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Lloret de Mar, la douceur de vivre

04 Oct Lloret de Mar, la douceur de vivre

Du côté de Lloret, la côte rocheuse s’échancre en larges plages alanguies séparées par des barres de rochers qui dessinent des criques plus petites, bien abritées de la redoutable tramontane. C’est là que s’étend l’une des plus jolies stations de la côte catalane, à deux pas de Girona, de la frontière, de Barcelone. Un vrai centre du monde.

Ici, pas de morte-saison ! Ce qui caractérise Lloret c’est la vie animée de ses rues et de ses commerces, ses petits restaurants, cette atmosphère impalpable de fête permanente et ce dosage de population cosmopolite et de vieille population de souche, qui préserve l’authenticité et reste ouverte aux changements. Une petite ville bien vivante qui ne craint pas l’automne. Bien sûr, c’est la base, il y a d’abord les plages, à découvrir depuis les chemins de ronde, encore douces à lézarder sous le soleil plus pâle qui marche vers l’hiver. Les deux grandes, la plage de Lloret, couchée juste devant la promenade maritime, puis, au-delà de la barre rocheuse et du château de Sant Joan, la longue grève de la plage de Fenals sont les plus courues. Pourtant, accessibles par le haut des rochers, les calanques avancent leurs lèvres bleues : la Cala Banys juste sous le château de Sant Joan, la plage de Sante Cristina, que deux collines embrassent, celle de Canyelles, sur la route de Tossa qui fait office de port, Sa Caleta et ses petites barques… La mer semble hérissée de petits rochers tranchants qui rendent la ligne côtière indistincte. Un voyage au cœur du bleu qui constitue sans doute le premier enchantement de Lloret… La vieille ville garde la double empreinte d’un peuple modeste et laborieux de pêcheurs et des « Indians », ici appelés les « Americanos », ces catalans partis faire fortune outre-mer, la plupart du temps dans la Caraïbe, et revenus chez eux cousus d’or et d’argent. À côté des modestes maisons, des anciens mas, et de la jolie église paroissiale de style gothique, Sant Romà, ils ont édifié des petits palais d’inspiration coloniale qui font désormais partie intégrante de la carte postale. En premier lieu, le Passeitg Jacint Verdaguer, cette promenade de sable rouge flanquée de palmiers de chaque côté qui évoque l’essence coloniale de la Havane avec à ses deux extrémités l’Hôtel de Ville et la Casa Garriga, reconvertie en Musée de la Mer. Vous trouverez également la Casa Nicolau Font, la maison paroissiale de l’Eglise Sant Romà, l’ancien monastère bénédictin de Sant Pere del Bosc… Mieux, ils ont prolongé cet art de vivre jusque dans leur mort, en dotant Lloret d’un cimetière moderniste où se croisent les plus grandes signatures d‘artistes, réunies autour de véritables mausolées en miniature : Josep Puig i Cadafalch, Antoni Gallissà, Lluís Llimona, Vicenç Artigas… Et aussi dans la chapelle la plus récente de l’église, de belles fresques modernes.

Histoires de mer

Cet héritage n’est pas statique, non, il a même laissé dans l’air comme un sillage de nonchalance qui invite à la paresse et appelle la musique. Lloret est un haut lieu festif, connu dans toute l’Europe pour ses soirées et ses boîtes de nuit, pour son casino, comme si elle avait gardé des nuits cubaines son incandescence nomade. Au milieu de la promenade maritime plantée de palmiers, Can Garriga impose sa majestueuse architecture moderniste et sa grande façade aux nombreuses fenêtres fardées de vert. Cette belle bâtisse coloniale, édifiée par un entrepreneur en travaux publics revenu de Cuba, abrite aujourd’hui le Musée de la Mer de Lloret, une épopée décrite en plusieurs tableaux, qui évoquent le cabotage, l’aventure des océans, les chantiers navals et toutes les importations de cigares, de cacao, de rhum, de bois précieux. Difficile à la sortie de ne pas chercher des yeux, sur la plage, les ravaudeuses de filets du temps jadis… Mais déjà, une succession de boutiques et de terrasses de café invite au shopping ou à la contemplation tranquille, un verre à la main, des jeux incessants de la lumière et de l’eau que le vent trouble rarement plus que le temps d’un frisson, d’une caresse. Il est temps de monter vers les jardins de Sainte Clotilde situés sur la falaise, qui offrent des vues sublimes sur la calanque sa Boadella et la plage de Fenals.

Plongée et contre-plongée

Une merveille de jardin noucentiste, basée sur la recherche de la symétrie et de la proportion, inspirée de l’antiquité. De nombreuses sculptures monumentales ponctuent l’œuvre picturale en forme de tapis brodé que dessinent les parterres, les buissons et les nombreuses petites pièces d’eau. Des fontaines jaillissent un peu partout, s’écoulent en degrés et en cascades, et mettent en musique la profusion des plantes méditerranéennes. Un véritable jardin enchanté à parcourir sans modération, le regard planté dans la mer, la narine caressée de fragrances entêtantes, qui prend des airs de parc romain et ressemble à une île suspendue au-dessus des flots et de la rumeur de la ville. Pour avoir un panorama complet, il manque le contrechamp et il ne peut venir que de la mer. La mer est si belle, l’horizon si tranquille, qu’on a envie de voir plus loin, de sonder ce large heureux. à Lloret, les possibilités d’embarquement ne manquent pas, à bord de barques ou de catamarans, pour que se révèle à vous, au fil d’un cabotage inspiré, la ville telle qu’elle s’offre au baiser des vagues, et pour distinguer dans l’ocre et le vert, les toits perdus de ses ermitages : Santa Cristina, dont la mer, il y a longtemps, venait presque lécher les pieds, où vous découvrirez des ex-voto marins extraordinaires, l’ancienne église de Lloret, l’Ermitage de Les Alegries (béatitudes) avec son clocher roman ou encore, l’incroyable Sanctuaire de Sant Pere del Bosc restauré par le grand Puig i Cadafalch, reconverti en restaurant et en Hôtel de luxe. Partout, la mer semble soulignée d’une frange d’ocre qui double son profil, soulignant la moindre crique d’un liseré étroit : ce sont les chemins de ronde. Les immeubles modernes de Lloret, vêtus de blanc, chaussés de palmiers et de verdure, s’inscrivent dans ce paradis sans le défigurer, et les collines laissent deviner la striure de dizaines de sentiers et de pistes à parcourir à pied ou à vélo.Évidemment, tant de beautés concentrées désignaient Lloret depuis toujours au tourisme. Dès les années vingt, date des premières arrivées de Barcelonais cossus, en quête de dépaysement et de vacances, la ville trouve son surnom sous la plume de l’un des plus grands poètes catalanophones du moment, Josep Carner : « Lloret, paradís gentil », qui se passe de traduction.

Supplément d’âme

Elle gagne ensuite ses galons de notoriété en Europe centrale grâce à un célèbre médecin allemand, le Docteur Adler, avant de rallier tous les suffrages dès les années soixante. Mais la vraie richesse de Lloret, c’est peut-être son âme. Son âme de port d’attache, prompt à accueillir les escales de ses passagers et habile à les retenir. Capable de laisser partir au loin ses fils et de les ramener au creux de ses calanques. Car Lloret a ses inconditionnels. Bien sûr, les fêtards, attirés par ses nuits sans fin sous les sunlights, mais aussi, des habitants d’adoption qui ont jeté l’ancre pour le reste de leur vie, pour tous les week-ends, pour tous les étés ou tous les automnes… Qu’importe ! Venus d’un peu partout, ils se retrouvent dans les cafés et se perdent en longues conversations où les gestes, parfois, sont plus fédérateurs que les mots, tapent le carton ou s’adonnent à la lecture, un verre ou une tasse à portée de main. Ils affectionnent les restaurants, où malgré la carte doctement traduite en cinq ou six langues, les plats de poisson, les « mars i muntanyes » et le veau aux champignons, s’obstinent à chanter le salat, le catalan d’ici. Le soir venu, ces Lloretans de cœur se promènent face à la mer, dans un rituel immuable et partagé, longent la réplique de la fontaine de Canaletes ou le monument à la gloire du football sculpté par Rosa Serra, contemplent la silhouette de bronze de la Dona Marinera, qui attend, sur sa butte, que se dessine sur la mer le bateau de son homme… Emboîtez-leur le pas, le bonheur est en bout de piste. Vous êtes déjà chez vous.

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