03 Fév Formiguères : la quarantaine radieuse
Longtemps, la fière cité comtale, capitale du Capcir est restée sur son quant-à-soi, semblant regarder de loin leffervescence touristique qui semparait de Font-Romeu, dès les années 30 pour exploser dix ans plus tard avec le sport de haut niveau et le ski, puis la mutation totale du village des Angles dans les années 70, à linstar du vieux village cerdan dEyne. Ici, en Capcir, pays de vie chèrement gagnée et de travail, les miracles de lor blanc ont dabord dû convaincre quils nétaient pas un mirage
Bien sûr, comme tous les enfants des pays froids, les petits capcinois jouaient à la luge sur les champs enneigés, et il n’était pas rare de les voir jeter de l’eau dans les rues pour improviser une éphémère patinoire… Certes, devenus adultes, les anciens ne se privaient pas de faire du ski, sur de hasardeuses planches de bois, et même du ski alpin et ce, bien avant qu’existe même la notion de remonte-pentes.
Des compétitions bon enfant
C’était un temps où il fallait gagner à la force des mollets et des chevilles le plaisir fugace de la glisse, et où les compétitions gardaient un aspect ludique et bon enfant. Tout se passait alors aux Esplaneilles ou sur la Coume d’en Canal. La rivalité faisait rage entre les Associations sportives des villages du Capcir et de Cerdagne pour le ski de fond, discipline reine indissociable des paysages nordiques du Capcir, si beaux quand ils défilent à la vitesse des skis, dans le silence de la montagne. La mémoire locale a même gardé le nom de champions locaux comme Serge Bataille, Jean Tuzet, Valentin Canet ou Elie Asparre.
1970 : le début de l’aventure
Mais le paysan capcinois est prudent, il attend de voir comme il a attendu toute sa vie, avec fatalisme, la succession inégale des récoltes ou la survenue du funeste carcanet et il faut attendre 1970 et la pression des socio-professionnels pour que la ville s’agite. Pas question de se laisser totalement brûler la politesse par les Angles et les stations cerdanes ! Il faut dire qu’il y a une amorce : dans les années 60, le directeur de l’école, Jean Colomines, soucieux de faire partager aux scolaires les joies de la neige, avait déjà acheté un fil à neige…
Une histoire d’écoles
Son successeur, Yves Baso, donnera l’élan décisif lorsque le directeur de l’UDSIST de l’époque lui propose d’aménager totalement l’école pour pouvoir accueillir pendant les vacances des classes de neige. Dès lors, la ville de Formiguères accueille des petits skieurs qui font leurs armes sur la Calmazeille avec un téléski un peu clandestin, qui n’avait fait l’objet d’aucune habilitation administrative, chose impensable aujourd’hui. Pour la petite histoire, il s’agit des élèves des écoles de Canet, encadrés par une certaine Arlette Franco, qui allait elle-même parier sur la mer pour son propre village, quelques années plus tard.
1973 : tout commence vraiment
Dès lors, tout s’enchaîne rapidement, notamment grâce à la diligence et la vision juste et mesurée des maires successifs et notamment la personnalité de Paul Samson, homme de décision et d’avenir, ancien maire de Formiguères, qui, toute sa vie, n’a cessé de croire au destin de sa haute vallée. En 1984, il y a d’abord le dépôt d’une demande de classement en tant que « Unité Touristique Nouvelle », décisive pour pouvoir réaliser l’expansion rêvée. Le début des années 80 voit toute une série d’investissements, notamment la construction de bâtiments d’accueil en dur au pied des pistes, qui sacrent Formiguères comme station de ski à part entière aux côtés de ses aînées. Pour l’accompagner, sur les fonts baptismaux, tous les édiles du département se sont rassemblés, présidés par le dynamique président du Conseil général, Guy Malé, pour assister à l’inauguration. Nous sommes en 1986, tous les éléments étaient réunis pour que Formiguères devienne une grande station pyrénéenne alliant ses richesses patrimoniales et naturelles.
Pari gagnant
Depuis lors, la population sédentaire de Formiguères a augmenté, la station n’a cessé de proposer de nouveaux équipements et sait attirer un public de fidèles. La fréquentation d’été s’est accrue en parallèle : les nuits fraîches du Capcir ont leurs inconditionnels au cœur de la fournaise estivale. Les investissements ont été lourds, on est plus près de la recherche d’équilibre que de l’enrichissement, mais le rôle positif, social, identitaire, l’attractivité auprès des jeunes ne sont plus à démontrer. Cette année, Formiguères a quarante ans, l’âge de la maturité, de l’énergie. L’âge d’entreprendre encore pour faire des années qui viennent un âge d’or. Per molts anys!
FORMIGUERES OU LA DOUBLE COURONNE
On ne sait pas au juste d’où vient le nom de Formiguères. Selon une hypothèse sérieuse, elle serait une métaphorique fourmilière humaine. Selon une autre, elle emprunterait son nom à un seigneur wisigoth Frumiger, rien ne venant étayer, définitivement, l’une ou l’autre de ces suppositions. Fortifiée au XIe siècle, quand elle devient ville comtale, la cité ne garde aujourd’hui pas grand-chose de son château où le roi de Majorque eut le bon goût de se plaire et de mourir, si ce n’est justement le titre de ville royale. Que de vicissitudes ont accompagné l’histoire de ce château, le faisant passer des mains d’un hobereau local à celles d’un autre, des Descatllar aux Garrius, des Ortaffà aux Majorque. Dernier avatar, la famille Calvo i Bassèdes le conserve jusqu’à la Révolution.
Ironie du sort
Sinistre ironie du sort, ce château qui avait survécu à tout, malgré sa position doublement frontalière, fut démoli à la fin du XIXe siècle, simplement pour dégager sa surface et agrandir le village ! Il nous reste son portail devenu l’encadrement de la porte de l’actuel hôtel de ville et un vestige de l’ancienne muraille de fortification. Peu de choses en effet, mais la tranquille certitude d’un bourg qui fut toujours une capitale, un poumon économique et un centre d’attraction pour tout le Capcir. La rançon du prestige, sans doute !
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