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LE CAP DE CREUS : UNE ÎLE

31 Mai LE CAP DE CREUS : UNE ÎLE

Ici, les Albères veloutées de chênes verts, ocellées de rochers gris qui affleurent entre les arbustes, traversées de chemins de transhumance, parsemées de mas et de hameaux que surmonte parfois la silhouette plus sombre d’un ermitage ou d’une chapelle, descendent en beauté les marches du ciel.

Cap8Eternel baiser

L’avancée minérale de la montagne dans les flots dessine une presqu’île tourmentée, une île plutôt, creusée d’anses profondes comme des fjords, déchirée de falaises abruptes et d’à-pics, qui célèbre les noces sans fin du règne minéral et de la mer, occupés à leur étreinte millénaire que chorégraphient à tour de rôle la tramontane ou le xaloc. La nature est nue, absolument livrée à elle-même, et pareille en sa plénitude au temps de son enfance, quand Phéniciens et Phocéens croisaient ce cap, la peur au ventre, pour exporter vin et huile.

Peuple de schiste

Cap de Creus : le cap des croix. Ne vous laissez pas abuser par la mer d’huile qui sait si bien prendre au fond des calanques des airs de sublime piscine turquoise, ne vous laissez pas griser par le silence à peine griffé par le baiser des vagues sur la roche, par la sérénité tranquille des mouettes juchées sur le bestiaire rocheux qu’ont sculpté la mer et le vent : des lions, des ours, des oiseaux, des serpents… il suffit d’un peu d’imagination pour que prenne vie un peuple de granit et de schiste que l’ocre des lichens nimbe de douceur.

Parc naturel du Cap de Creus

Tout au bout, là-haut, un phare empêche les bateaux imprudents de s’embrocher sur les estocs et les îlots rocheux qui affleurent comme un troupeau en quête de berger autour des avancées rocheuses, agencées comme une grande main de pierre qui vient déchirer la mer. A partir du Port de la Selva, juste après Port Bou, la fréquence des calanques s’accélère et leur échancrure se fait plus mordante comme si une immense main s’amusait à froncer la montagne striée par endroits de murettes de pierre sèche qui déterminent les anciennes terrasses cultivées.

Cap714 000 hectares

Le parc maritime et terrestre du Cap de Creus couvre au total 14 000 hectares dont 10 000 sont terrestres et 3 000 marins. La faune et la flore, endémiques, sont à découvrir le long de sentiers balisés et dénués de constructions autres que les anciennes cabanes de berger, ou les cabanons de vigne abandonnés, des merveilles techniques dans l’agencement millénaire des pierres sèches. Les drailles autrefois suivies par les moutons dessinent une véritable résille qui vous ouvre toutes les possibilités d’errance tranquille entre prairies et vignes émaillées d’oliviers et d’amandiers.

Plus de 800 plantes

Plus de 800 plantes ont élu domicile ici, dont certaines sont assez rares comme l’armerie du Roussillon, la lavande de mer ou le romarin dont la fragrance embaume le paysage, les fleurs du bouquet de la Saint Jean, orpins, immortelles. Une armée d’arbustes, drue et têtue, souvent hérissée d’épines, défend le moindre éboulis : le pin d’Alep, bien sûr, tellement indissociable de la Méditerranée, accroche un peu partout ses ombrelles vert sombre aux airs japonisants, mais aussi le chêne-liège, le chêne vert, le chêne pubescent.

Jolie faune

Evidemment tout un petit monde de reptiles s’est installé dans ce paradis de cailloux et de rochers : serpents, notamment vipères, orvets et couleuvres, bien sûr, mais surtout lézards, notamment verts ou geckos prompts à fuire comme un éclair à la moindre vibration. Au-dessus, s’agitent les mouettes, rieuses ou sternes, mais surtout les rapaces, aigle de Bonelli, aigle de mer, faucon pèlerin, faucon crécerelle. Les oiseaux sont les meilleures sentinelles de ce monde préservé. Sur la mer, des voiliers de toutes tailles croisent à quelques encablures, occupés à feuilleter les pages de pierre des calanques, sans voir les trésors que recèlent les fonds marins, à commencer par les bancs de corail, les rascasses rouges, les mérous bruns, les daurades, les colonies de poissons de roche …

Cap6A fleur de mer

Si vous avez le pied marin, et pas de bateau, il vaut mieux être doué pour les chemins de montagne si vous voulez atteindre les flots et les grands rochers plats qui les bordent, aiguisés comme d’immenses lames. Une fois en bas, vous pourrez faire du kayak, de la plongée sous-marine, ou simplement vous abandonner aux joies de la nage dans des eaux d’une pureté extrême qui offrent un camaïeu de bleus et de verts, un immense vitrail dont la lumière floue semble sourdre de la mer elle-même.

Une principauté de pierres

Si vous avez opté pour le bateau, un enchantement vous attend, avec des criques presque fermées par un alignement de roches et d’îlots et des villes blanches tapies contre la montagne : Port de la Selva, Llançà, Port Lligat, Cadaquès, et au fond d’une immense baie, Roses. Sur la montagne, la silhouette presque plate du château de Saverdera et l’altière beauté de Sant Pere de Rodes. Le Cap de Creus est un monde en soi, une île, presque une principauté. C’est lui, désormais, qui vous habitera.

 

1Commentaire
  • Rouanet
    Posted at 16:38h, 23 octobre Répondre

    Merveilleux commentaire!

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