30 Juil MAURY, COEUR DE CATHARE
Un long couloir de vignes court entre les tout derniers contreforts des Pyrénées, dominé par la silhouette massive du château de Quéribus, hissé sur son éperon rocheux.
Les ceps couvrent le terrain coûte que coûte, colonisent le moindre espace libre, entre garrigue, chênes verts et éboulis de pierres. C’est là que s’élève au bord du Maury, le sage affluent de l’Agly, le village éponyme. Si les vieilles maisons du village épousent la courbe douce des collines, c’est le long de la route nationale qu’il s’est agrandi au fil des décennies. Il est facile de traverser Maury sans le voir, happés par la beauté du paysage et le caractère rectiligne de la route.
Une Occitane…
Franchement ce serait regrettable car le village plonge ses racines dans la nuit des temps et gagne à être mieux connu. Toute proche, la grotte de las Fontetas porte la trace d’un lointain habitat préhistorique, tandis qu’au Mas Camps, sur la rive droite de la rivière, ont été retrouvées des terres cuites sigillées gallo-romaines, des restes de mosaïques et des scories de fer qui semblent même indiquer l’existence d’une très ancienne et très primitive exploitation de mines. Ce sont évidemment les Romains qui ont décidé de l’avenir de ces terres si semblables dans leurs paysages à celles de l’Italie, en y introduisant le vin il y a plus de deux mille ans. On leur dit merci. Comme souvent au Moyen Âge, en ces temps de chevauchement entre l’autorité temporelle et spirituelle, le noyau du village dépendait à la fois de l’abbaye de Saint-Paul-de-Fenouillet toute proche et des lointains comtes de Besalú, double dualité qui nourrit la controverse entre les historiens : Maury se trouve-t-il en Catalogne ou en Occitanie ? Tout indique que la deuxième option est la bonne.
…un peu Catalane
Quoi qu’il en soit, le village devint français en 1258, par le Traité de Corbeil, soit quatre cents ans presque avant le reste du département. Il lui sera pourtant relié, comme ses frères du Fenouillèdes lors de la création des Pyrénées-Orientales, au mépris de son identité occitane.
Un village convivial
Pourtant, si vous croisez deux petites mamies de Maury en pleine conversation, vous entendrez la langue d’ici, un occitan plein de catalanismes… à moins que ce ne soit le contraire. En 1854, la ville subit une terrible épidémie de choléra. Les habitants, terrifiés, s’en remettent à Saint Roch et finissent par échapper au fléau. Ils érigent en reconnaissance une jolie chapelle dont l’oratoire marque l’entrée du village, au-dessus de la route nationale. La ferveur s’exprime aussi par la construction en plein XXe siècle d’une belle église moderne, Saint Brice, qui abrite un tabernacle contenant les statues de Saint Brice et Saint Roch, toutes deux de belle facture baroque. Maury est une terre de confins, nichée au pied de la barrière naturelle des Corbières. Le vieux village, avec ses ruelles, ses placettes et ses maisons en cayrou, bruisse de vie. Les enfants jouent dans les rues sans voiture, on s’interpelle, on discute… Maury est sympathique. Il a gardé une authenticité tranquille, comme si les habitants venus de l’extérieur avaient d’emblée compris et intégré les codes ancestraux de ce morceau de terre qui fait rimer labeur de la vigne et douceur de vivre, art et artisanat.
Le vin et les arts
Dans sa partie plus moderne, Maury se distingue en beauté avec des trompe-l’œil remarquables qui égayent les façades, créés par des plasticiens locaux autour du thème inépuisable du vin et de la vigne, traités comme de véritables fresques. Car ici, tout tourne autour du précieux breuvage. Ici, la vigne bénéficie de conditions géologiques et climatiques exceptionnelles. Le schiste feuilleté permet aux racines de descendre très profondément dans la terre, tandis que sa couleur noire agit comme une véritable climatisation naturelle. Pendant la journée la roche absorbe le soleil et la chaleur, avant de les restituer à la tombée du jour. L’ensemble a donné naissance à un vin doux naturel de très haute tenue, connu pour accompagner en beauté les desserts chocolatés : le Maury, servi sur les meilleures tables du monde. Vous trouverez aussi des rouges capiteux, ou encore des blancs gouleyants et secs. Ici, les vignerons rivalisent d’imagination et de savoir-faire et le rayonnement de leur production dépasse largement les limites locales : le Maury s’exporte bien.
L’union fait la force
Au début de l’implantation, au XIXe siècle, de la quasi-monoculture de la vigne, c’est l’euphorie, le vin se vend et les petites exploitations vivent bien. Premier bémol en 1891, avec une tempête de grêle qui anéantit totalement la récolte. Juste après, s’abat le désastre du phylloxéra, ce terrible insecte sud-américain qui détruit la totalité des vignes. La nécessité de se regrouper pour faire face aux aléas devient patente. Porté par le sénateur Jules Pams, le projet de coopérative voit le jour en 1903 et ce bâtiment industriel devient la deuxième église du village, dont elle sert la première religion : le vin. Aujourd’hui, la crise des vins doux naturels a contraint les viticulteurs à se diversifier en produisant des vins secs.
Au cœur de la nature
À force de campagnes liées à la sécurité routière et à l’alcoolisme, les mœurs ont changé et la consommation de vin a sensiblement diminué. Qu’à cela ne tienne, à Maury on parie sur la qualité plutôt que sur la quantité. Et ça marche ! D’ailleurs, les vignes sont un excellent argument touristique : en vélo, à pied ou à cheval, Maury est un point de départ idéal pour des promenades entre les ceps et en bord de rivière, sans oublier les excursions jusqu’à Quéribus ou Caudiès. Sur la route de Quéribus, à quelques centaines de mètres du village, un espace détente ombragé et doté d’un bassin d’irrigation qui fait office de piscine, est le point de départ d’un sentier VTT et d’un sentier d’interprétation botanique et faunistique aux plantes méditerranéennes remarquables. La garrigue et la vigne vivent d’éternelles fiançailles dans les odeurs de thym. Quelques mas émaillent la montagne, souvent installés là à la faveur d’une source inattendue. Les alentours de Maury sont un nirvana pour les cyclistes et les marcheurs.
Des manifestations festives
Y compris pour ceux qui pensent que la nature se vit au plus près, dans le chant entêtant des insectes et la chaleur de plomb, en quête de l’ombre douce d’une chapelle ou d’un pin solitaire. Gâtée en termes de gastronomie et de tourisme vert, Maury a décidé de parier sur la culture avec des événements phares qui attirent des milliers de spectateurs, au premier rang desquels « Voix de Femmes », un rendez-vous convivial et éclectique qui permet de découvrir au cours d’un week-end magique, les plus belles voix féminines dans tous les styles musicaux, dans des conditions de grande proximité avec le public. La programmation allie stars et artistes émergentes. Un concept qui associe les vignerons et permet de belles dégustations en musique.
Street art
Cette convivialité sans chichis, alliée à une quête constante de la qualité, c’est un peu l’image de marque de Maury. Les amoureux des arts plastiques sont également gâtés avec l’opération « Toutes Toiles Dehors » qui transforme le village en une sorte de galerie géante ou de musée en plein air, véritable tremplin pour les artistes locaux. à ne pas oublier non plus, le marché des potiers, l’un des plus importants du sud de la France qui permet de découvrir les toutes dernières créations : pièces abstraites, objets usuels sublimés, facture traditionnelle régionale, univers esthétiques d’autres pays.
Passeur de rêves
Maury invite à un voyage immobile au cœur des arts du feu, liant intimement art, tradition et savoir-faire. Parce que le vin appelle la gastronomie, Maury possède des petits restaurants typés qui fleurent bon les Corbières. Encore une raison de faire une pause et de goûter à cette qualité de vie que semblent respirer les pierres. En terrain familier, mais imperceptiblement déjà ailleurs, sur cette ancienne frontière qui subsiste, têtue, dans les césures du paysage. Maury est un passeur de rêves.
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