuisine.

Terassa12Vous revendiquez une cuisine essentielle, sans complication et avec assez peu d’ingrédients. Vous pensez que les gens ont perdu le goût des choses simples ?

Non. Mais je pense que nous nous compliquons souvent la vie pour pas grand chose. C’est une constante de notre vie qui va bien au-delà de l’expérience culinaire. Avec une cuisine essentielle, je suis sûr de toucher le convive au plus près. Il n’a aucun besoin de faire des acrobaties ou de passer un doctorat pour comprendre ou identifier les ingrédients qui entrent dans la composition de ce qu’il mange. C’est une façon directe d’accéder à sa sensibilité mais bien sûr, cela signifie prendre le risque de mettre la cuisine à nu. C’est un exercice de style qui ne pardonne pas, l’imposture est impossible. Tout doit être millimétré, parce que rien ne peut être camouflé. La vraie sophistication est là, dans cet engagement au dépouillement, dans le respect des saveurs exactes des aliments.

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