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Le Collectif : La cuina de l’Empordanet

01 Juin Le Collectif : La cuina de l’Empordanet

Tous vêtus de vestes blanches dont le col arbore une senyera discrète, ils éblouissent la petite place à arcades de Sant Julià de Boada : sept cuisiniers représentant un collectif qui en compte dix-huit et qui consacrent leur vie à la défense de la cuisine de leur petite comarca : l’’ Empordanet.

ITWEmp3CC : Bonjour à tous, dites-moi comment est né le collectif « Cuina de l’Empordanet » ?

Il faut remonter à Josep Pla. Ses écrits nous ont donné conscience de la valeur de notre patrimoine culinaire particulier. Dans les années 95, nous avons commencé à faire des stages et des démonstrations de cuisine, puis nous nous sommes structurés en collectif, parce que nous pensons que nos produits et notre savoir-faire méritent d’être défendus.

CC : Plus que d’autres ? Qu’est-ce qu’il y a de si spécifique dans la cuisine de l’Empordanet ?

Petit brouhaha, et tous tombent d’accord. C’est comme une synthèse de la cuisine catalane. Un concentré. On y trouve l’alliance du salé et du sucré et surtout, le « mar i munt ». Un autre : oui, le mar i muntanya, c’est vraiment emblématique, il n’y a qu’à regarder le pays… c’est un jardin maraîcher, une terre d’élevage et une mer généreuse. Alors…

CC : Justement, comment achetez-vous vos produits ? Vous avez des circuits courts, un principe de Kilomètre zéro ? Des pêcheurs et des maraîchers avec lesquels vous traitez directement ?

Autour de la table, la réponse est massivement positive avec quelques nuances. La seule femme chef présente a carrément opté pour le bio… Nous nous approvisionnons tous sur place. On insiste parce que beaucoup de restaurateurs d’ici vont faire leurs courses à Métro, à Perpignan ! Et puis, n’oublions pas le vin. Pour nous, il est très important de défendre la production locale, la dénomination Empordà. La cuisine, c’est un ensemble. Ce sont des excellences croisées.

CC : vous vous sentez soutenus par les pouvoirs publics ?

Le Consell Comarcal a organisé des salons à Hambourg, à New York, à Paris, à Toronto, c’est déjà bien, mais ça ne suffit pas. Nous avons besoin de promotion, de promotion et encore de promotion. Nous nous définissons toujours par rapport à d’autres pays, comme si nous ne nous suffisions pas à nous-mêmes. Les gens nous qualifient de « petite Toscane ». C’est flatteur, c’est un repère, mais ça veut dire que le chemin est encore long. Longtemps, nous n’avons pas été assez fiers de notre patrimoine. C’est un changement de mentalité très lent, il faut que nous apprenions à nous estimer. Disons que nous allons dans la bonne direction.

CC : et pourtant… Vous êtes le pays le plus étoilé du monde.

Les questions fusent. Comment ça, la Catalogne ? Plus que la France ou Tokyo ? Tu es sûre ?

ITWEmp2CC : Oui. Si l’on rapporte le nombre d’étoiles à la population, la Catalogne est le pays le plus étoilé du monde. Le nombre d’étoiles dans le reste de l’Etat espagnol est dérisoire. D’ailleurs, l’un d’entre vous est-il étoilé ?

Oui, Casamar est étoilé depuis un an et je dois reconnaître que cela dope à la fois l’activité commerciale et l’envie de travailler et de bien faire. C’est une reconnaissance et un défi permanent. Plus nous aurons de chefs étoilés et plus nous serons reconnus dans notre démarche collective. C’est un coup de pouce formidable que je souhaite à tous mes confrères.

CC : il y a encore vingt ans, tous les chefs catalans se formaient en France. L’influence était manifeste. Aujourd’hui, la cuisine catalane est devenue une cuisine prestigieuse. Peut-être la meilleure de Méditerranée…

Il y a quand même la cuisine italienne et la cuisine du sud de la France. Mais, c’est vrai, c’est une cuisine très riche parce qu’elle n’a peur d’aucune alliance. Et puis, nous sommes tous un peu arabes et un peu juifs. Rires…

CC : vous avez senti la crise ?

Tous, après quelques apartés : oui, mais on ne veut pas s’appesantir, il faut aller de l‘avant. Elle a eu des effets somme toute positifs. Nous avons dû nous concentrer sur ce qui est important. Nous avons dû nous réinventer, resserrer les coûts sans toucher à la qualité. Etre plus imaginatifs et plus performants. On espère que c’est derrière nous, même si nous avons tous une pensée pour tous ceux qui sont restés au bord du chemin. Il y a eu de la casse.

CC : Beaucoup d’entre vous ont aussi des hôtels, histoire de varier les sources de revenus…

Oui, mais le problème est le même, nous n’avons pas encore réussi à établir une vraie intersaison. Pourtant, nous avons un automne et un printemps somptueux, mais notre destination n’est pas assez connue, encore. Nous devons aller vers une promotion globale du territoire, une communication intégrée. Un autre : et penser à faciliter les transports sur place. Les bus sont rares, les taxis insuffisants.

Un autre encore : Moi, j’ai un hôtel où les gens peuvent faire du feu dans la cheminée de leur chambre. Bon, un jour ou l’autre ça finira par être interdit, mais en hiver, après une bonne promenade ou une cueillette de champignons, c’est formidable. On manque de promotion. On a trop vendu le sable, le soleil et la mer.

CC : vous notez une évolution ? Il y a beaucoup de jeunes retraités qui ne dépendent pas du temps des vacances ?

Oui, c’est un marché à étudier, comme les marchés de proximité du sud de la France. C’est un enjeu important. Comme celui de lier l’excellence des produits à la restauration. Il faut fédérer davantage les énergies.

CC : et le comportement des consommateurs locaux ou voisins ?

Ce qu’on remarque, c’est que la crise a changé le comportement des gens. Maintenant ils ont envie de vivre l’instant présent : ils célèbrent les anniversaires, les baptêmes, les résultats scolaires. Tout est prétexte à des réunions familiales qu’ils auraient peut-être reportées, il y a quelques années. Cela ne compense pas le creux de l’hiver, de novembre à février, mais c’est quand même sensible. Ça veut dire que les gens accordent de la valeur à leur patrimoine culinaire et viticole, qu’ils le jugent digne de les accompagner dans les événements de leur vie. C’est un vivier très intéressant pour nous.

CC : vous participez à des campagnes gastronomiques ?

Pas au niveau du collectif. Mais, chacun d’entre nous participe aux campagnes organisées sur son territoire par la municipalité. En revanche, nous faisons des opérations communes avec les caves, pour proposer des alliances mets-vins, qui sont très suivies. Et puis, nous participons à des opérations comme « cuisine et golf »…

CC : les réseaux sociaux, vous y croyez ?

Discussion animée. Certains ont un profil personnel et un profil professionnel, d’autres uniquement professionnel… La sentence tombe : oui, Facebook est un outil qui devient indispensable pour assurer une autopromotion efficace, mais visiblement personne n’a le temps de s’en occuper comme il le faudrait…

CC : et les livres de cuisine, vous en publiez ?

Il y en a eu, mais depuis 2002, nous n’en avons pas publié. En revanche, nous publions un guide de la cuisine de l’Empordanet, dans lequel chacun de nos établissements dispose de deux pages, et évidemment, nous avons un site où chacun peut nous retrouver. Aujourd’hui, c’est la visibilité qui fait tout.

CC : en tout cas vous ne paraissez pas frappés par le découragement…

Non, on sent que ça commence à décoller. Està arrencant ! Nous avons tous les atouts en main pour faire connaître l’Empordanet et la qualité de notre cuisine.

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