06 Déc CAP SUR L’ANCIEN MONDE !
Depuis plus de mille ans, la capitale de l’Osona, idéalement située en plein milieu du Principat, est un carrefour dont les marchés réputés et les fêtes traditionnelles attirent toutes les comarques voisines. Son marché médiéval, conçu comme une immersion historique, haut en couleurs et foisonnant, ne déroge pas à la règle.
Le centre absolu de Vic, c’est sa grand-place bordée de belles maisons modernistes et d’arcades où s’installent pêle-mêle commerces et terrasses, du moins sur la partie pavée. Car le centre de ce carré de luxe brodé de bâtiments patriciens est occupé par une surface de vulgaire terre battue, à la fois insolite et belle. C’est ici que s’installe le premier carré des centaines d’exposants, notamment des artisans abrités sous les vénérables voûtes. Les autres s’installent le long des rambles extérieures et devant les tanneries, là où un magnifique pont roman enjambe encore la rivière. Covid oblige, les lieux choisis sont plus larges que le dédale de venelles du centre ancien. Toutefois la vieille ville est pavoisée et les boutiques, nombreuses, jouent le jeu de ce déguisement collectif qui va durer cinq jours, du 4 au 8 décembre ! Les boucheries arborent fièrement la spécialité locale, la llonganissa ! Impossible de ne pas trouver ce que vous cherchez et surtout de ne pas repartir avec ce que vous ne cherchiez pas, tant l’offre est foisonnante, qu’il s’agisse de confection, de maroquinerie, d’arts de la table, de bijoux ou de gastronomie ! Grâce au plan détaillé fourni par l’office du tourisme en plusieurs langues, impossible de se perdre. D’ailleurs devant l’office du tourisme dont vous admirerez les grandes ogives tronquées à la base, prenez donc cinq minutes pour abandonner votre vœu le plus cher au balancement des branches de l’arbre magique ! Partout, de la musique de rue avec pas moins de dix groupes qui évoquent le répertoire médiéval avec force guimbardes, luths, cromornes et flûtes : les meilleurs musiciens du genre assurent le spectacle : Toniton, Taraska, Ministrers de l’Aixada, Fúries d’Ausa… Tout est pensé pour vous propulser des siècles en arrière ! « Nous avons voulu faire bien plus qu‘une fête médiévale : une reconstitution grandeur nature, un peu comme si on se trouvait sur un gigantesque plateau de cinéma. Évidemment, c’est un prétexte aussi, pour faire découvrir la ville et son patrimoine, mais sur un mode ludique, presque sans s’apercevoir » explique Dolors, animatrice touristique. Le pari est réussi, car vous n’aurez qu’une envie, parcourir toutes les rues pour ne rien perdre du spectacle !
Effectivement, la ville n’a pas lésiné sur les artisans et les métiers d’antan. Le souffleur de verre réalise en direct des arabesques de lumière qui deviennent, sous les yeux ébahis de la foule, des hanaps, des carafes, des verres aux larges bulles colorées. Un copiste enlumineur, calames à la main, colle de frêles bribes d’or fin, les rehausse avec ses pigments, et dessine des lettrines magnifiques. Bien entendu tous les deux tiennent atelier et sont prêts à vous initier aux mystères de leur art. Vous pourrez aussi vous improviser tailleur de pierres ou sabotier, ou bien encore travailler le bois, selon vos envies et vos aptitudes. « Je viens tous les ans, parce que je veux progresser dans les enluminures, je ne manquerais ça pour rien au monde, d’ailleurs cette année je vais aussi m’initier à la calligraphie arabe », précise Meritxell, étudiante en kinésithérapie. Justement, l’orient pointe ici son croissant comme il l’a tant fait au Moyen-âge ! Danse du voile et danse orientale ne manquent pas d’attirer une foule de curieux sans doute autant séduits par la plastique des danseuses que par leurs talents chorégraphiques ! Les danses médiévales occidentales ne sont pas pour autant négligées et la place de la cathédrale accueille des danses profanes médiévales et renaissantes auxquelles la foule se mêle parfois dans un joyeux brouhaha. Les danses de cour raffinées côtoient les rondes paysannes pour recréer l’air de rien, une atmosphère proche de l’époque qu’elles évoquent, avec force jongleries et acrobaties.
Inutile de préciser que les saveurs sont du voyage avec de très nombreux stands de bouche qui rôtissent et épicent à tout-va dans un bouquet changeant de fragrances aigres-douces que la cuisine catalane actuelle n’a jamais reniées ! Arts divinatoires, astrologie et magie sont bien entendu du voyage, et les queues s’allongent devant ces stands censés prédire l’avenir et déchiffrer les signes mystérieux que dispense l’univers. Vous noterez la beauté des dessins des enseignes qui évoquent le graphisme du tarot de Marseille ou quelque planétarium oublié. « Pour moi, le Moyen-âge c’est aussi ça, une peur viscérale de Dieu, donc de l’avenir » estime David, historien et musicologue. « J’adore me mettre dans la peau des gens des XIIe et XIIIe siècle, c’est pour ça que je viens à Vic. C’est une fête sans prétention, mais elle a un fort pouvoir d’évocation ». Du côté des tanneries, autrefois indissociables de la richesse de Vic, au bord de la rivière, les enfants ont leur paradis, une impressionnante série de spectacles de marionnettes, de contes lus et mimés, et de petites pièces de théâtre, qui tous, évidemment puisent aux mythes et légendes médiévaux dont la Catalogne est si riche. Depuis huit ans, la ville a entrepris de doter la foire d’un drôle de spectacle itinérant, une pièce relative à l’histoire de la cité, écrite pour favoriser la visite de huit éléments essentiels du patrimoine, mais dont chaque épisode serait assez autonome pour être dissocié des autres sans altérer le sens de l’ensemble !
Tous les marchés du monde
Une vraie prouesse d’écriture qui mobilise toute une équipe de scénaristes. Les scènes de cette pièce patchwork, dûment scénarisées et sonorisées se déroulent place Gaudí, dans le Parc Jaume Balmes, place de la cathédrale et devant les tanneries. Un embarquement ludique et instructif pour toute la famille. Mais ce n’est pas, loin s’en faut, la seule itinérance proposée ! Voilà en effet le souk arabe, avec ses tapis en kilim rouge rehaussés de noir, de blanc et de jaune, ses plateaux de cuivre rutilants, son thé à la menthe et ses tissus chatoyants. Les bijoux berbères et les céramiques marocaines, déclinées en vaisselle, tiennent le haut de l’affiche.
Spectacles aussi dans les musées
« Je viens pour acheter des saladiers avec des motifs géométriques, je sais que je les trouverai dans le souk » explique Florence, qui vient tout droit de Toulouse. « En plus, je suis amatrice d’objets anciens, et la partie foire des antiquaires et des brocanteurs est remarquable. Bon, j’avoue que j’aime aussi beaucoup pouvoir marchander sans passer pour une radine, ici c’est normal ! ». Effectivement les stands regorgent de meubles, de tableaux, d’objets patinés et vénérables riches d’histoires et d’émotions. On y trouve aussi des choses plus triviales comme d’anciens objets utilitaires, de vieux outils, des ustensiles surannés. Pour plonger plus profond encore dans le passé, le musée épiscopal ouvre ses portes : outre les collections, vous y trouverez des jeux médiévaux sur table, des contes et une façon toute « romane » de penser l’histoire ! Enfin, cap sur le campement de la soldatesque ! Vous y admirerez des combats singuliers au sabre qui sont de pures et belles chorégraphies, des batailles rangées, des tournois d’archers sous le pont de Queralt, ou encore des démonstrations de tir à l’arc et à l’arbalète. Dans un registre plus théâtral vous pourrez même vivre le baptême d’un viking christianisé ! Vous le voyez, rien n’a été laissé au hasard pour vous faire vivre cinq jours dans l’espace-temps si particulier de la Foire Médiévale de Vic. Le public ne s’y trompe pas, puisque avant la Covid, 100 000 visiteurs se bousculaient chaque année dans la belle cité épiscopale ! Gageons qu’ils reprendront en nombre, cette année, le chemin de la capitale de l’Osona.
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