01 Oct Marc Maldonado : Oller del Mas, le domaine enchanté
Marc Maldonado est le directeur commercial de l’une des plus anciennes propriétés viticoles de Catalogne, située au cur du Bagès, Oller del Mas. Rencontre avec un homme à l’enthousiasme communicatif.
CC : Bonjour Marc Maldonado, vous avez la chance de régner sur un magnifique domaine, et le moins que l’on puisse dire est qu’il ne date pas d’hier…
Oui, on peut dire ça. (Rires) Le premier personnage connu de la famille Oller, Arnau Oller, apparaît en 964 ! Depuis lors, dix siècles et 36 générations se sont succédé sur ces terres, de père en fils et par droit d’aînesse comme le veut la tradition catalane. Alors évidemment, vivre sur ces terres, pouvoir admirer tous les jours l’architecture imposante du château, c’est un privilège. Et c’est aussi un énorme atout commercial. Nos clients découvrent l’histoire des vins qu’ils vont déguster. Ils en connaissent en quelque sorte l’arbre généalogique. Imaginez que la visite de la propriété prend 2 heures et demie ! Il y a les vignes et les paysages, sur fond de montagnes de Montserrat, le château, les chais, mais aussi des éléments de petit patrimoine qui ravissent les visiteurs comme les deux puits à glace et bien sûr le four de pierres sèches.
CC : Je crois savoir que c’est ce four qui a, en quelque sorte, donné son nom à la famille ? (Oller signifie fabricant de marmites)
Oui, on y cuisait des marmites faites de cette belle terre argileuse qui caractérise notre terroir. Nous avons réussi à faire en sorte de le restaurer et de le rendre opérationnel. La présence de ce type d’élément est très émouvante. Il donne de la chair à la mémoire, un peu comme ces portraits de famille des Oller dans le château. Toutes ces pierres qui parlent finissent par distiller un sentiment d’appartenance très fort.
CC : Parlez-moi du vin…
Nous vins ont l’appellation contrôlée Pla de Bagès. La zone de production est minuscule, 550 hectares au total. A cela, deux explications : les vignes se sont maintenues difficilement après la grande crise du phylloxéra et le processus d’industrialisation de la vallée du Llobregat, envahie d’usines textiles, a fortement contribué à réduire les zones purement rurales. Les nombreux casots disséminés sur nos terres témoignent du primat absolu de la vigne pendant des siècles, mais elle a été la plupart du temps arrachée. Malgré cette mutilation, nos vins sont parmi les meilleurs de la péninsule ibérique et nous en sommes très fiers. Nous produisons ici 140 000 bouteilles par an, et je suis très heureux de pouvoir dire que la totalité de la production est vendue à raison de 75 % sur le marché intérieur catalan et de 25 % à l’exportation dans le monde entier. C’est un beau succès commercial.
CC : Et les cépages ?
Bien sûr nous avons des cépages importés : Merlot, Chardonnay, etc. mais notre atout maître est un cépage local, le Picapoll. C’est lui qui nous donne une valeur ajoutée identitaire et fait de nos vins, des vins uniques. Traditionnellement, il sert à fabriquer des blancs, mais nous avons travaillé à en faire aussi un rouge, avec une production très limitée de 373 bouteilles. Notre équipe d’œnologues a si bien œuvré, qu’après deux ans de production, le prestigieux guide Parker nous a attribué une note de 92 !!! Et c’est un vin que personne ne peut imiter.
CC : Vous avez donc réussi l’alliance de l’héritage et des nouvelles technologies…
Notre volonté résolue, c’est d’améliorer sans cesse la qualité de nos vins. Nous n’avons pas d’ambition quantitative. Nous misons entièrement sur la qualité et l’environnement. Notre démarche est respectueuse, c’est une démarche durable, basée sur le respect de la nature. Les nouvelles technologies nous aident à tirer le meilleur de nos raisins. Elles n’ont pas d’autre finalité. Songez que 25 % de la vendange se fait encore manuellement. Nous sommes dans une logique d’artisanat, de sur-mesure, je dirais presque de haute-couture. Nous devons être dignes de l’histoire du domaine. Nous devons le préserver, le transmettre intact et enrichi aux générations suivantes. Nous sommes le maillon d’une grande chaîne qui ne finit pas avec nous.
CC : Oller del Mas ne produit pas que du vin, je crois ?
Non, en effet, nous avons souhaité faire une place à l’huile d’olive tirée de nos propres oliviers. Sa production n’est pas si éloignée de celle d’un grand vin… Et nous sommes aussi des producteurs d’eau-de-vie et de marc. Le vin et l’esprit du vin en quelque sorte…
CC : En plus, vos vins sont mis en condition par une offre gastronomique intéressante…
Disons une cuisine de terroir, de proximité. Nous avons même notre potager. L’idée est de permettre au visiteur une véritable immersion. Il ne s’agit pas de gastronomie au sens de grande cuisine sophistiquée. La simplicité prévaut, mais avec un souci de qualité constant.
CC : Les visiteurs ont la possibilité de bénéficier de visites sur mesure…
Oui, s’ils ont envie de contempler les montagnes de Montserrat depuis le milieu de nos vignes, nous pouvons les convoyer en jeep ou accéder à d’autres désirs qu’ils peuvent manifester. Nous voulons être à l’écoute de nos clients. Ils peuvent parcourir nos terres à pied, en vélo, à cheval… tout est fait pour que leur venue au Mas Oller soit une expérience totale.
CC : Oller del Mas est également un lieu de concerts. Pourquoi cette approche artistique ?
D’abord, nous avons une architecture idéale pour la musique : une cour d’armes fermée, à l’acoustique parfaite, et bien sûr les chais qui s’apparentent à une église. Nous y invitons des artistes régionaux avec un grand souci d’éclectisme : chanson, jazz, baroque, classique, musiques actuelles. Nous avons réussi à fidéliser un public qui adore multiplier les plaisirs.
CC : Vous faites allusion au golf ?
Le golf, c’est un sport qui respecte l’environnement et la nature. Un sport silencieux qui ne casse pas l’harmonie des paysages. C’est une autre façon de parcourir le domaine. Pourtant, là aussi, nous avons opté pour le qualitatif, avec des séries de stages et de cours destinés à former des professionnels. Chez nous, on peut donc jouir des plaisirs de la piscine, faire du paddle, s’offrir un parcours de golf, prendre des cours de swing, écouter de la musique… on peut même admirer des peintures ! Et c’est ce qui rend Oller del Mas vraiment unique.
CC : Vous avez créé un espace d’exposition ?
Oui, et chaque mois nous changeons d’artiste. Là aussi, nous privilégions les artistes qui ont un lien avec le territoire. C’est important. Les gens aiment bien ce concept global. On vient à Oller del Mas pour s’offrir une belle parenthèse. Nous essayons de faire en sorte qu’elle soit aussi enchantée que possible…
CC : Je suppose que vous songez à développer l’hébergement ?
Oui, nous avons déjà un petit éco-hôtel avec quelques chambres, mais nous travaillons sur une idée d’implantation de bungalows en pleine nature. Les gens ont besoin de choses simples et authentiques et notre site est vraiment exceptionnel. Nous sommes persuadés que ce type d’offre répond à une attente réelle, notamment pour les séjours de week-end.
CC : Oller del Mas, c’est presque un condensé de création catalane d’aujourd’hui, ancré dans l’histoire du château ?
Oui, nous produisons des vins de château, enracinés dans notre terroir et son histoire. D’une certaine façon, ils sont une œuvre d’art collective qui dialogue avec d’autres œuvres d’art, avec les pierres des remparts, avec les montagnes de Montserrat. Façonnés comme les marmites des premiers Oller : avec amour et respect.
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