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La route Cistercienne

07 Déc La route Cistercienne

Ruta del Cister : articulé autour de trois abbayes qui comptent parmi les plus belles d’Europe, à la croisée de trois comarques, un chemin d’émerveillement vous attend.

C’est un triangle d’or à la croisée de trois comarques, en plein centre du pays : l’Alt camp, la Conca de Barberà et l’Urgell. Trois joyaux absolus du patrimoine mondial s’y sont donné rendez-vous pour défier les siècles, trois abbayes gothiques de toute beauté qui sont aussi des mausolées où reposent nos comtes-rois et leurs proches les plus fidèles : Vallbona de les Monges, Santes Creus et Poblet. Gardiennes de la mémoire des gloires historiques d’antan, elles sont aussi les principaux maillons d’une route qui égrène les curiosités et les émerveillements : la Ruta del Cister ou route cistercienne.

route2Toute la beauté du monde

Est-ce la beauté des paysages qui a décidé de l’installation des premiers moines et des premières moniales, ou bien la providence a-t-elle jalousement veillé à circonscrire tant de bienfaits dans un espace donné ? Comment expliquer, concentré en si peu de kilomètres, ce dialogue multiséculaire entre la nature généreuse et le travail des hommes et des femmes de foi, tout entier au service de Dieu ? Toujours est-il que le triangle enchanté de la Ruta del Cister ne ménage pas ses sortilèges…

Dans les pas des Cisterciens

Un instant séparées par des cloisonnements administratifs intempestifs qui les faisaient dépendre d’autorités touristiques différentes, ces trois merveilles sont maintenant réunies par une opération de marketing territorial exemplaire et fédérative qui fait du patrimoine – ou plutôt des patrimoines – le fer de lance absolu du territoire : une route pas comme les autres, inventée il y a vingt-cinq ans dans les pas des Cisterciens : la Ruta del Cister, dont le titre, plutôt historique, recouvre une réalité beaucoup plus multiple…

Un chemin de pèlerins

Tout commence avec le GR 175, qui traverse les terres des trois monastères. En 1996, le Centre Excursionniste de la Xiruca foradada (la chaussure trouée) le dote d’une première signalisation largement optimisée par la suite en 2007. Dans la foulée, en 2008/2009 sont créées des passerelles et des rampes qui facilitent l’utilisation générale du sentier, y compris pour les personnes à mobilité réduite et les enfants, et permettent, autour des joyaux architecturaux que constituent les trois monastères, de découvrir le patrimoine naturel des trois comarques. La signalisation, revisitée, permet de se repérer et de disposer en permanence de tous les renseignements utiles.

A cheval sur les trois comarques

Naturel, mais aussi immatériel, le projet de la Route des Cisterciens vient de naître. 65 communes, de toutes tailles et de toutes physionomies, appartenant aux troiscomarques, s’empressent d’y adhérer, soucieuses de faire connaître leur gastronomie, leur artisanat, leur architecture et surtout, les gens de ce pays pluriel, terre de passage depuis toujours et qui, pourtant, ressemble à une île plantée au cœur des terres. C’est le carnet 6T, un sésame absolu pour le visiteur : il ouvre toutes les richesses de ce triangle d’or.

route3La route de soi

Soutenue par les collectivités territoriales (consells comarcals), les villes et les entreprises concernées par le tourisme, au sens le plus large du terme (associations sportives, offices de tourisme, restaurants, hôtels, gîtes, structures culturelles, ateliers d’artistes et d’artisans), la Ruta del Cister s’appuie sur un constat très simple : rien ne ressemble davantage à un marcheur qu’un pèlerin, il suffit de lui donner des objectifs et des points de chute : tous les chemins ne mènent-ils pas à mieux se connaître et à faire la connaissance d’autres que l’on n’aurait peut-être pas croisés ?

Tous les modes de transport

Et si l’on ne marche pas, d’autres possibilités de déplacement existent : le vélo et le VTT, de plus en plus prisés par les familles, le cheval, qui tire remarquablement son épingle du jeu, et bien sûr, l’indétrônable voiture. Tout le monde se déplace, le cabotage reste la façon de voyager la plus prisée. Il suffit de guider tous ces gens, mais sans les enfermer dans une catégorie définie. Ce respect de la liberté du visiteur est garanti par l’incroyable variété de l’offre qui impose des choix et contraint les visiteurs à ce petit goût de revenez-y qui fait tout le prix du voyage.

Un livre ouvert

La Ruta del Cister est un immense livre ouvert : les paysages, les abbayes, les villages, sont à lire comme de grandes portes ouvertes : un faisceau de possibilités qui embrasse tous les centres d’intérêt que l’on soit sportif, gourmet, fou d’histoire, entre copains, en famille ou en amoureux. Outre cet éclectisme de bon aloi, ce chemin des rois propose des hébergements de toutes sortes : auberges champêtres, chambres d’hôte dans de vieux mas magnifiquement restaurés, chambres d’hôtel sur-étoilées, chambres de bonne, nichées dans les quartiers historiques…

Au cœur de l’humain

En plus, il ne manque pas de vous faire voir du pays, du vrai en vous signalant ces petits marchés de village où bat le cœur généreux d’un peuple commerçant et paysan à la fois. En vous entraînant, aussi dans d’improbables ateliers d’artistes et d’artisans d’art qui savent qu’ici, leurs pas sont guidés par des générations entières de leurs pairs, et ne dédaigneront pas de vous initier aux secrets de leur savoir-faire.

D’une route, l’autre (non ce n’est pas une faute de français, c’est une expression, merci !)

La Route del Cister se décline en affluents poétiques comme la route des cathédrales du vin, qui vous entraîne au cœur du mystère du Modernisme, cet art intrinsèquement catalan. Si catalan en fait, que le terme forgé ici, le désigne à l’international, dopé par les grandes figures de Gaudí, Martinell ou Pere Domènech i Roura. Ne ratez pas les caves de Vilarodona et de Nulles ! Ces nefs immenses où les vitraux et le métal se disputent la lumière, sont un écho lointain aux temples de Bacchus peut-être érigés ici, il y a 2 000 ans.

route4L’écho des armes

A moins que vous ne préfériez l’histoire et la route des châteaux, si belle sur cette terre de frontière entre la Vieille et la Nouvelle Catalogne, crénelée de forteresses et de tours de guet où s’est jouée, lors de la Reconquête contre les Maures, une partie du destin de l’Europe : malgré les innombrables destructions dues aux multiples guerres, notamment la terrible guerre d’Espagne, vous aimerez Ciutadella, le château de Montclar ou le château des Lloral de Solevila. La Commanderie de Barberà vous rappellera le travail des Templiers, longtemps réfugiés sur ces terres.

L’éternité, pas moins

Côté insolite, les Coves de l’Espluga de Francoli vous attendent avec leurs peintures rupestres de toute beauté qui comptent parmi les plus belles de la péninsule ibérique, et le colombarium romain de Vila-Rodona ne manquera pas de vous interpeller, tant lerapport à la mort qu’il démontre est moderne. Çà et là, comme dans toute la Catalogne, des peuplements ibères rappellent la présence têtue de ces proto-catalans qui sont de fait nos premiers ancêtres, à Tornabeus, à Verdú… Encore une occasion de réaliser à quel point leur civilisation, quelque peu méconnue, était avancée, notamment en termes d’urbanisme.

Des éléments insolites

Ne manquez pas non plus l’étrange mausolée de Ramon Folch de Cardona à Bellpuig, réalisé en 1525 en marbre de Carrare par Giovanni de Nola : vassaux fort indociles et ombrageux, les sieurs de Cardona ont toujours occupé une place à part dans l’aristocratie catalane. N’est-ce pas, là, en 1714, que ce sont éteints avec la chute du château, les derniers espoirs du pays face aux Bourbon ? A voir absolument aussi le mikvé, le bain rituel juif de l’Espluga, trace émouvante de cette part d’identité perdue au XVe siècle, lors de l’expulsion des communautés par la Castillane Isabel la Catholique.

Des paysages contrastés

Et tout ça, au milieu d’un cadre naturel aussi varié que splendide, qui alterne forêts profondes, vallons fleuris, vignes impeccables, oliveraies bleutées sous le vent. L’eau est amenée par les torrents de l’Urgell, le Sió, le Corb, l’Ondara, et les rivières plus calmes de la Conca de Barberà, le Francolí, l’Anguera. Elle règne sur la plaine avec le magnifique canal d’Urgell, vital pour les cultures.

Une mosaïque d’émotions

Du sud au nord, le paysage est littéralement encadré de montagnes : la beauté altière, sèche, des montagnes de Prades au sud et à l’ouest, les premiers contreforts des Pyrénées au nord avec leurs lacs de barrage profonds et leur splendeur minérale. La flore et l’agriculture répondent à ces contrastes : vignes autour de Poblet et son climat méditerranéen de transition, maraîchage et vignes encore dans l’Alt Camp, plaine fertile de l’Urgell… Et des sites incroyables comme la peupleraie de Santes Creus, une cathédrale végétale aux fûts pâles comme des colonnes d’albâtre, alignés comme une armée silencieuse, debout.

Des villes urbaines ma non troppo

Quand trop de nature tue la nature, la Ruta del Cister fait escale dans ces petites grandes villes dont la Catalogne a le secret et qui ont tout de grandes : Agramunt avec son magnifique quartier médiéval et son call que l’on devine à la petitesse des ouvertures, Valls avec son centre-ville contrasté, à la fois moderniste, baroque et médiéval, sa chapelle du Roser et son clocher vertigineux, Montblanc et son château enchanté tout droit sorti d’un conte. Tàrrega et ses traditions festives de théâtre de rue. Partout, une convivialité naturelle qui invite à discuter dans les cafés, sur les marchés, dans les magasins. La Route du Cister invite plus qu’elle n’accueille. Accompagne plus qu’elle ne propose. Un vrai supplément d’âme.

 

En quelques dizaines de kilomètres à peine, un pays tout entier s’offre à vous, pour peu que vous sachiez le lire dans toutes ses nuances : une sorte d’île plantée au milieu des terres, un triangle de charme dont les trois monastères sont les vigies, comme elles sont celles du glorieux passé de la Catalogne. Soixante-cinq villages à visiter, des chemins balisés à parcourir, des escales soigneusement préparées pour votre plus grand plaisir, quels que soient vos goûts et vos attentes : la Ruta del Cister est un pari gagnant : vous allez être fan !

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