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Pallars Sobirà Pépite montagnarde

12 Déc Pallars Sobirà Pépite montagnarde

“Amouré” à la France, adossé à l’Andorre, le Pallars Sobirà reste cet étrange pays où la montagne est reine. Et quand on a pour capitale, une ville qui s’appelle Sort, on se dit qu’on est bien chanceux ! Circulez, y a tout à gagner !
Il y a des gars comme ça… Des ambassadeurs nés, passionnés de leur terre, gonflés au sel de leurs racines. Carles Tomàs fait partie de ceux-là. Un regard, un accent et trois grands gestes amoureux qui disent le reste et exaltent cet attachement viscéral au Pallars Sobirà. Sur le perron de son restaurant de Gerri de la Sal, la Casa Tomàs, Carles embrasse le paysage qui lui fait face. Là, la rivière Noguera éclabousse le parapet de pierre datant de 1902. Plus loin, corsetée par la verdure, Santa Maria, sublime église romane, livre ses trois nefs. Etrange bénédiction des Dieux, sortie de nulle part. Par le pont et les rues, à peine quelques furtives silhouettes pour donner de la chair à cette surprenante carte postale. Parce que c’est comme ça dans le Pallars Sobirà. Le peu appelle le tout. Quatrième plus grande région de Catalogne avec une superficie de 1 377 km2, le Pallars Sobirà compte pourtant aujourd’hui tout juste 8 000 habitants ! Un désert humain ?

pallars2100 % des habitants parlent le catalan

Certainement pas. Plutôt une chance. Et même l’opportunité rêvée pour une région de se forger une réelle identité. Car ici, la marque de fabrique, c’est clairement la montagne. Un cirque naturel de roches et versants, par lequel serpentent une ribambelle de vallées : la Vall de Cardos, la Vall de Ferrara, la Vall d’Assua, la Vall de Siarb, la Vall d’Aneu… Vaille que vaille, il faut oser les effleurer, les pénétrer, pour arriver à saisir l’âme des 15 communes nichées en son sein. Abondamment alimentées par la rivière La Noguera Pallaresa, suprême colonne vertébrale d’une région résolument pas comme les autres, voila un coin de Catalogne où de tout temps, hommes et femmes ont appris à dompter les éléments naturels. « On se contente de ce que l’on a ! Preuve que ça marche, ma grand-mère Salvadora est décédée en 2000 à l’âge de 107 ans ! Elle ne buvait que du vin d’ici, mangeait les légumes du jardin et la viande de nos bêtes de montagne ! » A 48 ans, Carles Tomàs, a repris l’auberge familiale, ouverte en 1952. Dix-huit places seulement et cette convivialité toute pallaresa qui démultiplie le champ des conversations. En Català sisplau ! « Nous défendons notre
langue. Nous sommes d’ailleurs la seule région où 100% des habitants comprennent le catalan et 95% le parlent ! » Un catalan du Pallars, plus rugueux, plus franc, un brin suranné parfois. Ici, on dira « aguell » au lieu d’« aquell », « pople » au lieu de « poble ». Et conjugué au passé, le verbe vivre donnera « visquive » au lieu de « vivia ».

Berceau du capitaine du Barça, Carles Puyol

Au comptoir de chez Carles, les anciens du village débarquent après la sieste. Quand le touriste de passage en est encore au café. Quand ce même touriste ne sait pas encore qu’il ne quittera pas le lieu de sitôt… Parce que les habitants, les Salats de Gerri comme on les appelle, sont tellement attachés à l’histoire de leur village de 400 âmes qu’ils sont capables de retourner chez eux pour récupérer une vieille carte postale des Salins d’antan, vous conter la fameuse source d’eau salée qui, par un savant système d’évaporation, a longtemps été le principal moteur économique du bourg. Et les papys de vous embarquer jusqu’aux actuelles salines et au grenier à sel (Alfoli), déclaré depuis 1995, Bien Culturel d’Intérêt National, dans la catégorie des Monuments Historiques. Dans le Pallars Sobirà, on n’est certes pas nombreux, mais pas peu fiers de compter entre autres, parmi les enfants du pays, les deux célèbres footballeurs Carles Puyol, capitaine du Barça et Marc Bertran, arrière droit évoluant à Osasuna. Tous deux nés dans le village de La Pobla de Segur, ils n’hésitent pas à rentrer au bercail et s’offrir un crochet par chez Carles à Gerri de la Sal. « Saviez-vous que pendant longtemps, l’encyclopédie catalane mentionnait Besalu et Gerri de la Sal, comme étant les deux plus beaux villages de Catalogne ? » On veut bien le croire.
pallars4Sort, la capitale ensorcelée

Un peu plus au nord de Gerri de la Sal, la ville de Sort. A peine plus de 2 000 habitants, l’église de Sant Feliu qui domine la ville, un Carrer Major bordé de petits magasins. Atmosphère tranquille et feutrée de montagne. En contrebas, le long de la Noguera, la grande avenue des Comtes de Pallars. Plus vaste, plus citadine, jalonnée de belles bâtisses modernistes comme le Xalet Emiliana, un bijou du genre construit en 1920 ou encore l’hôtel-café Pessets. A Sort, s’il fait bon boire un verre dans un des nombreux cafés, ou remplir son cabas de charcuterie de montagne, il est un lieu qui, immanquablement, attire le visiteur. Au premier abord, on peut ne pas comprendre d’ailleurs… Pourquoi un comptoir de loterie, équivalent à tous ceux qui pullulent en Espagne, exerce-t-il, précisément à Sort, un tel pouvoir d’attraction ? Sur le trottoir, d’interminables files d’attente, le long de la route, des rangées de bus et au guichet des joueurs qui n’hésitent pas à traverser l’Espagne pour venir tenter leur chance à la Bruixa d’Or ! Un phénomène incroyable qui relèverait presque du paranormal ! A la fin de l’été déjà, ils sont des dizaines de milliers à rêver de décrocher « la grossa » ou « el gordo » en espagnol. C’est le fameux décimo de la loterie de Noël, en clair la super cagnotte, l’une des plus importantes sur la planète. Elle est tirée chaque année le 22 décembre. Et comme Sort, le nom du village signifie littéralement « chance », c’est ici que l’on se presse pour la bonne fortune. Sans le génie marketing de Xavier Gabriel (lire l’interview en page….), le big boss de la loterie, Sort ne serait jamais sorti de son anonymat des cimes. Le visionnaire, comptant parmi les plus grandes fortunes d’Espagne, est en effet allé puiser dans les torrents du Pallars Sobirà, le goût du défi et de l’aventure, le sel de toute sa stratégie de communication qui lui a par la suite ouvert les chemins du succès entrepreneurial interplanétaire ! Une histoire complètement folle qui a fait de la muse de Xavier Gabriel – la fameuse Bruixa d’Or – l’égérie de tous les adeptes des jeux de hasard du monde !

pallars3La ruralité exacerbée

Hormis ce singulier phénomène du « tourisme de la chance », Sort n’est ni plus ni moins que le point de départ de majestueuses échappées belles. Que l’on vienne en famille, que l’on soit adepte de rando ou sportif de haut niveau, le Pallars Sobirà séduit avant tout, les amoureux de nature et de grands espaces. Un bol d’oxygène sans pareil. Comme une douce sensation de flotter en bicolore. De vert et de bleu. De vallons et vallées, de lacs et de torrents, cette région s’est inventé un tourisme de retour aux sources. En bord de route, les panneaux de signalisation annoncent le passage d’isards. Comme il est fréquent d’être arrêté par un troupeau de vaches. Doux écho des clarines suspendues. A perte de vue, des champs, à peine rehaussés d’un vieux mas en pierre. Là, un hameau. Plus loin, un petit bourg. Llavorsi, La Guingueta d’Aneu ou encore Llesui. Discrète collection de chapelles romanes. Face à l’immensité des paysages, au vertige des cimes, et à la très faible densité démographique (qui est de quatre habitants au km2 !), les habitants du Pallars Sobirà misent désormais sur le tourisme rural. Ainsi, ne trouve-t-on pas moins d’une cinquantaine de « cases de pagès», comprenez de gîtes ruraux, majoritairement tenus par des agriculteurs et autres travailleurs de la montagne. Du brut, de l’authentique à tous les étages. Ces habitations griffées à la pierre et l’ardoise, sont essentiellement concentrées autour de trois pôles : dans les environs de Gerri de la Sal et Sort au sud, près de Tirvia et de Tavascan au nord-est et enfin dans les parages d’Esterri d’Aneu au nord-ouest du Pallars Sobirà.

Une cuisine qui colle au corps

On y vient pour le calme et pour cette hospitalité montagnarde typique. Pas de concurrence, pas de tarifs ostentatoires. En soirée, les tablées se partagent, le pays se raconte et les bonnes adresses de laiteries et autres charcuteries s’échangent en toute simplicité. La Casa Mateu de Surp pour le fromage de brebis, la Peça d’Altron pour le fromage de vache à l’ancienne. Yaourts, fromages frais et mato de vache sont également à déguster du côté d’Ainet de Cardos, chez Cal Joanet. Pour le fromage au lait cru de chèvre, direction Gavas près d’Esterri d’Aneu. Pour la charcuterie, les meilleures adresses sont à trouver à Sort et ses alentours. Le porc et l’agneau tiennent le haut du pavé. Impossible de passer à côté de la cuisine de montagne propre au Pallars. Parmi les incontournables, le freginat à base de sang et de foie d’agneau, à la sauce aigre douce et au miel. Mais surtout la girella, un farci de viande de mouton, de riz et de lard. Demandez également à être surpris par les charcuteries locales comme le xolis, la botifarra traïdora, le goset ou encore le farcit de carnaval à base de raisins secs et d’œufs durs ! Pour les fromages, on optera pour le serrat, le llengat ou le fameux tupi au lait d’agneau. Le brossat est quant à lui confectionné à partir de lait de chèvre.

Un réseau de 12 musées !

Quatre habitants au kilomètre carré et 12 musées ! Incroyable mais vrai. Dans le Pallars Sobirà, on a beau être éloignés les uns des autres, on est pourtant liés par-delà les vallées et les saisons autour d’une même histoire et du même savoir-faire. On sait que l’on doit beaucoup à l’eau, transformée en force hydraulique, mais également au bois des forêts. Du coup, on ne manquera pas la visite du centre d’interprétation de l’eau de Tavascan, l’éco-musée de les Valls d’Aneu à Esterri d’Aneu ou encore la scierie hydraulique et le musée du bois d’Alos. Toujours lié à la nature environnante, le musée des papillons de Catalogne à Pujalt ou encore l’éco-musée des bergers de la Vall d’Assua. Par petites touches, face à l’immensité des paysages, confrontés à la rudesse des hivers et du relief, les habitants du Pallars Sobirà distillent à tous ceux que la curiosité mène sur leur chemin, une saine énergie. Simple et sincère. A l’image d’un Carles Tomas qui, sur son perron, regarde passer les touristes. Des Barcelonais qui en hiver rejoignent les stations de ski de Port Ainé, d’Espot ou de Tavascan. Et tous ceux qui depuis longtemps rêvent d’une randonnée dans le parc national d’Aiguestortes, avec vue sur l’étang de Sant Maurici. « Je les regarde passer et je sais déjà qu’ils reviendront… » Le Pallars Sobirà, c’est un peu comme un jeu de hasard. Avec la garantie de tirer le gros lot ! Et ça, c’est assez rare pour oser le détour. Amateurs de chemins de traverse et d’air pur, il est des chiffres qui ne mentent pas. Avec seulement 8 000 habitants disséminés sur un territoire de 1 377 km2, 15 communes et le 2e parc national des Pyrénées espagnoles, le Pallars Sobirà fait figure d’outsider. Une contrée à contre-courant du tourisme de masse, un territoire à la gloire de la nature et une immense porte ouverte à la découverte.

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