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Girona, l’art prend l’air !

03 Oct Girona, l’art prend l’air !

L’automne à Girona, c’est non seulement l’heure de la Sant Narcis, la fabuleuse Festa Major de la cité. Mais c’est aussi l’occasion rêvée pour prendre un bon bol d’art frais ! Baignée par les bonnes ondes de l’Onyar, la « Florence Catalane » offre une immersion magique au cœur d’un véritable musée à l’air libre. Avec plus de 150 sculptures signées par les plus grands artistes catalans qui ornent le pavé de la cité et une centaine de fresques murales étonnantes, Girona a fait le pari de l’art de la rue. En toute liberté ! 

Girona, une histoire de « cul » ? Ne soyez pas offusqués. Vous avez non seulement bien lu, mais l’histoire qui suit vous fera rugir de plaisir… Car, comme le dit le dicton catalan, « Qui besa el cul de la lleona torna a Girona ». Comprenez : « Qui embrasse le cul de la lionne revient à Girona ». Drôle de tradition du baiser ! Force est de constater que tout le monde se presse au pied de cette sculpture emblématique de la Lionne de Girona, située près de l’Église Sant Feliu. Cette statue de pierre, dont l’origine remonte au XIIe siècle, représente une lionne grimpante, agrippée à une colonne. Bien que l’animal représente clairement un lion mâle, pour des raisons de méconnaissances zoologiques étranges, il a d’abord été confondu avec un singe (peut-être en raison de sa façon agile de grimper sur la colonne) et plus tard avec une lionne, comme l’a fixé la tradition citadine. La Lleona originale, aujourd’hui conservée au musée d’art de Girona, a été remplacée par une réplique en 1986 afin de mieux conserver cette vieille enseigne de taverne devenue aujourd’hui symbole de la ville. Une échelle a même été installée pour permettre de grimper jusqu’au postérieur de la bête. Pour les habitants, embrasser le cul de la lionne est un symbole de fidélité à leurs racines.

Tàpies, Plensa, Brossa, Guinó, Monsó…à ciel ouvert dans les rues !

Pour les visiteurs, c’est la promesse d’un retour dans cette ville historique et pittoresque. Dans la ville de Girona, d’autres lions peuvent être trouvés, comme celui qui couronne la colonne dédiée aux héros des sièges français sur la place du Marché, ceux d’Enric Monjo sur la façade de la Banque Vitalici de la Gran Via de Jaume Ier, celui qui sert de bec à la Fontaine des Lledoners ou les têtes de lions sur le Pont de Pierre. La statue de la Lionne est bien loin d’être seule à trôner aux abords de l’Onyar. Elle partage son territoire avec 150 autres sculptures disséminées dans l’espace public ! La municipalité de Girona s’est littéralement entichée de « l’art de la rue ». Depuis plus de neuf siècles, Girona porte l’art à cœur. Au XXe siècle, essentiellement entre les années 1980 et 1990, la « Florence Catalane » s’est transformée en « Galerie des Offices » à ciel ouvert ! Les 150 sculptures font aujourd’hui corps avec la cité, ses habitants et ses visiteurs. Superbe invitation au dialogue entre l’art et le quotidien, entre rêve et réalité. Quand les passants, souvent simples observateurs de leur environnement, deviennent participants actifs et interactifs avec ces œuvres recontextualisées par leur regard, leur émotion… Parmi les pièces qui font briller le pavé gironais, on compte une quinzaine d’oeuvres signées par le célèbre sculpteur gironais Paco Torres Monsó, influencé par Maillol et Rodin. « La Ben Plantada », un bronze de 2 mètres de hauteur trône fièrement devant le centre civique de Santa Eugènia ou encore « El Picapedrer » (le Tailleur de Pierre) à la Casa de la Punxa de Girona. Egalement largement présentes dans les rues de la ville, les œuvres du maître incontesté Domenec Fita. Sa sculpture « Tennis » accueille le visiteur du club de tennis de Girona. Immanquable, le buste de l’écrivain Prudenci Bertrana sur la Place de Catalogne de Girona réalisé par l’illustre sculpteur Ricard Guinó, disciple de Maillol et d’Auguste Renoir.  Au rang des artistes non originaires de Girona, on ne manquera pas de citer le sculpteur graveur barcelonais de renommée internationale Jaume Plensa qui laisse sur l’un des rond-points de la ville une superbe « Capsa de Llum ». Un cube de pavés translucides au double jeu de lumière. Dans le registre des artistes étoilés, le barcelonais Antoni Tàpies est aussi venu accrocher une « Composició » de bronze de 700 kilos à la façade de la Caixa Girona. Sans oublier l’inénarrable poète visuel Joan Brossa, et son « A de cinema » planté sur le toit du Musée du Cinéma de Girona et sur une colonne, toujours entre langage et objet. Dans cette symphonie de liberté et d’expression artistique, Girona s’est trouvé un autre terrain de jeu à l’air libre : le street art. Libres de toute contrainte institutionnelle, les œuvres dites d’art urbain transcendent les murs et les trottoirs, transformant l’espace public en une toile vivante où s’exprime l’âme de la cité.

Flash coloré sur la peau des murs de Girona

Géniaux, audacieux, parfois provocateurs, « les artistes du spray » dénoncent les injustices, célèbrent les diversités, et appellent à une prise de conscience collective. « Une ville sans graffitis, c’est comme un champ sans fleurs », disait le professeur de l’Université de Berkeley, Greg Niemeyer. Il ne pensait pas si bien dire à propos de Girona, connue et reconnue depuis presque 70 ans pour son festival « Temps de Flors », célébré chaque année au mois de mai. Désormais, c’est toute l’année que les murs, les façades, les portes de garages, les dessous des ponts explosent en une mosaïque éclatante de couleurs et de formes. Une centaine de fresques murales, éclatent la rétine des visiteurs. à Girona, elles racontent des histoires de luttes, d’espoir et d’amour. Derrière les sprays, des artistes muralistes catalans dont Zozen Bandido considéré comme l’un des pionniers de l’art urbain à Girona.

À l’origine, le Milestone Project et le Monar’t Festival

Depuis les années 90, ses œuvres ornent les murs de la ville, entre couleurs et  provocation. Son style ? Des lignes fluides et des personnages expressifs aux messages de contestation et de réflexion. L’empreinte féminine revient à la gironine Andrea Michaelsson alias Btoy. On lui doit le puissant portrait d’Antònia Adroher, féministe et activiste, première femme conseillère municipale de Girona. C’est Btoy qui signe également les portraits de Malcolm X et de Martin Luther King. Quant au face à face monumental féminin réalisé par Ilich Roimeser, Marina et Ivan Yagoda, il éclaire magnifiquement la mixité de la population et vient s’incruster dans les vêtements de deux femmes. Le passé sur la gauche, la jeunesse sur la droite. Une œuvre qui sonne comme un passage de relais générationnel sur fond de mixité sociale et raciale. Ces quelques exemples s’inscrivent dans les deux festivals de street art qui ont contribué à situer Girona sur la carte des villes qui comptent sur le plan de l’art urbain. C’est le festival contre-culturel Milestone Project qui a « bombé » le premier et coloré Girona de 2012 à 2019. Le Monar’t a repris le flambeau. Il célèbre fin septembre 2024 sa 6e édition. Au menu, 11 nouveaux espaces de création avec pour thème : la diversité et la richesse culturelle. C’est là la marque de fabrique de ce festival d’art urbain qui se tient annuellement dans les quartiers de Santa Eugenia et Can Gibert del Pla. Toutes les associations et tous les habitants ont droit au chapitre et sont impliqués avec les artistes dans la créations des fresques murales. Projet artistique, culturel et communautaire, le Monar’t a pour objectif d’embellir les quartiers, de leur donner de la visibilité et de développer le territoire artistiquement. Pari gagné ! Les graffeurs du monde entier se pressent au portillon. Girona fleurit, Girona se transforme à vue d’œil. Depuis quelques années, la belle médiévale apporte une nouvelle dimension à son paysage urbain. Visionnaire et engagée, Girona dégage une folle énergie artistique et esthétique. Impossible de ne pas être touché par ce souffle flamboyant de la créativité humaine.

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