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Canillo – Passerelles Andorranes vers l’infini

01 Août Canillo – Passerelles Andorranes vers l’infini

À Canillo, l’altitude devient une manière de vivre. Là, perchés à 1 530 m dans la plus vaste paroisse d’Andorre, les jours s’écrivent entre silence et ciel. Ponts suspendus, sanctuaires lumineux, vallées sacrées, cabanes de pierre et balades initiatiques… Ce village de charme est désormais l’un des grands incontournables de la Principauté. Sa diversité d’activités en fait la destination idéale pour les familles, ou les voyageurs en solo. Canillo, c’est l’Andorre dans ce qu’elle a de plus pur et de plus grandiose !

Les Canillencs et Canillenques ont bien de la chance… Ils sont 4 800 à vivre perchés à 1 530 mètres d’altitude, sur les 121 km² de la plus vaste paroisse d’Andorre. Là, à Canillo, le village s’adosse aux pentes abruptes des Pyrénées et s’entoure de hameaux comme Soldeu, Ransol, Els Plans, Incles… Le territoire s’étend entre vallées glaciaires et sommets sauvages, dans ces paysages que ne renierait certainement pas l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson. À Canillo, il retrouverait ce quelque chose de contemplatif, de dense, de tellurique et parfois d’ascétique.Il y serait traversé par une nostalgie de la lenteur et du silence, au fil des cabanes de pierre et des marches solitaires.

Le sanctuaire de Meritxell entre spiritualité et modernité

Loin de l’agitation urbaine, loin du bruit numérique qu’il appelle « le vacarme de la meute ». Parce que Canillo, entre ciel et pierre, est un balcon. Un fragment de monde suspendu, une veine d’Andorre sculptée par le vent, l’eau et l’élévation. Là-haut, l’homme apprend à marcher dans les airs. À l’image du fabuleux pont tibétain, un fil d’acier de plus de six cents mètres qui défie la gravité. Il s’agit de la passerelle suspendue la plus spectaculaire des Pyrénées. À 1 875 mètres d’altitude, chaque pas devient un acte de foi. Le vide appelle, mais c’est la beauté qui saisit : les crêtes dentelées, les forêts ourlées de silence, l’écho du vent sur les câbles. Traverser ce pont, c’est converser avec le ciel, en funambule émerveillé. En contrebas, le sanctuaire de Meritxell oppose au vertige la stabilité. Les arches blanches de l’architecte catalan Ricardo Bofill (à qui l’on doit, entre autres, Antigone à Montpellier ou encore la pyramide érigée sur le versant français du col du Perthus, près de l’autoroute A9) s’élèvent sans ostentation, baignées de lumière. Le passé calciné de l’ancien sanctuaire, détruit par un incendie en 1972, murmure encore dans les pierres noircies. Ici, la pierre raconte un peuple, une sainte patronne, un incendie et une renaissance. L’ancien sanctuaire reste debout, comme pour rappeler que ce qui brûle renaît autrement. Meritxell, c’est le cœur battant d’Andorre, son âme visible. En 2014, le pape François a élevé le sanctuaire au rang de basilique mineure, la seule du pays. Mais au-delà de son importance religieuse, Meritxell s’impose comme un lieu d’architecture, d’histoire et de paysage. L’ancien sanctuaire, restauré, accueille aujourd’hui l’espace d’exposition « Meritxell Memòria », retraçant le culte et l’histoire de la sainte patronne. Chaque 8 septembre, l’Andorre y célèbre la fête de Nostra Senyora de Meritxell, en résonance avec les traditions catalanes. À quelques kilomètres de là, dans la continuité de cette Andorre spirituelle et authentique, la vallée d’Incles offre une immersion dans un tout autre patrimoine : celui de la nature préservée. Jardin d’altitude où la montagne conserve encore son souffle originel, la vallée, accessible depuis Canillo, figure parmi les sites les plus emblématiques de la Principauté. Elle a récemment été intégrée à un itinéraire classé au Patrimoine Mondial pour sa valeur paysagère, écologique et ethnographique. Ce vallon glaciaire a conservé intacts les éléments du paysage pyrénéen traditionnel : bordas (ces anciennes maisons traditionnelles de haute montagne qui abritaient le bétail et permettaient de stocker le grain), sentiers de bergers, prairies fleuries et forêts aux couleurs changeantes au fil des saisons.

La vallée d’Inclès au Patrimoine Mondial

Été comme hiver, le tableau évolue, mais la paix demeure. Marcher dans la vallée d’Incles, c’est découvrir un Canillo où nature et traditions vivent en harmonie. L’itinéraire propose des parcours pour tous les niveaux, de la balade familiale à la randonnée plus exigeante et relie notamment le parc naturel de Sorteny, une réserve de biodiversité remarquable. Les chemins serpentent entre les bordes, les ruisseaux murmurent des légendes. Ici, on marche pour se perdre, non pour arriver. Cabana Sorda, Juclà, Siscaró : ces lacs d’altitude, nichés au creux des reliefs andorrans, offrent chaque matin au ciel une surface limpide où se reflètent nuages, lumière et silence. Véritables miroirs naturels, ils capturent l’instant et restituent la majesté du paysage. Tout autour, les églises romanes posent leur humilité dans les villages. Sant Joan de Caselles ou Sant Serni sont des chapelles de pierre rugueuse, ouvertes aux vents et aux siècles. Leurs clochers ne dominent rien : ils veillent. Et dans leurs murs, l’histoire dort debout. L’église de Sant Joan de Caselles, solide comme la foi des anciens, véritable joyau du roman andorran du XIe siècle, impressionne par son architecture lombarde et son retable Renaissance du XVIe siècle. L’entrée est gratuite et l’église fait partie de l’itinéraire du bus touristique d’Andorre. Mais Canillo ne s’adresse pas qu’aux ascètes. Elle parle aussi aux enfants et aux rieurs. Entièrement rénové, le Palau de Gel de Canillo est un centre de loisirs incontournable. Sa patinoire olympique propose patinage libre, hockey et initiation au curling. Côté aquatique, l’espace Splash séduit avec trois toboggans de 53 m, une pataugeoire ludique pour les enfants, une piscine dédiée à la natation, un solarium et un sauna. Le complexe comprend aussi un mur d’escalade intérieur, un gymnase, des espaces de tennis de table, un court de squash et un court de tennis extérieur. Un lieu complet, pour s’amuser, se dépenser et se retrouver en famille. Ici, les loisirs prennent aussi la forme de récits et d’aventures imaginaires. Une fois les activités sportives terminées, petits et grands peuvent prolonger l’expérience en partant à la recherche des Tamarros, ces esprits malicieux des forêts. Carnet d’indices en main, ils s’aventurent sur les sentiers boisés, à l’affût des traces laissées par ces petits génies sylvestres. À la clé : un sourire d’enfant et la certitude que l’imaginaire existe encore, caché entre deux pins. Mais Canillo ne se contente pas de nourrir les rêves : elle sait aussi éveiller les sensations fortes. En quittant les sous-bois enchantés, le visiteur change d’altitude et d’émotion en rejoignant le mirador du Roc del Quer. Suspendue dans le vide, sa plateforme de verre offre l’illusion de flotter entre ciel et vallée. Une statue de penseur y contemple l’abîme : il ne craint pas la chute, il la médite. Non loin de là, le sentier de Macarulla transforme la promenade en rêverie. Cette boucle facile de 3,7 km, au départ du col d’Ordino, propose une balade pleine de surprises. Champignons géants, jeux en bois, éclats de forêt : le promeneur redevient gamin et l’arbre, camarade.

Un voyage à deux roues dans le temps

Ce parcours culturel s’enrichit avec une visite au Musée de la Moto, un lieu à la fois original et fascinant qui retrace plus d’un siècle d’histoire à deux roues. Des vieilles mécaniques aux modèles de course emblématiques, le musée rend hommage à l’évolution technologique et esthétique du motocyclisme. Une halte atypique qui apporte une touche différente au voyage et permet de redécouvrir la culture populaire sous un angle inhabituel. Parmi les pièces remarquables, on trouve une Henry Capel Loft Holden anglaise de 1896, moto à vapeur emblématique des premières heures motocyclistes, une Diamant française de 1900 également animée par un moteur à vapeur, une sportive Cleveland américaine de 1915, une Vespa italienne des années 1950, ou encore une BMW side-car datant de la Seconde Guerre Mondiale. Le musée expose aussi des modèles rares de marques comme Bohmerland, Cazenave, Sarolea, Norton, Triumph ou Ducati. Les moteurs y reposent, mais l’esprit court toujours : une ode aux fous du guidon, à ceux pour qui la route commence là où finit le bitume. Et comme toute échappée digne de ce nom se conclut par une halte savoureuse, Canillo prolonge l’expérience au creux de ses vallées, dans ses fameuses bordes. Ces anciennes bergeries reconverties en tables de caractère perpétuent un autre héritage : celui du goût et de la convivialité. Truite fraîche pêchée en torrent, civet de sanglier mijoté longuement, charcuteries montagnardes affinées sur place… Ici, chaque plat raconte le terroir avec sincérité. Se restaurer devient un moment de célébration, une pause savoureuse après l’effort, où l’authenticité se déguste à chaque bouchée. C’est dans ces instants simples et généreux que l’on mesure pleinement la richesse d’une destination. Un territoire où l’on prend de la hauteur pour mieux redescendre en soi, entre nature, mémoire et sensations partagées. Où l’homme, l’enfant et le silence cohabitent. Chaque pierre, chaque branche, chaque pont appelle au voyage intérieur. Un endroit qui ne se visite pas, mais qui s’éprouve, en marchant lentement, le regard levé. Il ne vous reste plus qu’à y aller. Ou à y retourner.

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