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Palau de la Música Catalana : Attention chef-d’œuvre

30 Sep Palau de la Música Catalana : Attention chef-d’œuvre

Icône inconstestable de la vie culturelle de Barcelone, le Palau de la Música Catalana, situé dans le Barri Gotic, est considéré comme l’un des chefs d’œuvre de l’architecture moderne. Il conjugue sur sa magnifique façade, la sculpture, la mosaïque, les vitaux et la forge.

Entre 1905 et 1908, l’architecte Lluís Domènech Montaner, éminent représentant du mouvement moderniste et souvent considéré par les spécialistes comme l’égal de l’immense Gaudí, est chargé de concevoir le siège de l’Orfeó Català, un véritable temple à la musique catalane situé en plein centre de Barcelone. Détail très important, ce bâtiment, devenu l’un des plus prestigieux de la capitale catalane, a été financé par une souscription populaire : industriels, financiers, notables et amateurs de musique ont subventionné sa construction. à l’époque, la Catalogne est le seul pays du sud de l’Europe à connaître, malgré l’absence de ressources naturelles, une véritable révolution industrielle qui en fait une exception dans la péninsule ibérique. Une peu partout fleurissent usines et filatures, attirant une énorme immigration intérieure et signant dans une moindre mesure, l’exode rural des Catalans. Le mouvement choral est alors à son apogée dans tout le pays, largement encouragé par le patronat qui préfère voir ses ouvriers et ouvrières occupés à des activités collectives culturelles qu’à la fréquentation des tavernes. Il n’est ainsi pas rare de trouver dans les « colonies ouvrières » des ateliers de chant. Donner une salle de concerts prestigieuse à cette pratique amateur, emblématique d’une classe humble et travailleuse, c’est un peu revivre l’aventure de Santa Maria del Mar, la cathédrale des pauvres, érigée par les débardeurs et pêcheurs en plein Moyen-âge dans le quartier du Born. Le résultat est si faramineux, si surprenant, tellement hors normes, qu’il est inscrit au Patrimoine Mondial de l’Unesco. La première impression en pénétrant dans le foyer après avoir traversé la terrasse est celle d’un kaléidoscope coloré par des jeux de lumière qui dansent sur les parois et le sol et propulsent le visiteur hors du temps. On se trouve dans une sorte de boîte magique, où vitraux et fer forgé côtoient la céramique et font une large place à la modestie sereine de la brique.

Une salle de concerts éblouissante

Le vaste volume présente en effet de grandes arches en briques éclairées par des céramiques émaillées polychromes qui donnent un petit air oriental à l’ensemble. Un service de bar permet à quelques habitués de boire un café en lisant ou travaillant sur leur ordinateur dans ce cadre imprégné d’histoire. Rien à voir avec l’affluence chic des soirs de gala, mais justement, le Palau se veut ouvert aux gens et au public, ADN populaire oblige. Cette dualité fonctionne à plein et fait tout le charme des lieux, l’un des préférés des habitants et des visiteurs de la cité comtale. Bien sûr, le must absolu reste la salle de concerts, une expérience en soi, tant elle saisit par son caractère grandiose, et par l’impression étrange de ne pas pouvoir tout saisir du regard. On passe de l’espace obscur des couloirs à une explosion de lumières et de couleurs donnée à la salle par les vitraux. L’auditorium en impose avec son orgue monumental qui semble disposer, en avant-scène, de son propre parterre, et son énorme lustre à dominante jaune représentant le soleil au centre d’une verrière multicolore que dominent résolument les tons chauds. Partout, c’est la courbe qui dicte l’élan des balcons et le dessin des sièges. Elle confère sa douceur aux volumes immenses. Les nombreux piliers sont traités comme les futaies d’une forêt merveilleuse, couverts de fleurs, de fruits et de références symboliques à la Catalogne et à la musique. Tout semble s’élever comme une action de grâces à Dame Nature qui entraîne orchestre et balcons dans une spirale ascendante. La décoration est luxuriante : outre les innombrables motifs végétaux ou géométriques et la présence, inévitable au début du XXe siècle, du motif récurrent  des effigies des Muses, on note celle de Beethoven et aussi, traitée à parité, celle d’Anselm Clavé, fondateur du mouvement choral « Cors de Clavé » qui a su fédérer toutes les chorales catalanes et leur transmettre une exigence d’excellence reconnue dans le monde entier. Malgré cette sorte d’hymne au soleil et à la nature méditerranéenne, de nuit, pendant les concerts, la salle devient un firmament mystérieux aux mille étoiles, une véritable splendeur. L’escalier monumental qui donne accès à la salle possède des marches dont les tranches sont ornées de céramiques et sa rampe est en pierre finement travaillée et est supportée par des balustres en verre jaune transparents renfermant une structure de fer en forme de corde tressée, totalement insolite dans les codes habituels des bâtiments bourgeois.Partout on retrouve l’axe premier du Modernisme, à savoir le mélange des matériaux nobles comme le marbre, et de matériaux populaires ou industriels comme la brique, le fer, le verre ou la céramique. Voilà qui rappelle en beauté qu’ici, les répertoires les plus prestigieux côtoient les airs traditionnels les plus populaires pour rendre à la musique toute l’universalité dont elle est naturellement porteuse.

Très visité, le Palau de la Música Catalana possède une jolie boutique qui propose des objets de décoration, des reproductions miniaturisées d’éléments architecturaux, mais aussi une collection de tous les disques de l’Orfeó Català et des livres pour enfants. Juste à côté, le Petit Palau, créé en 2004, accueille les concerts de musique de chambre et les répétitions de l’Orfeó Català sous ses trois formes, chœur de chambre, grand chœur et écoles de chœurs dans des conditions acoustiques excellentes, renforcées par le choix du positionnement du public sur des bancs disposés en demi-cercle. La façade, orange, bleue et jaune, est dominée par une coupole couverte de trencadís qui arbore le drapeau catalan et comporte de très larges fresques. Elles semblent surgir au milieu des pinacles et des tourelles, pour littéralement danser autour du bâtiment. Malgré l’espace somme toute contraint par le paysage urbain, c’est un véritable château de contes de fées qui se dessine au détour d’une rue. La terrasse, revue et corrigée par l’architecte Oscar Tusquets, est dotée de gradins qui laissent ouverte l’option de concerts en plein air. Tout indique la volonté de faire du Palau de la Música Catalana une île enchantée, à la fois accessible et prestigieuse. Pari tenu.

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