14 Nov Histoires de Résistances
Il y a des terres que l’histoire népargne pas. Elles ont le malheur de devenir à un moment ou à un autre un enjeu entre deux royaumes, deux empires, deux états et deviennent dès lors, le siège de combats quasi-permanents qui les laissent exsangues. Ce fut le cas de la Pologne, coincée entre Russes et Allemands. Mais aussi celui de la Catalogne du nord, monnaie d’échange permanente entre la France et les Espagnes.
A toute tragédie ses héros. Aussi, l’histoire des comtés de Roussillon et de Cerdagne est-elle émaillée de grandes figures qui toutes, se sont élevées contre l’oppresseur, la plupart du temps au prix de leur vie. Cap Catalogne a souhaité leur rendre un légitime hommage, en commençant par la masse des anonymes, les populations.
Aux côtés des Cathares
Tout commence avec l’épopée cathare, lorsque le Pape Innocent III décide de lancer une croisade menée par Simon de Montfort contre ces hérétiques encombrants. Il faut dire que de nombreux aristocrates de la riche Occitanie ont été tentés par cette nouvelle religion qui menace la puissance de l’église. Non seulement le roi catalan Pere Ierd’Aragon vient mourir sous les murailles du Muret en 1213, pour défendre les Comtes de Toulouse contre la mainmise des barons du nord, mais les Occitans, de confession ou de sympathie cathare poursuivis par l’Inquisition, passent la frontière des Corbières ou des Pyrénées par centaines, changeant définitivement la physionomie du pays. Le Traité de Corbeil (1258), douze ans après le bûcher de Montségur, signe la fin du vieux rêve ultramontain des comtes catalans contraints désormais de se développer vers la Méditerranée, pour éviter la tenaille franco-castillane. Les Corbières se couvrent de forteresses catalanes ou françaises, parfois distantes de moins d’un kilomètre. La population des comtés du nord se retrouve donc sous domination catalane.
La population encore
Dès lors, la tentation est grande, au nord, de repousser la frontière du Royaume de France au sud de la fragile ligne des Corbières. La Papauté, en pleine reconquête contre les « hérétiques » et dopée par le succès des Dominicains et de leurs prêches itinérants, soutient la France dans son sinistre dessein. La Sicile est alors le théâtre par ricochet de ce conflit puisqu’elle est convoitée par la couronne d’Aragon, mais occupée par la famille d’Anjou au nom de la France. Philippe le Hardi profite du soulèvement des Siciliens contre le joug français et du fait qu‘ils se soient placés sous la protection des Aragonais-Catalans, événement tragiquement connu sous le nom des « vêpres siciliennes », pour attaquer la Catalogne en représailles, avec la bénédiction du pape. Ce dernier n’hésite pas à excommunier au passage Pierre III d‘Aragon et à déclarer la « croisade » contre la Catalogne. Mais la population ne l’entend pas de cette oreille et offre une forte résistance. Le typhus vient opportunément frapper l’armée française. Philippe le Hardi meurt à Perpignan après avoir perdu Girona, faisant naître un durable ressentiment anti français parmi les nord-Catalans. Furieux, son fils Philippe le Bel laisse sur place une armée d’occupation. Il faut attendre l’avènement du Royaume de Majorque pour qu’enfin, les Français s’en aillent.
La population toujours
Deux siècles plus tard, Louis XI, violant ses engagements, reprend le pays, au prix de dévastations systématiques qui le font haïr. Son ambition, après avoir réduit la Bourgogne, est d’agrandir le royaume de France. Le roi de Majorque, Jacques II, brouillé avec son frère pour des raisons d’héritage, se range du côté des Français mais la population résolument catalane passe outre et résiste à l‘envahisseur. Elne est prise en décembre 1474 et sa population purement et simplement massacrée. Les forces françaises réoccupent Perpignan le 10 mars 1475. Le 13 mars, Bernat d’Oms, Gouverneur du Roussillon, fait prisonnier à Elne, est décapité. Le 10 mai 1475, après un siège terrible de huit mois, les Perpignanais affamés acceptent l’ordre de Joan II roi d’Aragon Comte de Barcelone, de se rendre aux Français. Il leur décerne alors le titre de Fidelíssima Vila de Perpinyà, pour récompenser leur héroïque résistance. Dans la foulée, le sentiment anti français est monté d’un cran.
Un héros mythique
Ce siège a son héros, le consul en cap (maire) de l’époque. Sommé de choisir entre la vie de son fils tombé aux mains des Français et le fait de leur ouvrir les portes de la ville, Joan Blanca a choisi de sacrifier son fils, dans l’attente de la décision de son roi. Une plaque placée sur le Castillet commémore ce haut fait, qu’aucune preuve historique ne vient cependant étayer.
D’Artagnan pour ennemi
Tout au long du XVIIe siècle, les Bourbon de France et les Habsbourg d’Espagne se livrent une guerre sans merci pour conquérir l’hégémonie sur la Catalogne, qui symbolise une passation de témoin entre le « siglo de oro » et le « grand siècle » . Lassés du joug espagnol, les Catalans se révoltent en 1630 : c’est la guerre des Ségadors qui donne lieu à un invraisemblable chassé-croisé de troupes avec leurs lots de pillages et de viols. Le Roussillon est assiégé en 1642 par 10 000 hommes, à la tête desquels les mousquetaires du Roi, d’Artagnan et Turenne. La flotte française installe un blocus sur le port de Collioure, n‘obtenant la reddition du château qu‘après avoir détruit les puits. Il faut attendre 1659 pour que revienne une paix relative, basée sur l’exil des élites, l’occupation militaire et une francisation à marche forcée.
Mère Antigo : une âme de résistante
Mère Antigo était en 1651 la supérieure du Couvent des Clarisses. En 1652, Sagarra, gouverneur du Roussillon occupé par les Français, l’envoie à Barcelone avec 20 autres religieuses. Elle regagne pourtant son couvent en 1659 et n’a de cesse dès lors de se battre pour défendre les usages locaux, la langue catalane et la ferveur catholique, imitée par une grande partie du clergé, peu soucieux de prêcher dans une langue étrangère auprès de populations illettrées. Le choc culturel est violent et durable et la greffe ne prendra qu‘avec l‘afflux de populations extérieures et les conscriptions du XXe siècle. Ce choc va trouver un paroxysme dans la « revolta des angelets » également appelée « guerre du sel ».
Josep de la Trinxeria
Dans les hautes vallées du Vallespir et du Conflent, le sel est vital. On vit de salaisons et le bétail a besoin de sel, c’est une question de survie. L’imposition de ce produit de première nécessité, avec l’implantation de la gabelle, permet de donner corps à un sentiment anti-français violent et viscéral. Très vite, les Français organisent des fouilles pour détecter le sel de contrebande. L’arrestation de l’Hereu Just, accusé de détenir illégalement du sel, sonne le temps de la révolte. Ici, pas de bourgeoisie à acheter, prompte à singer les mœurs de l’occupant. A Saint Laurent de Cerdans, à Prats de Mollo, à Villefranche de Conflent, les conjurés travaillent pour que leurs vallées soient à nouveau rattachées au reste de la Catalogne. Derrière le prétexte économique, c’est un baroud d’honneur culturel qui se livre, l’expression d’un refus d’assimilation. Menés par Josep de la Trinxeria, les guérilleros battent les Français à Arles, puis Céret. En représailles, ces derniers n’hésitent pas à brûler totalement La Jonquera. Après presque 20 ans de guerre, le nombre finit par parler pour les Français et les Angelets qui ne sont pas exécutés passent au sud. Après une carrière de mercenaire dans les armées espagnoles, Josep de la Trinxeria meurt à Olot. La guerre aura duré de 1661 à 1675. Les vallées concernées sont encore aujourd’hui les plus catalanophones de la Catalogne du nord.
Amour et trahison
En 1674, les principaux chefs du mouvement des Angelets dans le Conflent, réunis à Villefranche par la famille de la Llar, fidèle à la Catalogne, envisagent de livrer la citadelle aux insurgés et de couper ainsi aux Français la route des Pyrénées. Inès, la fille du seigneur de la Llar est alors amoureuse d’un militaire français auquel elle dévoile à demi-mot l’existence d’un complot. Ce dernier saisit aussitôt le grand conseil du Roussillon qui arrête les conjurés. Les têtes d’Emmanuel de Callar, de Carlos de Callar et de François Soler, exécutés place de la Loge, sont exposées pour l’édification des masses et Inès jetée dans un couvent. C’est le dernier événement d’une révolte dont les livres d’histoire ne font aucune mention.
Double résistance
Pour autant, la résistance des Catalans du nord ne s’illustre pas uniquement contre les Français. Après la mort de Martin l’Humain qui livre la Catalogne à la Castille en 1410, les phases d’occupation espagnole sont peu appréciées des Roussillonnais, qui, là encore, voient le droit et les usages catalans bafoués. C’est bien le hasard de l’histoire qui les a ainsi contraints à passer d’un pouvoir à l’autre sans jamais accéder à la maîtrise de leur destin.
Deux guerres en une
Au XXe siècle, le Roussillon paie proportionnellement le plus lourd tribut de l’hexagone en vies humaines, pendant la première guerre mondiale. Sans doute le fait que ces hommes ne comprennent pas la langue de leurs officiers, joue-t-il un rôle majeur dans cette boucherie. Puis, la Catalogne du nord subit de plein fouet la guerre d’Espagne, en accueillant dans un premier temps les Franquistes repoussés par les Républicains, puis les exilés de la retirada, soit 450 000 personnes en 15 jours. Les Républicains seront nombreux à s’engager dans les maquis de la résistance au nazisme, dont la grande activité a été en Catalogne du nord, les réseaux de passage vers l’Espagne et au-delà jusqu’au Portugal. Mais de grandes figures roussillonnaises ont également émergé, notamment celle de Louis Torcatis ou de Julien Panchot qui luttèrent vaillamment contre l’occupant nazi. Natif d’Estagel, Louis Torcatis est mobilisé en 1939 et participe aux combats sur la Ligne Maginot. Il est fait prisonnier en juin 1940 et s’évade lors de son transfert vers l’Allemagne en août de la même année. Militant communiste et officier de réserve, il refuse la défaite et s’engage dans la Résistance française sous le nom de Bouloc. Il devient en janvier 1943 le chef départemental de l’armée secrète des Pyrénées-Orientales. Il crée à la fin de 1943 les Groupes Francs des cinq départements de la région R3. Il est nommé lieutenant-colonel des Forces Françaises de l’Intérieur au début de 1944 Traqué par la Milice française et la Gestapo, il tombe dans une embuscade le 17 mai 1944 à Carmaux dans le département du Tarn. En juillet 1944, le maquis francs-tireurs et partisans Henri Barbusse, composé de résistants français et de guérilleros espagnols, s’installe dans les anciennes mines de fer de la Pinosa au-dessus de Valmanya. Le maquis mène alors une opération sur la ville de Prades s’emparant des fonds nécessaires à son activité et de trois collaborateurs qui furent fusillés. Le 1er août 1944, des troupes allemandes mènent une opération de représailles sur Valmanya. Les maquisards, sur leurs gardes, avaient mis en place des postes de surveillance. Voyant le convoi allemand arriver de Vinça, ils l’attaquèrent à 500 m du village. En retardant les Allemands et les miliciens, le maquis permit à la population de fuir dans la montagne, mais Valmanya fut pillé et incendié. Simultanément des troupes allemandes attaquèrent le camp du maquis à La Pinosa : les maquisards et les guérilleros tentèrent de riposter mais la lutte était inégale et les Résistants se dispersèrent après 3 heures de combats, faute de munitions. Le capitaine Julien Panchot, blessé, fut torturé et achevé par les Allemands et les miliciens. Il faut rajouter à ces actes de bravoure le refus massif des jeunes de répondre au STO. Ils sont des centaines à avoir choisi les chemins de l’Espagne pour rejoindre les forces françaises à Londres ou en Algérie, notamment à Céret.
Le sanctuaire
Enfin, pendant toute la durée du franquisme, d’irréductibles Catalans, le plus souvent anonymes, ont lutté depuis la Catalogne du nord contre Franco, passant livres, films, armes et gens, manifestant à chaque nouvelle ignominie du régime. Ils ont programmé des chanteurs interdits, traduit des dizaines d’ouvrages, fondé des partis politiques catalans, maintenant le flambeau d’une Catalogne hispanisée à tour de bras et de garrot.
Aujourd’hui
Dans les hauts cantons se maintient encore la braise de la langue des pères, tandis que peu à peu s’éveille une conscience identitaire ouverte aux nouveaux arrivants, fière de son histoire et intimement liée à sa part manquante, le sud. C’est aujourd’hui qu’il appartient à la Catalogne du nord de livrer son dernier combat : celui de la transmission et de la survie.
Simon Lanterni
Posted at 05:51h, 30 octobreLe département des Pyrénées-Orientales a été avant tout un haut lieu de la collaboration. Les valeureux Résistants y furent décriés, trahis, pourchassés par l’essentiel de la population, acquise en majorité à la cause de l’extrême droite collaborationniste.. Les noms de résistants catalans, sont certes nombreux, Il y a même des femmes. Francine Sabaté, employée de préfecture déportée pour aide à la Résistance avec des faux papiers… Ou la Résistante communiste Rosette Blanc, officier de la Résistance par sa bravoure, elle n’a que 23 ans quand elle meurt à Auschwitz, après arrestation et torture par la police de Vichy, puis la gestapo… Mais Jospeh Pascot, de l’équipe de l’USAP championne de France en 1938 a été ministre de Pétain, et a fait exécuter des “copains” de rugby devenus pour leur part résistants. Il fera interdire d’appeler “rugby” le XIII dont la fédération devenait trop puissante grâce à son développement sous le Front populaire… Condamné à mort par contumace à la Libération, il finit sa vie tranquillement, protégé par l’Eglise en Espagne et revenant en France dans la plus grande impunité autant de fois qu’il le voulait, avant une amnistie… Et que dire de Brasillach, cet intellectuel et avocat collabo catalan ? Il apparait carrément en uniforme SS sur la fin de la guerre ce qui fera que ce traitre verra sa grâce refusée par le Général de Gaulle. Ce dernier fut aussi victime d’une tentative d’attentat de la part d’ex-OAS lors d’une visite sur le littoral le 24 octobre 1967 (son avion saboté s’écrase sur les vignes des quartiers nord au redécollage, et, miraculeusement, le Général avait changé de moyen de transport au dernier moment…) Etre catalan c’est hériter de l’Histoire, mais la vraie, sans le fard de la gloriole qui tôt ou tard prend la couleur du ridicule…