31 Mai NE CHERCHEZ PLUS L’ELDORADO !
Ici, tout invite à la nonchalance : les vagues qui viennent mourir en douceur sur le flanc offert des plages, les épaules rassurantes des montagnes, juste derrière, bien arc-boutées, solides sur leurs collines, la douceur de l’air iodé…
Vignes et oliveraies dessinent un arrière-pays riant, parsemé de mas aux toitures de brique claire. Il reste dans l’air quelque chose de diffus qui fait imperceptiblement penser à l’Orient et qui s’exprime dans la présence massive des toits en terrasse et des casots chaulés. La Costa Daurada est un sud offert. Rien en effet ne fait obstacle au passage des hommes, comme si le relief se couchait au contraire pour en permettre le libre passage terrestre et l’arrivée depuis la mer. Une terre accueillante que les jeux du soleil sur le sable des plages nimbent d’un halo doré. La Costa Daurada est un Eldorado. Officiellement, elle commence à Cunit et s’arrête à l’Hospitalet de l’Infant, entre la fin de l’aire d’influence barcelonaise et le début des Terres de l’Ebre. 75 km et plus de 60 plages ou criques de toutes sortes : de longues plages plates, des petites plages de fond de calanque cernées de rochers, des plages de dunes bordant des étangs… Le littoral rit de toutes ses dents, les yeux fixés sur le large, tranquillement campé sur ses mémoires multiples. Inutile de dire que les promenades maritimes sont légion, elles alignent face à la mer d’innombrables cafés et restaurants. Ici, siroter un bon vin ou un vermouth, bercé par la chanson des vagues, est une obligation à laquelle on se soumet sans effort ! Pourtant, la Costa Daurada est bien autre chose qu’une destination mer et soleil, même si c’est un registre dans lequel elle excelle. Il faut juste savoir l’effeuiller… On ne sait jamais exactement pourquoi on aime un endroit. Pourtant, deux trésors distinguent El Vendrell, la ville natale de Pau Casals. Le premier, c’est sa plage de Coma-Ruga, le quartier maritime de la ville. Avec sa beauté naturelle, elle évoque irrésistiblement le Lido de Venise et ne se contente pas des plaisirs de la mer ! On y trouve une petite rivière d’eau minérale qui se jette dans la Méditerranée après avoir dessiné un petit lagon. C’est l’emplacement d’une ancienne station thermale, dont la source est désormais à ciel ouvert et qui enchante les vacanciers. Au sud de la belle étendue sableuse, commence la Masia Blanca, une réserve marine qui abrite la plus grande réserve de corail rouge de la Costa Daurada. « Pour les plongeurs c’est un lieu extraordinaire. Les prés de posidonie sont de vrais labyrinthes pour les poulpes, seiches, rougets, mérous, daurades et loups. Les paysages marins sont magnifiques » explique Philippe, un Français établi sur place depuis des lustres. « Ce qui est bien c’est qu’on n’a pas besoin de bouteilles, le snorkeling palmes aux pieds suffit à donner des émotions visuelles uniques, c’est comme un kaléidoscope, une explosion de couleurs ». Sur la Costa Daurada, tout est possible !
L’alpha et l’oméga
Un peu plus au sud, un arc de triomphe romain particulièrement bien conservé trône sur un rond-point en plein milieu de la nationale, à l’endroit même où passait autrefois la Via Augusta, l’autoroute antique qui reliait Cadix aux Pyrénées en passant par Tarragone. C’est l’arc de Berà, dédié à l’empereur Auguste. Quelques kilomètres encore et Torredembara distille ses charmes. D’abord ses belles maisons coloniales dignes de Scarlett O’Hara construites par les Indians, ces Catalans enrichis à Cuba ou aux Antilles, parmi lesquels les ancêtres d’Eusebi Güell, le mécène de Gaudí. Mais aussi une église de style mudejar, d’inspiration nettement arabisante, inattendue sous ces latitudes somme toute assez septentrionales. Rien de spectaculaire, mais une série de curiosités qui finit par emporter l’adhésion comme le dernier phare construit en Catalogne très haut, très svelte, une tour vestige de l’ancien château et même « l’alpha et l’oméga » une sculpture géante de Rafael Bartolozzi immergée dans le port. « C’est une œuvre de land art qui fait maintenant partie de l’identité de la ville », précise Eugeni, peintre amateur qui a posé son chevalet sur Le Roquer, l’ensemble rocheux qui brise la linéarité des plages profondes. Torredembara a du cachet et son image imprime durablement la rétine. Même phénomène avec la ravissante ville close d’Altafulla, son pittoresque village de pêcheurs et sa plage douce où se dresse tout au bout le château de Tamarit, un véritable château de contes de fées. Se baigner sur la Costa Daurada, c’est avoir rendez-vous avec la Méditerranée éternelle. Sur la route du sud, les plages de Tarragone, parfois brodées de pinèdes denses, semblent sorties d’un tableau de Derain. Avec des plages naturistes confinées comme la Cala Fonda ou la Roca Plana à celles plus amples et plus grand public comme la Mora ou l’Arrabassada, la côte ne cesse de nous émerveiller.
Des criques de rêve
Tout près, l’immense plage de Vila-Seca-la Pineda garde les pieds à l’ombre grâce aux magnifiques pins de son parc maritime, propice à la détente où la pinède imaginée par le sculpteur Xavier Marescal, « Pineda », qui trône à 24 m de hauteur. Tout au bout, le Cap Salou pousse sa corne vers le large en petites criques qui dentellent le littoral, le sculptent et l’évident comme dans un jeu de découpage. Un peu partout, les maisons ponctuent le beau chemin de ronde qui enroule ses escaliers autour de massifs de cactées, de lauriers roses et même de figuiers de barbarie. Salou a tous les attributs des grandes stations touristiques avec une profusion de services et un habitat resserré, mais surtout la beauté hiératique de sa magnifique promenade maritime, large, majestueuse, plantée de palmiers vénérables, bordée de très beaux immeubles, cossus, ornés de belles terrasses. Ici tout respire le confort, le luxe et le bien-être. « Pour rien au monde je ne vivrais ailleurs » dit Gudrun, pour moi qui viens de la frontière danoise, c’est un rêve éveillé qui se renouvelle tous les jours ».
Plaisir de la plaisance
La fréquentation sur ce point de la côte est littéralement dopée par la présence du complexe de Port Aventura, de Ferrari Land et d’Aquopolis, un must pour les familles. Ce n’est sans doute pas un hasard si les géants du divertissement ont choisi cette côte et son sens du plaisir… Enfin, Cambrils s’annonce. Cambrils l’élégante. Ville de pêcheurs, elle offre à la mer ses mille visages. Le vieux village, sur la butte, prudemment éloigné des plages et des sinistres razzias barbaresques d’autrefois, semble regarder de loin les plages plantées de palmiers et ce front de mer unique. C’est une ville ouverte à tous les plaisirs : les parcs y longent la mer, les patrimoines s’y télescopent, l’histoire s’y installe. C’est d’ici que Jaume Ier a commencé la conquête de Majorque en 1229. Ici aussi que les riches patriciens romains, jamais en retard d’une mode, passaient leurs étés loin des torpeurs de Tarragone. Cambrils possède un je-ne-sais-quoi d’aristocratique, souligné par ses franchises internationales et ses boutiques de luxe. Il n’est pas rare de croiser des plaisanciers de haut vol qui côtoient sans problème les estivants en espadrilles et T-shirt. « Cambrils est en soi un art de vivre, une dolce vita » dit Jordi, le serveur de la Casa del Vermut.
Effluves de lauriers
Plus au sud, Miami Platja étale presque jusqu’au ras des vagues, son architecture moderne, résolument méditerranéenne. La station s’est faite la championne de l’offre touristique toutes catégories. Il y a en a pour tous les goûts et pour tous les budgets. Enfin, juste avant que ne commencent les Terres de l’Ebre, l’Hospitalet de l’Infant étale ses 10 km de sublimes plages de sable fin et un arrière-pays aux fragrances de laurier. à voir absolument, son hôpital gothique qui date de 1346, construit par le fils de Jaume II et de Blanche d’Anjou pour y accueillir visiteurs et pèlerins. L’ensemble, formidable, est situé en plein centre-ville. Mais la nature n’est pas en reste qu’il s’agisse de l’embouchure lagunaire du Llastres, des miradors en bord de mer pour admirer le large, de la grotte du loup marin, juste sous la falaise, de la belle plage du Torn ou de la très jolie plage de l’Almadrava avec ses maisonnettes chaulées. Pourtant, il ne suffit pas d’égrener tous ces lieux de pure beauté pour rendre justice à la Costa Daurada, née pour la déambulation des hommes le long de la mer, mais aussi dans les pas de ceux qui l’ont prise pendant des siècles en quête de pouvoirs et de richesses. Il faut savoir se livrer à la brise, suivre les jeux du soleil sur les eaux, se laisser emporter par le vol d’une mouette et ramener par l’arrondi d’une vague. écouter les confidences de ce ressac sans fin, et faire confiance à la source éternelle du soleil. Un tel Eldorado vaut bien votre abandon, et même, votre complète reddition…
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