01 Août La Barceloneta
Respectable et branchée, coquine et classe, la Barceloneta vous séduira avec son mix unique de Pacific Palissade et de Côte dAzur qui nentame en rien sa catalanité décomplexée
Barcelone a aussi ses plages, parce que Barcelone est née de la mer et ne sait pas vivre sans l’appel de son port à fleur de rambles, sans l’appel de ses vagues au pied des restaurants. Comme si la ville ne se suffisait pas, comme si l’architecture, si belle, si unique, avait besoin d’une fenêtre sur le large pour lui donner vision et profondeur. Comme s’il fallait à tout prix dénicher autre chose que la beauté de la Sagrada Familia. Comme si les Ramblas étaient finalement devenues lassantes. Dans l’histoire, le plus original, c’est justement que Barcelone ne s’épuise jamais. La Sagrada continue inlassablement à changer de visage et les Ramblas pulsent de mille nouveaux mimes et d’un unique brouhaha. Tous les jours, en toute saison, Barcelone lève un peu plus le voile de son intimité.
La Barceloneta à l’affût de la nouvelle vague !
Mais en été, il faut le savoir, c’est sur ses plages qu’elle livre ses plus beaux avantages. C’est là qu’elle se venge de la chape de plomb du soleil, littéralement étouffante. Toujours « border line », toujours à l’affût de la nouvelle vague, Barcelone est ainsi passée reine des « plages urbaines », sans avoir besoin de recourir aux artifices des villes tristement continentales. Belle naturellement. Quatre kilomètres de chemin d’or chaud, à la lisière de la ville. Quatre kilomètres de littoral cuivré et de sables assoupis. Entre la « platja de San Sebastià » au sud et la « platja de Nova Mar Bella » au nord, La Barceloneta s’incruste fièrement. La Barceloneta : une frange de 1 100 mètres, réservée à l’une des plus célèbres plages de Barcelone, mondaine et bon enfant à la fois. Alanguie entre le carrer Almirall Cervera et le Port Olympique, La Barceloneta éclabousse ses admirateurs de toutes ses ardeurs. Car oui, osons le dire, elle est ardente, presque insolente. La Barceloneta claque à l’œil, elle gifle les habitudes. Parce qu’elle est terriblement double ! A bâbord, elle est considérée comme la plage la plus traditionnelle, la plus riche sur le plan de l’histoire. A tribord, elle joue les « avant-gardistes », les plus branchées. Et c’est précisément de cette double richesse qu’elle puise son incroyable force d’attraction et qu’elle se transforme allègrement en plage « pas comme les autres ».
Paradis des marins et des pêcheurs
Pour mieux la saisir, il faut remonter le courant jusqu’en 1714. Barcelone est alors en proie à la Guerre de Succession et sous les bombardements impitoyables de Philippe V, 1 345 logements du quartier de la Ribera sont détruits. C’est alors la fuite vers les extérieurs de la ville, vers la mer. Là, hors des murailles, on tente tant bien que mal de se reconstruire un toit. En 1737, le « Barri de la Platja » (quartier de la plage) compte déjà 215 habitations pour un millier de résidents. Un quartier sans plan où règnent la débrouille et le bric-à-brac, une sorte de Bourdigou urbain aux allures de bidonville amélioré. En 1753, ce processus de constructions anarchiques est remplacé par un projet de quartier quadrangulaire composé de quinze rues étroites disposées parallèlement au quai du port, de trois rues transversales et de deux places. Le quartier populaire de la Barceloneta était né ! Paradis des pêcheurs et arrimeurs, il faut imaginer l’esprit marin des lieux ainsi que la plage gorgée de barques ventrues avec leurs voiles latines gonflées aux quatre vents. Mais le destin n’est pas quitte. Bombardée durant la Guerre Civile, La Barceloneta a toutefois réussi à conserver cette atmosphère iodée et un esprit largement tourné vers l’horizon. Aujourd’hui, il faut oser s’engouffrer dans le « Carrer del Mar » et s’y délecter des superbes façades. Devant « Can Solé », ce coquet restaurant fondé en 1903, impossible de résister aux plats typiques de fruits de mer et de riz. Du « carrer dels Pescadors » à celui « de la Sal » ou encore « del Llagut », les noms de rue rappellent sans cesse le caractère éminemment maritime du quartier. Autre passage obligé avant d’aller à la plage toute proche, le fameux marché couvert de la Barceloneta, un immense scarabée de tôle ondulée sous lequel se niche un des lieux les plus animés et les plus conviviaux de la ville. Là, en plein cœur de ce quartier traditionnel, face à une superbe place où résonnent les cris et les rires d’enfants, l’avant-garde gastronomique garde le cap sur fond de poulpe design et de déco ultra-orangée. Au plaisir des papilles se substitue alors instantanément celui, salé, au goût indéfinissable d’azur, celui que l’on appelle simplement le plaisir de la mer… En pleine ville et à deux pas du Born, son quartier historique !
La plage de glace !
Tous les week-ends de l’année et encore plus quand le soleil cogne, la plage de la Barceloneta adore aimanter ses visiteurs. C’est instantané, un brin brusque, c’est comme ça. La Barceloneta chamboule les clichés sablés. Drôle de plage à deux étages ! En haut, elle déroule son « Passeig maritim » façon promenade des Anglais niçoise, avec vue imprenable sur la Méditerranée. Entre flâneurs et rollers bladers, c’est le grand défilé des bronzés. Sous l’enfilade de palmiers, les enfants restent bien souvent bouche bée. Entre deux palmes, il n’est pas rare en effet de voir des perruches picorer les grappes de dattes. En famille, en couple ou en solo, la météo des humeurs affiche grand beau et décontraction totale. Balade au ralenti, pause « vie en rose ». Tout près, les vagues se pressent et se bousculent. Echos d’écume. Quatre papis ont déplié leur table en plastique, à l’ombre, en contrebas du « passeig ». C’est l’heure de la partie d’échecs. Plus loin, quatre autres papis espadrillés et ainsi de suite… C’est bien là, en contrebas, que tout se passe, que l’on plonge définitivement dans le bain de la Barceloneta. « Salcafé », terrasse en teck, déco soignée, bar carrelé d’orange exagéré. « Arenal », tout en longueur, photos de barques en noir et blanc, pêche aux souvenirs. Entre les terrasses et l’eau, le sable. Un ourlet jaune soleil. Ils sont des centaines chaque été à venir s’allonger sur leur drap de bain et à profiter du spectacle ambiant, finalement très loin des bousculades du métro tout proche et de la foule bigarrée des rambles.
La Croisette ? Le Lido ? Non, La Barceloneta !
Oui, La Barceloneta est un spectacle permanent. Il y a ceux qui sirotent leur « granissat » ou leur « orxata de chufa », ceux qui s’improvisent pour une partie de volley, ceux qui préfèrent le ping-pong en bord de mer. Il y a encore ceux qui tentent la salle de musculation « open air » ou celles qui préfèrent promener leur bikini dernier cri le long de la grève. Malibu, Copacabana, Varadero ? Non, Barceloneta ! Il y a franchement de ça. Des airs de mode US, une touche brésilienne et un soupçon d’ambiance cubaine. Les surveillants de baignade sont perchés sur des « miradors » ultra profilés. Tout est millimétré, encadré, peaufiné. Loin des étendues sauvages, La Barceloneta affiche avec fierté son urbanité en un savant mélange de nature et culture, de terre et de mer, de décoration et de mode. Plus on avance vers le Port Olympique, plus la tendance se confirme. Sur le sable, les activités ne changent pas. Sur l’eau, on nage, on navigue, on plonge. Immersion dans le monde de l’été barcelonais, semblable à tous les autres, avec un zeste de chic en plus.
Surenchère de bars branchés
Côté déco, c’est la surenchère. Une invasion maîtrisée et classieuse d’endroits tendance. Un « lounge club » en cache un autre. Le « Shôko » décline ainsi son rouge et noir en version allongée avec vue imprenable sur la plage. Le « Carpe Diem » fait quant à lui dans le beige coussins moelleux. Le nec plus ultra reste cependant « L’Icebarcelona » ! Bar de tous les possibles, établissement de tous les contrastes, il est en effet le premier « icebar » du monde à s’être installé directement sur la plage ! Murs de glace, canapés, tabourets, comptoirs et verres… tout est en glace ! Pour 15 euros, et en deux pas, vous passerez ainsi d’une température extérieure de + 35°C à – 5°C ! Sur la plage de la Barceloneta, rien n’est impossible. On peut croiser des « people » comme on peut croiser une mamie, avec un panier chargé de provisions. On peut manger traditionnel, comme on peut s’essayer à la cuisine moléculaire. Entre le Port Vell (vieux port) et les tours jumelles Mapfre, la Barceloneta a pris ses aises. Elle est aujourd’hui, non seulement la plage la plus courue des Barcelonais, mais aussi une de celles pour lesquelles on se déplace de toute l’Europe, à l’instar des plages de Cannes ou de celles de Deauville… Barcelone est un must multiforme et magique.
Touristique mais obstinément écologique
A tel point que le « centre de la platja », un centre d’informations spécialement dédié à la plage s’est installé sous le « passeig ». C’est, entre autres, ici, que l’on peut récupérer les cendriers jetables orange « spécial plage ». En été, qu’il s’agisse de sports nautiques, d’animations pour adultes ou enfants, c’est encore là que l’on peut venir se procurer tous les programmes des festivités. C’est aussi là, tout près de l’Hospital del Mar, que sont distribuées des plaquettes d’information concernant la préservation du littoral. Particulièrement soucieux de leur faune et de la flore aquatique, les services de l’environnement lancent ainsi régulièrement des signaux d’alerte aux usagers de la plage et de la mer. Parmi les parades évoquées pour réduire la pollution, l’idée originale du « Co-embarquement » (barca compartida) a vu le jour. Il s’agit, à la manière du co-voiturage, de diminuer les coûts d’amarrage ainsi que l’utilisation de produits d’entretien. Quant à la surexploitation des eaux, la campagne « El peix petit, ni pescat, ni menjat » (petit poisson, ni pêché, ni mangé) lancée par la Generalitat de Catalunya et la direction générale de pêche maritime, essaie de sensibiliser toutes les personnes qui seraient tentées de lancer leur ligne sans la moindre conscience écologique. Entre beauté naturelle et nouveautés importées, la plage de la Barceloneta reste celle du melting-pot géant. Un lieu magique où les vieux joueurs d’échec catalans côtoient les naïades du nord de l’Europe, un lieu où les surfeurs arrivent en « Bici », (vélo) planche sous le bras pour aller taquiner la « wave », un lieu à la fois gay-friendly et super traditionnel…
Mais, c’est encore au coucher du soleil, lorsque les rayons effleurent les toits des « chiringuitos » installés à proximité du vieux port que La Barceloneta se savoure avec le plus d’authenticité. C’est l’heure où tous ceux qui ont travaillé dur confluent vers la mer à la recherche d’une détente pas comme les autres, qui s’adapte à toutes leurs envies, des plus simples aux plus sophistiquées. A la planxa et sans chichis !
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