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BESALU, LA MAQUETTE PARFAITE

31 Mai BESALU, LA MAQUETTE PARFAITE

Bijou de la Garrotxa, Besalú se confond en louanges ! Lumineuse et intrigante, la cité médiévale recèle des trésors d’architecture médiévale. Se perdre dans ses ruelles pavées, c’est retrouver son regard d’enfant.

Besalú, trois syllabes pleines de promesses ! Comme une chanson fredonnée sur un pont, comme un tiroir à secrets. Il faut avouer qu’elle a un sacré charme cette cité médiévale de Besalú. Au point d’avoir été déclarée au patrimoine historique et artistique national ! Belle et riche de magnifiques édifices. La regarder un instant, c’est l’aimer sur le champ. Besalú parle à la rétine comme au cœur. Elle fait chanter la pierre et l’eau dans une symphonie-miroir qui obligatoirement accélère le pouls… Car oui, Besalú a ce quelque chose en plus, cette faculté à nous faire voir la vie autrement. Lentement mais sûrement. De près comme de loin, la belle Besalú impose son vieux pont, ses murailles, son église, son monastère… Silhouette aux proportions idéales, maquette parfaite. De celles qui forcent le respect, qui éveillent l’imagination, qui appellent à la découverte. Et parmi ces édifices, c’est par un singulier musée que nous entrerons dans l’intimité d’une cité qui, comme le disait le poète catalan Josep Pla, « irradie l’esprit ». Poussons donc la porte de Micro Mundi, le musée des miniatures et des micro miniatures. Quel intérêt ? Pour l’œil ! Pour cet œil qui nous accompagnera par les ruelles et les passages secrets. Micro Mundi, un musée rare et insolite ouvert en 2007 qui présente plus de 2 000 pièces élaborées par des artistes russes, mexicains, chinois, français, belges, anglais, espagnols… Mais encore ? Micro Mundi, c’est l’art de nous faire voir la vie autrement, l’art de jouer avec les échelles, de secouer notre imagination, de nous permettre de découvrir des mondes inattendus. Mais c’est avant tout l’histoire d’un homme : Lluis Carreras. Joaillier et grand collectionneur, le « besaluenc » s’est entiché de l’art de la miniature. « J’ai exercé à Barcelone et à Mallorca dans l’univers de la joaillerie. Il fallait être minutieux mais rien ne m’impressionnait plus que le travail des miniaturistes. J’aurais été bien incapable de tant de minutie, de travail chirurgical ! Ces artistes ont une technique absolument géniale. J’ai commencé à collectionner certaines pièces et face à une telle richesse artistique j’ai eu envie de leur consacrer un musée ! » Un musée abrité par la maison de Cal Coro, situé à l’endroit même où se trouvait jadis l’abbaye de Sant Pere. Une maison de style rationaliste transformée en usine textile et devenue musée après un long travail de restauration. Le résultat est surprenant. Des mondes miniatures à profusion. Des univers en modèles réduits, microscopiques, lilliputiens. « Ici, on n’est pas dans un musée classique, face à une œuvre accrochée au mur, qui s’impose d’elle-même. Il faut faire un effort, s’approcher, poser son œil sur la loupe et accepter de faire voler son imagination. Au premier regard, on ne sait pas ce qui nous attend, on entre dans des sphères inattendues, c’est une pure invitation au voyage que proposent toutes ces œuvres d’art. » Lluis Carreras est incollable sur chacune des pièces dont les auteurs-artistes viennent des quatre coins de la planète. Les échelles varient du 1/100e au 1/500e et certaines pièces sont parfois 100 000 fois plus petites que la réalité ! Une caravane de chameaux qui tient dans le chas d’une aiguille, un éléphant équilibriste posé sur une aiguille, une Tour Eiffel nichée dans une graine de coquelicot, l’atelier de Gepetto en train de sculpter Pinocchio au milieu d’une multitude d’objets, de pinceaux et de pots de peinture… dans une coque de pistache ! Un véritable laboratoire où le visiteur est littéralement emporté par le tournis des incroyables perceptions. « La précision est chirurgicale, c’est un travail au bistouri. Certains artistes utilisent leurs cils comme pinceau. Et pour être encore plus précis dans leur technique, ils coupent leur respiration pendant 20 secondes pour que leur battement de cœur diminue et que la pulsation de sang provoque le geste le plus précis possible ! » Lluis Carrera sourit, passionné et passionnant. Et de dévoiler le fameux Pont de Besalú en micro miniature… Les arches, la tour de défense, le détail de la pierre… « À travers ces miniatures, on casse les codes, on questionne la réalité, on s’envole… »

Bains et sculptures insolites

Mais quel lien avec Besalú ? Cette visite est autant conseillée qu’elle est essentielle dans l’approche de la cité. Ou comment entrer en délicatesse, avec finesse et allégresse. Cette envie de regarder au plus près, de s’ouvrir à l’insoupçonnée beauté accompagnera le visiteur dans le dédale des ruelles de Besalú. Comme une divine mise en bouche de ce que l’œil ne percevrait pas sans être allé promener sa rétine au Musée Micro Mundi. A Besalú, il faut savoir regarder, prendre le temps d’observer et prendre le risque de se laisser surprendre. Par les chaises accrochées aux murs de la rue Rocafort. Des sculptures en fer réalisées en 1994 dans le cadre d’un échange entre des artistes italiens et catalans. Des œuvres d’art qui, selon Esther Baulida, l’une des artistes, représentent la difficulté de l’humanité à atteindre des objectifs et à résoudre des problèmes. Questionnement permanent, creuset des cultures, et découvertes à tout va. C’est en effet en 1964, de manière totalement inattendue qu’a été découvert le mikvé. Il s’agit du premier bâtiment de ce genre existant en Espagne et actuellement encore du troisième plus important d’Europe ! Le mikvé est un bain rituel utilisé pour l’ablution nécessaire aux rites de pureté familiale dans le judaïsme. C’est l’un des lieux centraux de la vie communautaire juive, avec la synagogue et l’école juive.

Sa Majesté le Vieux Pont

Le mikvé de Besalú est un trésor, il faut aller le chercher dans une salle souterraine de style roman en pierre de taille, à peine éclairé par une petite fenêtre à meurtrière. Situé près de l’eau, le mikvé s’élève à l’endroit où, selon certains documents, se trouvait la place des juifs. Récemment, des fouilles y ont livré les vestiges d’un mur de l’ancienne synagogue de Besalú, déjà mentionnée en 1264.

Il était une fois un monastère…

Mais que serait Besalú sans son vieux Pont, un ouvrage d’art avec un P majuscule qui remonte au XIe siècle ? Sept arches de toute beauté dont les piles baignent dans le lit de la rivière. Sur 30 mètres de hauteur et 105 mètres de longueur, ce pont abritait au Moyen-Âge le péage comtal, installé dans la tour fortifiée. Dynamité durant la Guerre Civile, il a été reconstruit par l’architecte Pons Sorolla, sous le contrôle de la direction générale de l’architecture. Pièce maîtresse, emblème de la cité, ce pont mène vers l’Eglise Sant Viçenc. Mentionnée en 977, cette église romane, ponctuée de quelques détails caractéristiques de la transition avec le gothique, tels la rosace et le grand vitrail, renferme la tombe de Pere de Rovira. C’est lui qui conduisit les reliques de Saint Vincent à Besalú en 1413. Une chapelle gothique latérale contient quant à elle une réplique de la Vraie Croix donnée en 1923 par Francesc Cambó, pour remplacer la croix originale dérobée en 1899. Beaucoup plus imposant le Monastère Sant Pere. De ce monastère, il ne reste en réalité que l’Eglise, caractérisée par sa majesté. Fondée en 977 par le comte évêque de Miró puis consacrée en 1003 par le plus important Seigneur de l’histoire locale, Bernat Ier, plus connu sous le sobriquet de Tallaferro. Cette église présente la particularité d’abriter un déambulatoire où, au Moyen-Âge, seuls étaient autorisés à pénétrer les pèlerins qui venaient pour adorer les reliques de Saint Prime et Saint Félicien. À l’intérieur de l’église se trouvent également les tombes des plus célèbres abbés du monastère ainsi que la fosse commune réservée aux moines. Il faut ici absolument s’installer sur l’une des terrasses de la place Prat de Sant Pere pour se délecter du vitrail de la façade de l’église… On y devinera un singe et un serpent, figures du mal et du paganisme. Au-dessus, deux lions symbolisant la force, la puissance et la protection offertes par l’Église. à Besalú chaque pas dit l’histoire. Au fond des cafés, chez Can Quei par exemple, autour des tables réservées aux habitués, on tape le carton, on joue au « truc », mythique jeu de cartes catalan. L’occasion de refaire le monde, de porter un regard sur l’actualité.

L’âme protectrice de Besalú

Cinq grands-pères regrettent que les jeunes d’aujourd’hui ne restent plus au village. Eux-mêmes toujours fiers d’y respirer la beauté des lieux et la situation centrale de Besalú, « pas loin de Girona, pas loin d’Olot et pas loin de Figueres. L’idéal ! ». Et le groupe de rappeler que Besalú porte en elle un fort sentiment de solidarité. à l’image de cet épisode durant la Guerre Civile, quand sous les bombardements franquistes, la Casa Cambó accueillit en septembre 1938, les enfants de Gelsa, village près de Saragosse. Ainsi, 122 enfants furent accueillis par les 1 200 habitants que comptait alors la cité dans cet ancien couvent, mais également chez des particuliers et dans des mas abandonnés. Malgré une situation économique désastreuse en ces temps de guerre, Besalú a fait preuve de solidarité en hébergeant, en soignant et en permettant même aux enfants d’avoir accès à l’école. Terre d’accueil, ville-pont, Besalú incarne un superbe trait d’union entre les âges, les cultures et les mentalités. Ce n’est pas un hasard si les libraires indépendants se retrouvent chaque année à Besalu pour LiberisLiber, la foire des livres inconnus… Des ouvrages d’art, des livres d’histoire et d’histoires, des pavés qui questionnent et toujours surprennent. Comme Besalú elle-même !

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