01 Jan Le Solsonès, une comarca de poche
Le Solonès est exactement au centre de la Catalogne. Une terre de passage, une terre de mas et de hameaux dispersés à flanc de coteaux, parmi les forêts, les champs et les estives. Authentique et intact.
Première particularité, la comarca se trouve juste au centre de la Catalogne, entre Ebre et Pyrénées. Deuxième particularité, elle est minuscule, 13 000 habitants seulement, avec une capitale de poche qui en compte 7 000 à peine. Troisième particularité, son habitat est extrêmement dispersé, au point qu’on la surnomme la comarca de « les mil masies », la comarca aux mille mas. Vous l’aurez compris, le Solsonès est d’abord rural.
Des paysages tranchés
Les zones cultivées, les grandes forêts, les rivières, les sources et le relief escarpé de la haute montagne s’y côtoient, laissant finalement peu de place à l’habitat humain. Le Solsonès comprend quinze municipalités mais cinq seulement possèdent un vrai noyau de population. Pourtant, architecturalement, il regorge de belles demeures cossues qui surgissent d’un paysage intact : la révolution industrielle n’est pas passée par là ! Ici, tout est authentique et de nature à séduire les sportifs et les amoureux du patrimoine quel que soit leur âge…
Un Jurassic Park à découvrir
Si vous avez le sens des excursions en pleine nature et que vous y ajoutez l’amour de l’histoire, sachez que dolmens et menhirs se bousculent au portillon. A Castellar, pas moins de trois nécropoles vous attendent qui remontent à l’âge du bronze, celles des Clots del Solà, de lLor et de Ceuró. A Pinós, le dolmen de la Pera sera un bel avant-goût à celui de LLobera, l’un des plus grands de la péninsule ibérique, avec une galerie de 6 m, datée au carbone des années 2550 av J-C. De quoi se découvrir une âme d’archéologue.
Frontière et résistance
La romanisation fut ici très intense mais consista essentiellement en l’installation de villas et d’exploitations agricoles, même si l’on trouve les traces d’une industrie potière assez avancée. Nous sommes sur des terres âprement disputées, entre chrétiens et musulmans au début du Moyen Age, même si ces derniers ne sont pas parvenus à rester plus de 70 ans. Les collines sont donc hérissées de tours de guet et de châteaux, en particulier à Besora où passait la frontière établie par Guifred le Velu. Ancrées dans la roche, au point de se confondre avec elle, vous distinguerez les ruines du château de Cambrils. Faites une halte à celui de Lladurs : il ne reste plus grand-chose de roman mais c’est un mirador magnifique. Enfin, ne manquez pas Castellvells à Olius, sa visite est passionnante.
Le sabre et le goupillon
Châteaux et abbayes vont de pair en Catalogne. Rien d’étonnant si ici, le roman a laissé un sillon profond. On trouve donc partout de belles églises romanes, pour la plupart de style lombard, et éparpillés un peu partout dans la montagne des dizaines d’ermitages, humbles et discrets qui manifestent la ferveur des bergers, des traginers (convoyeurs) et des paysans et témoignent de la persistance d’habitats dispersés. Nos coups de cœur : les retables baroques de Sant Ponç de Prades, la vierge romane allaitante qu’abrite l’église moderne de Lladurs et bien sûr, Sant Esteve d’Olius et son incroyable crypte romane. Lorsque vous gravirez les parvis et contemplerez les paysages, ayez donc une pensée pour les Cathares qui durent prendre ce chemin des « bons hommes », et pour les exilés de 1939 traçant vers le nord en quête de liberté.
Des monuments insolites
En dehors de ces must catalans que sont églises et châteaux, le Solsonès a de quoi vous surprendre : il abrite la tombe de notre Guifred le Velu, rien que ça. Ce dernier serait tombé à Navès, en sauvant les terres du comte d’Urgell d’une attaque maure et c’est ici que serait né, de sa plaie ouverte, le drapeau catalan. Vous me direz, symbole pour symbole, Guifred a bien visé ! Au sanctuaire de Pinòs, vous trouverez en effet une rose des vents sculptée qui domine un sublime paysage. C’est ici le centre exact de la Catalogne ! Enfin, séquence émotion au cimetière moderniste d’Olius, conçu par le grand Bernadi Martorell, une réflexion sur le cycle de vie des arbres et la permanence de la pierre. Seuls les autochtones peuvent être enterrés dans la roche sublimée. Veinards !
Des espaces naturels classés
Tout cela serait somme toute commun, dans un pays dont les pierres racontent l’histoire à chaque kilomètre, s’il n’y avait le cadre naturel grandiose, varié et toujours surprenant. Ici vous attendent, à pied, à cheval, en vélo ou tout simplement au fil des routes, des paysages que vous n’oublierez jamais. Pas moins de huit espaces protégés occupent le nord, côté Pyrénées, et 30 % de la superficie de la comarca est classée Natura 2000 ou Espaces d’Intérêt Naturel. Un paradis pour les amoureux de la nature.
Sublime nature
Parce que nous ne sommes pas loin des mines de sel de Cardona, certains cours d’eau affichent une salinité importante qui favorise la pousse d’algues turquoise : les eaux serpentent, çà et là retenues en lacs et surplombées de falaises minérales et vertigineuses. L’histoire rencontre parfois la géologie quand des grottes prennent le nom évocateur de Cova dels Moros à Odèn, ou quand un canyon y rappelle les guerres carlines (SantLlorenç de Moruny). A la Coma i la Pedra, vous admirerez le « Forat de la Bòfia » où la neige est éternelle. C’est là que l’on puisait la glace pour la stocker à Solsona avant de la vendre à Barcelone, assurant ainsi une prospérité réelle à la comarca.
Tout schuss
Evidemment, en hiver, la neige recouvre quasiment tout le versant nord et saupoudre souvent les zones plus méridionales. Le point d’attraction est alors Port del Comte, une station familiale où l’on peut pratiquer tous les sports de neige et de glisse, du ski alpin au ski nordique, des raquettes au traîneau. Si vous êtes fou de randonnée, renseignez-vous sur les tronçons praticables ou non, selon le niveau d’enneigement et pensez raquettes. Si vous fuyez la neige, vous pourrez toujours vous rabattre sur le paintball, l’équitation, et même, sur les plans d’eau non saisis par le gel, ou encore glisser en kayak et même apprendre à lire les étoiles… Il y a toujours quelque chose à faire et à découvrir.
Simplement vrai
A commencer par les marchés avec leurs produits de terroir. Ici, rien pour épater la galerie ou séduire le touriste, juste l’excellence des produits du cru et l’accueil chaleureux des montagnards. Vous avez le choix entre Solsona le vendredi, Sant Llorenç le jeudi et Olius le dimanche ; rien de tel pour comprendre l’âme d’un pays. Vous pourrez constater que l’artisanat se porte bien aussi. Après être tombés en désuétude sous l’influence de la production de masse, les navalles (couteaux) des ateliers Pallarès ont une deuxième jeunesse, tout comme les espadrilles à ruban de Cal 65 ou les paniers de chercheurs de champignons. Il faut dire qu’il y a à peine cent ans, on comptait par centaines, les ateliers où l’on fabriquait des haches, des serrures, des couteaux et par dizaines, les fabricants d’espadrilles et de gegants.
Saveurs d’autrefois
Le retour à l’authenticité prévaut également en cuisine avec quatre produits phare qui connaissent une nouvelle jeunesse : la charcuterie et plus particulièrement les boudins blancs et noirs impeccablement séchés dans l’air sec des montagnes, les pommes de terre, presque aussi célèbres en Catalogne que les Rattes de l’île de Ré, les fromages (de vache, de brebis et de chèvre) et bien sûr, les conserves de champignons de toutes sortes (cèpes, pleurotes, lactaires délicieux ou truffes). Les restaurants ne manqueront pas de vous proposer du gibier, parfois accompagné d’un aïoli de coings ou encore une soupe de maïs, typique et délicieuse. N’oubliez pas que vous êtes en montagne ! Au début du mois de mars, n’hésitez pas à vous précipiter à Solsona, pour la fête de la pomme de terre et de la truffe. Emois gustatifs garantis !
C’était hier
Côté tradition, trois endroits nous ont particulièrement émus : l’Ecomusée de la Vall d’Ora, un témoignage saisissant sur la rudesse de la vie paysanne jusqu’à la guerre d’Espagne et même après, avec son moulin et sa scierie ; l’école rurale de Castellar de la Ribera, qui devrait mettre du plomb dans l’aile à vos belles têtes blondes, tant elle semble exotique et décalée, même comparée aux souvenirs de nos grands-parents et enfin, le Musée privé de la Vall de Lord, situé dans un ancien mas qui a plus de 1 000 ans. Vous y prendrez la mesure de l’étrange accélération qu’a marquée le XIXe siècle après huit siècles de continuité. Ce sont de modestes structures, certes, mais elles expriment de façon émouvante le souci de préserver une mémoire collective : la dispersion de l’habitat n’a pas empêché l’éclosion d’une identité partagée.
Voilà le Solsonès, une petite comarca qui a fait de son enclavement et de sa géographie difficile, les atouts majeurs d’un développement durable, d’un tourisme vert et culturel, de la renaissance d’un artisanat d’excellence, adossés à une reconquête identitaire par les fêtes et la gastronomie. On parie que vous l’adorerez ?
LA VALL DE LORD
A l’extrême nord du Solsonès commence une sorte de comarca dans la comarca, une vallée profonde entourée de hautes montagnes et cerclée de deux magnifiques rivières, la Cardener et l’Aigua de Valls : c’est le Vall de Lord. Un royaume végétal enrichi par les dénivelés impressionnants qui vont du chêne vert au hêtre, puis au sapin ; où jaillissent des centaines de fontaines ; où s’ébattent sangliers et isards sous l’œil vigilant des aigles royaux. Miradors et ermitages émaillent cette nature sauvage qui offre aux sportifs, skieurs, randonneurs, amoureux des eaux vives ou de la varappe un terrain de jeu incomparable, préservé et familial. L’offre est globale : ski alpin, ski nordique, canyoning, parapente, chemins de grande randonnée, tous les plaisirs de la montagne !
Comme un livre d’histoire
Cerise sur le gâteau, on se promène ici au cœur des balbutiements de l’histoire de la Catalogne, au temps de Guifred le Velu, d’église romane (celle de Sant Llorenç de Morunys est un joyau) en chemin des bons hommes, de pont roman (ne pas rater celui de Vall Longa) en sanctuaire (celui de Lord a donné son nom à la vallée). La simplicité émouvante des villages, la beauté des eaux du lac de la Llosa del Cavall, éclatent dans le silence grandiose d’un cirque naturel aux dimensions étranges. La hauteur des barres montagneuses est en soi une leçon d’humilité et une clé de lecture de cette vallée perdue, à la fois grandiose et modeste, à découvrir absolument.
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