01 Oct Gandesa, le port des hautes terres
Au sommet d’un triangle qui voit se rencontrer Aragon Catalogne et Pays Valencien, Gandesa est une étape bienheureuse sur les hautes terres de l’arrière-pays du delta de l’Ebre.
Loin de la mer, loin de l’immense fleuve nourricier, l’arrière-pays du delta de l’Ebre étale la splendeur aride de ses plaines, adossées à des montagnes désertiques, parfois plates au point d’évoquer les mesas de l’Arizona. Un paysage adouci par le vert tendre des vignes et le bleu des oliviers qui affleurent dans une dominance de bruns clairs. C’est là que se love Gandesa, la capitale de ces hautes terres.
Noble et discrète
De loin, l’ocre clair des tuiles et des façades semble se dissoudre dans les oliveraies et les parois abruptes du Coll del Moro. Il faut tout l’élancement du clocher baroque, octogonal et vertigineux, pour distinguer la beauté tranquille du village. Une sorte de ruralité sereine semble régner, qui parle d’enracinement et d’effort. Gandesa ne s’offre pas au regard : il faut en deviner les contours et la fière présence.
La croisée des chemins
Nous sommes à quelques encablures des terres de l’Ebre, dans la Terra Alta, là où se retrouvent le Pays Valencien, l’Aragon et le Principat : un pays de confins et de croisées de routes depuis la plus haute antiquité. Un pays aride, dont les contreforts évoquent les Corbières. Un pays ibère, aussi, comme le signe l’étymologie même de Gandesa : le refuge. Déjà carrefour au temps des Romains, la ville se situe aujourd’hui sur les chemins de Saint Jacques et sur la Route des Ibères, véritable porte du Principat.
Au seuil du Pays Valencien
Car Gandesa est catalane, certes, mais on la sent danser sur d’invisibles fils qui l’appellent ailleurs… L’impression est irrésistible : à regarder les enfants jouer dans la rue et les vieux assis sur des chaises qui font la causette, on se retrouve dans une chanson de Raimon ! D’autant que le catalan occidental chante à l’oreille avec ses voyelles toniques et ouvertes : nous sommes vraiment à deux pas du pays valencien, là, de l’autre côté de l’immense fleuve tout proche. Le marché, avec ses légumes locaux et son artisanat a bien plus qu’une fonction commerciale : c’est une agora où les gens se retrouvent pour parler, une sorte de café du commerce de plein air, avec des personnages hauts en couleurs comme la marchande de pastèques, munie de son énorme couteau, en train de faire des cheveux d’ange…
Petite et grande histoire
Gandesa semble née de la terre, de la vigne et des oliviers : à parcourir ses rues étroites, on devine l’écoulement tranquille des siècles, égrené de façade en façade. L’église romane, pourtant maintes fois remaniée, a gardé de sa naissance la quête forcenée de l’ombre et une sobriété apaisante. Son portail, une merveille due aux ciseaux des sculpteurs de l’école de Lleida, vaut à lui seul le déplacement. Le long des venelles, de grandes maisons paysannes racontent les effets de la grande histoire sur ce bourg excentré, mais aussi, la petite histoire de ses habitants, entre artisanat et agriculture.
Un livre de pierre
Le Palau del Castellà porte les traces de son origine templière et défensive : une amorce de pont-levis, les restes d’anciennes douves, de rares ouvertures en ogive. Ici, on l’appelle « la presó » car elle en fit longtemps office. Un peu plus loin, le palais gothique Ca l’Inquistador, l’un des plus grands de toute la comarca de Terra Alta. Le rez-de-chaussée de Cal Pardo abrite sous des ogives basses et vitrées, des outils agricoles d’antan : un minuscule écomusée qui raconte la vie rude des gens d’ici. Ca Sunyer arbore fièrement des armoiries au-dessus de sa porte, dite « porte du cavalier », calculée pour passer le seuil sans descendre de sa monture. Cal Cerer se distingue par ses armes sculptées et l’économie de son architecture résolument médiévale. Pour un peu, on entendrait l’écho des batailles de la Reconquête, terribles sur ces terres méridionales si âprement disputées entre Chrétiens et Sarazins.
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