05 Oct LA SANT NARCIS, UNE VRAIE FOIRE TRADITIONNELLE
La Sant Narcís est la plus grande foire de Girona, la plus traditionnelle aussi, car elle allie comme aucune autre célébration historique, tradition religieuse et sens du plaisir. Une vraie fête d’automne à partager, un cornet de marrons bien chauds à la main, du 23 octobre au 1er novembre !
En 1285, les troupes françaises menées par Philippe le Hardi assiègent Girona. Arrivées dans l’église de Sant Feliu (Sant Fèlix), elles profanent le sépulcre de Sant Narcís, protecteur de la ville. Mal leur en prend. Des milliers de mouches en jaillissent pour piquer à qui mieux mieux hommes et chevaux. Les Français, pris d’un mal étrange, n’ont d’autre recours que la fuite. Légende ou réalité, toujours est-il que le roi de France parvient à Perpignan pour y mourir… On comprend la reconnaissance des Gironencs envers ce saint providentiel et leur désir de lui consacrer quelques jours de réjouissance ! La Sant Narcís est ainsi devenue la Festa Major de la ville : un adjectif amplement mérité puisqu’en quelques jours, on dénombre plus de deux cents événements festifs ! Ces fêtes d’automne correspondaient, dans le monde paysan, au moment où l’hiver pointait vraiment son nez avec les premières grosses gelées et une recrudescence marquée des mouches. Il devenait vital de remplir resserres et garde-mangers de produits capables de se conserver (salaisons, conserves), d’acheter des couvertures, de bonnes chaussures chaudes, des ustensiles de cuisine, bref tout ce qui permettait d’affronter les frimas en toute tranquillité. Dans le monde moderne elles se sont déclinées en foire aux camelots, comme c’est le cas à Perpignan. à Girona, toutefois, le fait que la foire coïncide avec la fête votive confère à l’ensemble une dimension particulière, d’autant que les habitants y participent étroitement ! Dans toute la ville, c’est l’ébullition ! Le parc de la Devesa accueille sous ses majestueux platanes l’une des plus hautes grandes roues d’Europe, 75 m tout de même ! Et toutes les attractions qui s’attachent à une foire traditionnelle : stands, stands de tir, stands de jeu, barbe à papa, pommes d’amour, stands d’artisanat ou de gastronomie… Tous les ans, un cirque y plante son chapiteau et devient l’île enchantée des enfants. Pendant dix jours Girona se transforme en paradis pour les grands et les petits avec ses néons, ses couleurs, son brouhaha de flonflons et de rires. La Place de l’Indépendance, au bord de l’Onyar est, elle aussi, remplie de stands gourmands. Ne ratez pas les patates douces cuites au feu de bois, c’est un délice ! La foire à la brocante et aux antiquités, la foire de dessin et de peinture trouvent leur juste place dans ce grand marché à ciel ouvert qui fédère tous les goûts et toutes les envies. « La Sant Narcís attire à Girona des gens venus de toute la comarca et bien au-delà. C’est une attraction majeure de notre automne, et même d’une certaine façon, le coup d’envoi avant les fêtes de Noël. C’est comme si on acceptait le retour du froid et de l’hiver le sourire aux lèvres. Souvent dans les familles, c’est le moment où on rallume le feu dans la cheminée » explique Maria, guide touristique. Offrez – vous donc un petit tour au marché des fleurs et une séance troc sur les stands de collectionneurs ! Après le traditionnel sermon d’ouverture des fêtes, prononcé le 23 octobre, les capgrossos, les gegants et le bestiaire mené par l’aigle géant envahissent les rues au son des gralles et animent toute une série de cercaviles qui se déroulent tout au long des dix jours de la fête. Il suffit de suivre la musique… Les habitants des quartiers correspondant aux quatre rivières de la ville : le Galligants, le Güell, L’Onyar et le Ter, jouent en solo une belle partition de quatuor avec « la Fira dels quatre rius », une série de défilés, sardanes castells et gegants, organisés alternativement sur leur territoire. Sur le Passeig de la Copa, les concerts semblent tomber en pluie, tous gratuits, et de tous types : variété, pop folk, latino, jazz, funk, en tout plus de cinquante concerts dans toute la ville, les places, l’auditorium, déclinés en mini-fêtes dans la fête comme « Jazz & Fires », ou « Vermut Rock ». Carmina et Josep, sont des fidèles de la foire : « Tous les ans, on passe les deux week-ends de la Sant Narcís à Girona. Olot n’est pas loin, mais en dormant sur place on est sûrs de ne rien perdre, c’est incroyable mais il se passe toujours quelque chose ! ».
La tradition, passionnément
La tradition est omniprésente : le 25 octobre, c’est le jour de la diada castellera, qui se termine en apothéose avec un grand castell, un pilier de quatre, monté devant le sublime escalier de la cathédrale dont les 95 marches font l’objet d’une course insolite, le « Catedral Sprint »… Sommet de convivialité le 26 avec le « souper populaire » servi sous le chapiteau installé sur la place Miquel de Palol et suivi d’un bal. Le point d’orgue religieux – n’oublions pas qu’il s’agit d’une fête votive – a lieu le 29 octobre, jour de la Sant Narcís. L’église gothique de Sant Feliu (ou Sant Felix), documentée dès le IXe siècle et bien antérieure à la cathédrale, accueille un office solennel présidé par l’évêque en personne. à l’occasion de cette messe pontificale, on donne aux fidèles le « coton de Sant Narcís », un petit sac de coton béni réputé soigner les oreillons. L’assistance a l’insigne permission de baiser les reliques du Saint et de se partager des pommes posées sur la tombe, dont la sagesse populaire dit qu’elles protègent contre la maladie. Ne ratez pas la procession nocturne, le soir-même, vers le château de Sant Miguel. Notez qu’en ce jour férié, les commerçants, exceptionnellement, baissent leur rideau. Les sardanes sont évidemment du voyage tout au long de la fête, comme un marqueur têtu d’identité sur ces terres si farouchement catalanes. « Venir à la Sant Narcís, pour nous, c’est très spécial, on n’est pas l’ornement indispensable de la fête, on est juste en contrepoint, mais en tant que musiciens, on a la sensation de participer à une immense chorégraphie » explique Jordi, ténoriste. Le 30 octobre, outre les « ballades » quotidiennes, deux rendez-vous phares attendent les inconditionnels : la rencontre de colles castelleres et le concours de « sardanes revesses » ces sardanes réputées incomptables concoctées par de malicieux compositeurs. Pas moins de cinq cobles venues de toutes les comarques gironines animent les rondes ferventes et silencieuses. N’oubliez pas vos vigatanes ! En parallèle, des dizaines d’événements de toutes sortes se déroulent un peu partout : un gymkana photographique, le marathon des donneurs de sang, un curieux concours de paella, un autre de tirer de corde, des jeux traditionnels en bois pour les enfants…
Tous les talents
Il y a là quelque chose des kermesses scolaires qui apporte une touche d’enfance et de fraîcheur. Les musées sont ouverts et gratuits et la ville, dont la tradition plastique n’est plus à démontrer, regorge d’expositions dans les vitrines et les galeries d’art. Le 29 octobre, la mairie a institué une opération portes ouvertes qui plait beaucoup au public friand de patrimoine. Il semble que toute la ville brûle de participer à la fête ! Les théâtres sont ouverts et proposent des spectacles pour adultes et enfants, et même des rencontres de poésie particulièrement prisées. Au rayon des curiosités la « penjada de mosques » : une mouche géante rappelant la légende de Sant Narcís fabriquée par les enfants des écoles est suspendue devant le centre civique en toute solennité. Comme dans beaucoup de fêtes catalanes, le sport ne manque pas à l’appel : match de rugby – et oui, l’Ovalie pousse son ballon au sud des Pyrénées ! -, compétitions de natation et tournois d’échecs trouvent ici toute leur place car la foire dans la foire, c’est celle des talents locaux ! « Nous avons la chance d’avoir des citoyens qui aiment participer et apporter leur pierre, c’est inestimable », estime Lluïsa, ancienne élue. Le fait est que Girona sait tout faire. N’a-t-elle pas su devenir la capitale artistique, culturelle, gastronomique, économique incontestée du nord de la Catalogne ? La Sant Narcís, davantage qu’une foire ou une fête votive, c’est d’abord la carte de visite en couleurs, en musique, en goûts et en odeurs d’une formidable réussite collective basée sur une identité puissante et partagée. Les réjouissances se terminent sur les bords du Ter par un magnifique feu d’artifice qui éclaire en ombre chinoise la majesté insolite de l’ensemble cathédral. L’hiver peut venir, les cœurs, les corps et les âmes ont fait le plein de lumière !
Pas de commentaire