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LA PATUM : INDEPASSABLE

03 Avr LA PATUM : INDEPASSABLE

Pa-tum, pa-tum, pa-tum : le grand, l’immense tambour posé sur la plaça major commence sa scansion quasi-millénaire. C’est lui qui donne son nom à la fête de la Patum de Berga : une fête totale, unique, venue du fond des siècles qui attire une foule immense de curieux venus de toute la péninsule et parfois de beaucoup plus loin.

patum2Six siècles vous contemplent

On trouve la première occurrence de la Patum de Berga en 1454, pour les festivités liées à la Fête-Dieu qui rappelle aux chrétiens l’importance de l’eucharistie. Ailleurs en Catalogne, cette grande liesse chrétienne se traduit par de majestueuses processions qui foulent de somptueux tapis de fleurs, mais ici, elle libère dans les rues un bestiaire extrêmement ritualisé dont les déambulations diverses vont durer cinq jours !

Païenne et catholique

La Patum s’impose en effet comme la géniale confluence d’éléments hétéroclites : un fonds païen lié aux fêtes de résurgence du printemps, la commémoration des guerres entre Maures et Chrétiens, si longue et si disputée sur ces terres orientales, et enfin, la lutte éternelle entre le Bien et le Mal, couronnée par la victoire du premier et l’avènement du christianisme, symbolisé par son sacrement le plus important, l’eucharistie.

Les bons et les méchants

Ces oppositions manichéennes, autrefois destinées à instruire le peuple autant qu’à canaliser ses instincts, sont scénarisées, chorégraphiées, mises en musique et incarnées par une foule de personnages hauts en couleurs qui empruntent évidemment au bestiaire traditionnel catalan. Un véritable peuple parallèle semble littéralement surgir, né de l’imaginaire populaire, puis enrichi au fil des décennies, et frappé au sceau de la dualité, comme tous les bons contes de fées.

Une histoire mouvementée

Au départ, la fête s’appelait la Bulle du Saint Sacrement, avant de prendre son nom définitif en 1795. Elle fut interdite en 1689 par l’évêque de Solsona qui la jugeait trop païenne, puis aussitôt rétablie, avant d’être chassée de l’intérieur de l’église par l’un de ses successeurs. Pourtant, l’église a fini par comprendre la dimension mythique de cette expression du génie populaire qui met en scène les guerres qu’elle-même a eues à mener !

patum3Allégorie des guerres

En effet, les Turcs, habillés en sarrasins s’opposent aux cavallets, ces centaures de carton-pâte qui figurent les chevaliers chrétiens de la Reconquête. Les Anges menés par Saint Michel finissent par avoir raison des Plens (les diables) vêtus de rouge et de vert et armés de grandes masses, sous les yeux des Gegants (la noblesse) et des Nans vieux et jeunes (le peuple). Au milieu circulent des mules rueuses de toutes tailles aux têtes de dragons et au cou de girafe et enfin, l’àliga, l’aigle royal, symbole de la paix retrouvée !

Des gimmicks personnalisés

Evidemment, comme dans les comédies musicales ou les opéras, chaque personnage ou groupe de personnages, dispose de sa propre musique et de ses propres chorégraphies, pour rendre la dramaturgie plus lisible ! A cet effet, pas moins de trois ensembles animent les festivités pendant cinq jours : la Cobla Pirineu, la Cobla Ciutat de Berga et enfin la banda de l’école municipale ! C’est le cas de le dire, tout est réglé comme du papier à musique…

Une préparation active

Imaginez en off, dans le secret des maisons et des garages, le travail minutieux de dizaines de costumiers improvisés, d’artisans mettant la dernière main aux accessoires des personnages, de couturières affairées, les répétitions dans toutes les salles de la ville… Dame, il faut habiller plus de 280 protagonistes adultes, près de 200 enfants, régler les scènes… Tous les ans toute une population est tendue vers le même objectif : la Patum. Et ça dure depuis 600 ans !

Une équipe au top

Le comité d’organisation regroupe tous les chefs de groupe des « comparses », l’adjoint en charge de l’organisation de la Patum et de la culture, le maire, un historien et un administratif. C’est le grand événement de l’année, plus de 30 000 spectateurs s’y bousculent. Il ne doit pas y avoir le moindre grain de sable dans les rouages, ni le moindre accroc en termes de sécurité, notamment en ce qui concerne la pyrotechnie.

Des sentinelles désignées

Pour superviser cette minutieuse horlogerie, quatre couples d’administrateurs ont été choisis parmi les personnalités marquantes de la ville : les femmes sont recouvertes de longues mantilles noires. Immobiles, ils suivent l’action depuis le balcon de l’hôtel de ville, vigies silencieuses et attentives, gardiennes d’un culte presque millénaire, que l’Unesco a inscrit au patrimoine immatériel de l’Humanité, au même titre que les castells.

patum4L’Annonciation

Pour que nul n’ignore l’imminence de ces journées, le grand tambour emblématique, énorme, plus de 18 kg, fait entendre sa voix grave née d’une peau de chèvre, dès le dimanche de l’Ascension, après le Conseil Municipal exceptionnel qui décide ou non de la tenue de la fête. Le faux suspens une fois rompu, l’Aigle et le Tambour dansent dans les rues pour annoncer la bonne nouvelle aux habitants.

Les quatre fouets

Le dimanche suivant, jour de la Sainte Trinité, ont lieu les « quatre fouets », deux ballets de diables portant des masses, qui font claquer de grands fouets, toujours au son de l’auguste tambour. A l’origine, il s’agissait de « tester » la production de l’année. C’est aujourd’hui l’occasion pour les « patumaires » de se retrouver juste avant le début de la fête proprement dite.

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