03 Oct OCCITAN AVANT TOUT, LE FENOUILLEDES
Occitan ou catalan le Fenouillèdes ? Comme toutes les terres de transition, ce morceau d’Occitanie donne à la Catalogne un supplément d’âme, une coloration inimitable et bienvenue.
La nuit des temps
L’histoire de la vallée de l’Agly prend racine dans la nuit des temps, un temps qui semble d’ailleurs reculer avec les découvertes scientifiques. L’homme de Tautavel, dont on pensait que les premiers individus remontaient à 400 000 ans, vient ainsi de prendre un sacré coup de vieux : 100 000 ans de plus au compteur au vu de l’analyse d’une dent trouvée l’été dernier ! A côté, les hommes qui peuplaient les cavernes autour de la grotte de Bélesta font figure de petits joueurs !
Des Romains aux Troubadours
Et l’Antiquité n’est pas en reste, puisque les Romains ont laissé ici une authentique merveille, peu connue parce qu’un peu excentrée, l’aqueduc d’Ansignan, 170 m de long et 29 arches encore debout qui enjambent la vallée ! Il semblerait d’ailleurs que ce soient les Romains qui aient donné son nom à l’Agly, dérivé d’Aquilinus, la divinité de l’eau. A moins que ce ne soit cet aigle de Bonelli, dont l’ombre danse sur les vignes et les falaises. Mais, c’est le Moyen Age qui va imprimer une marque décisive sur ces terres méridionales. C’est ici qu’explose le « trobar », cet art littéraire développé par les troubadours, et son art de vivre raffiné, l’amour courtois.
Un Moyen Age mouvementé
Au Moyen Age, la vallée de l’Agly est très marquée par l’épopée cathare, et la constitution de la frontière. Le château de Quéribus appartient alors à la vicomté de Besalú, et donc à la Catalogne. En parallèle, l’évêché cathare du Razès inclut le Fenouillèdes et le Peyreperthusès. Le rêve ultramontain des comtes de Barcelone semble sur le point de se réaliser lorsque les Français, désireux de s’emparer des riches terres languedociennes déclenchent la croisade contre l’hérésie cathare. Après la bataille de Muret qui vit mourir le roi catalan Pere III venu au secours de ses vassaux occitans, le Traité de Corbeil (1258) fixe un ordre nouveau et toutes les terres des comtes de Toulouse passent sous suzeraineté française, notamment le Fenouillèdes.
Résistance cathare
Mais pas sans résistance : c’est ici qu’eut lieu le baroud d’honneur des derniers parfaits réfugiés dans les forteresses des Corbières, les dernières à se rendre aux Français, presque quinze ans après la chute du nid d’aigle de Montségur, en 1244. Si elle prend aujourd’hui le nom « d’ancienne frontière », cette limite culturelle et linguistique reste totalement perceptible. Dans la langue d’abord : le catalan s’arrête à Latour de France et à Tautavel, qui furent possession du Royaume d’Aragon jusqu’en 1659, ce qui signifie que 400 ans d’histoire différenciée les séparent du reste de la vallée jusqu’à la Révolution française. D’ailleurs, les habitants de la haute vallée de l’Agly revendiquent haut et fort leur identité occitane !
L’eau et le bois
Sous les rois de France, le territoire se développe sous l’influence des abbayes de Fontfroide et de Lagrasse, et se lance dans la conquête de l’eau avec la création d’un réseau de canaux d’arrosage qui entraîne l’installation de moulins, de verreries, de poteries, et avec elles, une certaine autosuffisance. Caudiès, seule bourgade d’importance, devient alors la capitale de la viguerie du Fenouillède et possède à ce titre une prison, un grenier à sel et même un tribunal. La richesse de la forêt de Boucheville fait du bois un allié naturel des habitants : il faut dire qu’aussi incroyable que cela paraisse, la Boulzane et l’Agly sont navigables pour le flottage du bois !
Identités mêlées
Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes occitans jusqu’en 1789, date à laquelle les députés parisiens ont l’idée saugrenue de couper en deux le Fenouillèdes, en donnant sa partie sud au département des Pyrénées Orientales ! Malgré cette mutilation, la langue reste vivante jusqu’au milieu du XIXe siècle, et les félibres comme Achille Mir, inventeur de la légende du curé de Cucugnan, s’emparent de cette terre excentrée, tandis que Tautavel et Estagel restent solidement campés sur leur identité catalane. En fait, sur la haute vallée de l’Agly, les parlers de transition vont bon train, et les deux langues, déjà si proches, aiment s’entrelacer et se confondre, à l’insu même des habitants.
Une vraie plus-value
De nos jours, l’identité occitane du territoire s’affiche sur les panneaux des villages, parfois avec une croix d’oc au fronton des mairies. Elle se cache dans le répertoire et le nom des chorales comme la Caudierenco ou la Boulzane, elle explose dans les manifestations traditionnelles. Cette haute vallée de l’Agly a su devenir au fil des générations, une plus-value, un complément bienvenu à l’identité catalane, reliée à elle, au-delà de la grande et de la petite histoire par le cours partagé du fleuve nourricier…
Carles Servitje
Posted at 19:34h, 13 aoûtTres interessant, Tres fraternel, Langues soeurs, cultures soeurs, peuples freres Occitans et Catalans.
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