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Le Mnac, bien plus qu’un musée

01 Avr Le Mnac, bien plus qu’un musée

Quand on pense Barcelone, on pense musée Picasso, maisons de Gaudí ou encore Sagrada Familia. N’oubliez pas non plus, le MNAC, un musée pas comme les autres, à la fois international par la qualité de ses collections et farouchement catalan.
Visiter le MNAC c’est un peu prendre une leçon d’histoire catalane : rien de plus parlant que ces chefs-d’œuvre brillamment mis en scène, pour décrire en tableaux la naissance et le développement de notre vieille nation européenne, depuis le cœur des abbayes et des donjons, jusqu’à la moitié du XXe siècle.

mnac2Vous avez dit national ?

Le plus grand musée de Barcelone, le plus emblématique aussi est le Museu Nacional d’Art de Catalunya, dont le nom à lui tout seul appelle un commentaire, puisqu’il utilise le mot « national » dans deux sens, ici conjoints. « National » parce que de niveau national par la qualité de ses œuvres et le renom des artistes, mais aussi « national » parce que largement spécialisé, nous le verrons, dans l’art catalan, du roman au XXe siècle. Un musée donc, mais aussi un manifeste.

Depuis l’exposition Universelle

A tout seigneur tout honneur, le MNAC trône sur l’emblématique colline de Montjuic, la montagne des musées et de la culture, sur laquelle le « Palais national » qui abrite ses collections fut bâti à l’occasion de l’exposition universelle de 1929. Un événement qui permit à Barcelone et à la Catalogne de se faire connaître du monde entier avant que l’Espagne ne plonge dans le chaos avec la guerre civile et la grande nuit fasciste qui s‘ensuivit. Il faut en effet attendre 1997, pour que la première aile d’art catalan ouvre ses portes.

Toutes les fées sur son berceau

Actuellement, le MNAC est géré par un consortium dans lequel s’inscrivent la Mairie de Barcelone, la Generalitat de Catalogne et l’Administration générale de l’Etat espagnol, même si, sur fond de crise et de revendication indépendantiste, l’apport de cette dernière est en nette diminution depuis deux ans. Financer le MNAC, c’est en effet beaucoup plus que financer un musée avec ses missions classiques de restauration, de conservation et de médiation des collections. C’est selon l’expression consacrée de Jordi Pujol, ancien président de la Generalitat de Catalunya, « fer país », faire le pays.

Un musée de l’imaginaire catalan

Lors du rétablissement de la démocratie, il s’agissait d’abord de nourrir un imaginaire, de donner à voir aux Catalans leur propre patrimoine, de leur permettre de se l’approprier pleinement, puis de donner au monde une vision partagée de la Catalogne et de l’incroyable effervescence qu’y ont toujours connu les arts plastiques. Rien d’étonnant donc à ce que tout ait commencé par l’art roman, tellement lié à la construction même du pays et au temps glorieux des monastères.

mnac3Le roman, catalan par essence

Dans un premier temps, les équipes ont travaillé (de 1977 à 1995) à localiser, prélever – ce qui ne va pas sans polémiques de la part des villages ainsi dépouillés des originaux – et mettre en scène des pièces maîtresses de l’art catalan du Xe au XIIIe siècle parmi lesquelles des chefs-d’œuvre comme le Pantocrator de l’église de Sant Climent de Taüll ou la Majestat de Batlló. La présentation est bluffante : reconstitutions d’absides, de voûtes et même de chapelles complètes pour mettre en valeur les fresques. Chaque œuvre s’accompagne d’une photographie de l’église, de sa maquette et de sa localisation géographique.

Le gothique ou l’âge d’or

En 1997 commence une patiente et minutieuse réinstallation des œuvres gothiques qui correspondent, historiquement, à l’âge d’or de la Catalogne. Elle est encore un état indépendant et règne sur la Méditerranée à travers ses comptoirs et son commerce florissant. Là encore, le niveau des pièces est à proprement parler extraordinaire. La présentation est chronologique, avec quelques salles thématiques consacrées à un artiste en particulier. Mention particulière à la salle des retables et à l’étonnante peinture de Jaume Huguet (1412-1492). Comme dans le roman, une sorte de sobriété altière semble être la marque distinctive d’une vision catalane du monde, à la fois réaliste et stylisée.

L’ouverture à l’Europe

La Renaissance et le Baroque correspondent à une période particulièrement difficile pour la Catalogne, qui connaît nombre de conflits meurtriers sur son sol et traverse plusieurs épidémies. Dans ce contexte de paupérisation et de troubles, le discours du MNAC devient plus international. Il faut dire que le musée possède des arguments frappants : des Zurbaràn, des Greco, des Cranach, des Velasquez, des Rubens… Se promener de salle en salle, c’est visiter l’Europe de nations qui se construisent ou se brisent dans la douleur et la guerre. Le « Grand Siècle » français, conquérant et martial, est en totale rupture avec ce qu’il advient dans le reste de l’Europe et notamment dans la péninsule ibérique qui assiste au crépuscule du « Siglo de Oro ».

mnac4Le génie catalan

Mais le XIXe venu, la Catalogne reprend la haute main sur les collections : noucentisme, méditerranéisme, modernisme… Tout naît ici, dans cette fabuleuse intuition d’une confluence paritaire des arts, d‘une inscription dans la nature généreuse. Berceau des arts modernes, au sens le plus large, la Catalogne égrène les petits maîtres et les génies du siècle, d’un chef-d’œuvre à l’autre. Les grands, bien sûr, Picasso, Dalí, Gaudí mais aussi Joaquim Mir, Juli Gonzàlez, Ramon Casas. Malgré l’évidente ibérité, on perçoit une influence française manifeste : le lien des élites catalanes et de Paris transparaît, mais aussi l’immense tribut de la Catalogne à l’art français du XXe siècle, aspect généralement passé sous silence. On passe de salle en salle, émerveillé par ce livre d’images qui est aussi un livre d’histoire magistral et unique.

Confluence des arts

Pourtant, le MNAC c’est encore autre chose. D’abord depuis quelques années, il regroupe trois autres musées catalans : la bibliothèque-musée Jacint Verdaguer de Villanova i la Geltrú, le Musée Can Ferrat de Sitges et le Museu Comarcal de la Garrotxa, gardien de l‘école d‘Olot. Ensuite, le MNAC accueille aussi une fantastique collection d’affiches dues à de grands Catalans comme Maria Fortuny ou Ramon Casas, mais aussi à de grands affichistes américains ou européens, dont Toulouse-Lautrec. Des célèbres affiches de la terrible guerre d’Espagne aux annonces publicitaires, vous découvrirez toutes les couleurs, toutes les formes, tous les styles pour rêver à la naissance de la publicité.

Regard sur le monde

Rien de plus logique que de trouver tout près, comme un effrayant écho, des œuvres qui relèvent de tous les courants du photojournalisme depuis sa naissance. Le Fond d’art de la Generalitat a en effet fait l’objet de très nombreuses donations, de la part des familles de plus de 50 photographes comme Antoni Campaña, Josep Maria Casals i Ariet, Père Català-Pic, Francesc Català-Roca, Joan Colomb… 6 500 photographies constituent le fonds du MNAC, des plus spectaculaires aux plus artistiques, des instantanés du quotidien aux clichés des conflits.

Et sur le passé

Chefs-d’œuvre graphiques, photographiques, picturaux, sculpturaux… et ce n’est pas tout ! Le MNAC c’est aussi 135 000 pièces numismatiques, du VIe siècle à nos jours : des médailles, des billets, des pallofes, des balances, des décorations et des insignes. Au rayon des trésors, des pièces grecques en argent découvertes à Empúries, des pièces frappées pendant la Guerre des Segadors, les monnaies des comtes catalans et même les éphémères monnaies de la guerre d’Espagne. Là encore, voyage garanti dans le temps et l’espace.

Plus qu’un musée, un rendez-vous

En quelques années, le MNAC a su devenir un véritable musée national, capable de rivaliser avec les plus grands musées des beaux-arts, mais fidèle à son axe premier : la mise en avant de l’apport plastique de la Catalogne à l’art en général pendant dix siècles, des influences qu’elle a subies et exercées, du regard particulier qui, d’ici au fil des siècles, a été porté sur l’homme et le monde. Il abrite incontestablement la plus belle collection d’art roman qui soit. Découvrir le MNAC, vous verrez, c’est aussi aller à la rencontre de nous-mêmes et de ce que l’on ne nous a jamais appris de ce que nous sommes.

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