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Créer du souvenir, transmettre du désir.

07 Déc Créer du souvenir, transmettre du désir.

Ruben Pellejà dirige l’entreprise Àrea SCP, chargée du développement touristique des monastères de Santes Creus et de Vallbona de les Monges, de la gestion de l’auberge de jeunesse Pere el Gran, et de proposer des modalités de visites et d’explorations ludiques et variées. Rencontre avec un homme passionné.
trinité8CC : Bonjour Ruben. Comment se retrouve-t-on chargé du développement de tout un territoire ?

On répond à un appel d’offres public et à un cahier des charges très serré. Ensuite, c’est parti pour huit ans, avec des objectifs à atteindre, des améliorations à réaliser, des offres à inventer, toute une offre touristique à structurer dans le cadre des actions existantes. Quand on aime son territoire, c’est un travail de rêve même si c’est très prenant !

CC : Je note que Poblet ne fait pas partie de votre mission, alors que l’abbaye fait partie de la Ruta del Cister ?

Les moines de Poblet gèrent eux-mêmes leur promotion, et ils le font très bien au sein de leur congrégation. Nous travaillons en pleine complémentarité avec eux. Ils ont leur propre hostellerie, et Poblet est immense. Nous ne sommes pas trop de deux grands acteurs sur le territoire. D’ailleurs, il y a aussi une autre auberge de jeunesse, à l’Espluga de Francolí. L’offre naturelle et culturelle est tellement vaste, ici ! Ça va des ruines romaines, au panthéon des rois catalans en passant par les forteresses de l’ancienne frontière, les moulins, des sites naturels magnifiques… Il y a de quoi faire, croyez-moi !

CC : Expliquez-moi les missions d’Àrea…

Nous gérons l’auberge de jeunesse des monastères, l’auberge Pere el Gran à Aiguamúrcia. Nous y proposons 50 places réparties en 8 dortoirs, soit 18 250 places d’hébergement par an. Mais n’allez pas croire que c’est une auberge de jeunesse au sens strict du terme : nous y accueillons des familles, des couples, des adultes et des groupes, tout au long de l’année. C’est devenu une option d’hôtellerie à part entière, pour un public qui ne souhaite pas consacrer l’essentiel de son budget à l’hébergement, et qui privilégie les rencontres humaines, la convivialité. L’auberge fait partie du réseau Xanascat et du réseau international Hostellery International. Autant dire que notre taux de remplissage est très bon… Notre service de restauration et de catering est également très couru. Il permet d’envisager des séjours confortables, à un prix tout à fait raisonnable.

trinité7CC : Ces touristes d’un autre type se voient proposer des visites guidées ?

Nous sommes dans la logique du carnet 6T. Notre mission, c’est de faire découvrir le territoire dans son ensemble. Guidées, pas forcément, parfois nous nous contentons de suggérer, de proposer. Je vous donne un exemple, nous sommes à deux pas de Vila Rodona. Donc, parallèlement à la visite des deux monastères dont nous avons la charge, nos hôtes sont invités à découvrir le colombarium romain où les cendres des morts étaient conservées et qui est pratiquement intact, le puits de glace creusé à deux pas du fleuve Gaià, au XVIe siècle, et bien sûr, la cathédrale du vin moderniste construite par l’ami de Gaudí, le grand César Martinell, l’une des plus grandes de Catalogne… Nous avons des offres différenciées pour les familles, pour les randonneurs, pour les pèlerins, selon le mode de locomotion choisi et les thèmes de prédilection. Coller aux attentes des publics les plus variés, les surprendre, les accompagner, ça a l’air simple, mais cela demande une écoute constante, une adaptation immédiate. C’est ce qui est passionnant dans notre métier : rien n’est jamais acquis.

CC : Concrètement, vous travaillez sur le territoire de l’Urgell et de l’Alt camp ?

Ce sont les deux entités territoriales pour lesquelles nous avons sous-missionné, sous l’égide de l’Agence catalane du patrimoine, et c’est notre noyau en termes de services ; mais nous ne nous interdisons pas d’aller au-delà ! Notre mission est de mettre en valeur la totalité des atouts, qu’il s’agisse de petits musées locaux, d’ateliers d’artistes, de merveilles naturelles comme la sublime peupleraie de Santes Creus. Nous proposons des itinéraires sur-mesure, avec des opérations type comme « l’estiu és teu » (l’été t’appartient), ou « vacances en família ». Le Carnet 6T est très exhaustif, il ne fait aucune hiérarchie entre les différents patrimoines abordés. C’est l’esprit dans lequel nous nous situons également. Les abbayes sont nos vaisseaux-amiraux, mais ils sont aussi le prétexte à d’autres découvertes plus larges. Les touristes ne se contentent plus d’une visite d’une heure avec un bon restaurant derrière. Ils veulent une immersion, des clés de compréhension, des éléments ludiques et interactifs. S’ils ont une passion, le sport par exemple, ils aiment qu’elle soit intégrée à leur découverte.

trinité6CC : Ces touristes, ils viennent d’où ?

Principalement de Catalogne, à plus de 60 %, puis d’Espagne à 25 % environ, et enfin de France. Nous avons beaucoup de Français, les Français adorent la culture et le patrimoine ! Ensuite, viennent les Hollandais, les Belges, les Anglais… Nos abbayes sont connues dans le monde entier, elles sont mentionnées sur tous les guides touristiques. Cela crée un appel incomparable !

CC : Les Français viennent en majorité du sud de la France, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ?

Non, ils viennent de toutes les régions françaises, beaucoup de la région parisienne, par exemple. Ils représentent plus de 10 % de notre clientèle.

CC : Et vous gérez les deux monuments phares que sont Vallbona de les Monges et Santes Creus…

Oui, nous sommes très fiers de veiller à la transmission de ce patrimoine. Nous essayons de le montrer en changeant le regard que le public porte sur lui, et d’abord, en revenant à la vie quotidienne des moines et moniales à l’époque gothique : les travaux des champs, le rythme lent de la journée consacrée au travail et à la prière. Les espaces agricoles intéressent les gens, autant que la sublime architecture des églises, ils peuvent s’identifier aux gens qui vivaient ici, il y a six siècles, et cette proximité leur plaît. Nous avons ainsi créé des déambulations dans la nature autour des monastères, des promenades commentées, des itinéraires fléchés. Le public les plébiscite. Grâce aux fonds européens, nous avons pu les baliser et les sécuriser.

CC : Je crois que vous proposez d’autres types de visites, plus loin ?

Oui, à partir de l’auberge, outre la classique visite des trois monastères, nous proposons par exemple de combiner la visite de Santes Creus, du château d’Escornalbous, restauré par un érudit, et de la magnifique chartreuse d’Escaladei, une merveille en plein milieu des montagnes de Prades. Ou encore, de pousser jusqu’au château de Miravet, une ancienne casbah transformée en château templier, puis en forteresse plus moderne, qui est aujourd’hui un exemple de l’architecture militaire catalane juchée sur une falaise au-dessus de l’Ebre. Notre ambition, c’est de donner à comprendre le territoire, son histoire, ses ressources, les gens qui l’habitent, en alliant qualité et accessibilité. En tant qu’acteur du développement touristique, Àrea se doit de développer sans cesse de nouveaux produits qui renouvellent le regard du visiteur sur les monuments, l’histoire, l’art. C’est un défi permanent.

CC : Vous avez des souhaits ou des ambitions particulières pour l’avenir ?

D’abord, que la courbe ascendante se poursuive. Ensuite, que nous puissions affiner encore notre approche des différents segments de public, en attirant de nouvelles cibles. Et puis, bien sûr, le principal : avoir créé des souvenirs qui ne s’effaceront pas, qui seront transmis et donneront à d’autres le désir de venir jusqu’à nous. C’est le sens même de notre travail.

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