31 Mai PERPIGNAN, UNE DESTINATION QUI COMPTE
Méditerranéenne et catalane, Perpignan a trouvé un remarquable équilibre entre l’effervescence un peu folle d’une ville du sud et la réserve propre à ses racines catalanes. Belle et modeste à la fois, Perpignan n’a pas toujours conscience de ses propres splendeurs. Effeuillage en règle de la belle catalane. Bonica, maca, encisadora, jolie, belle, envoûtante. Suivez-nous, Perpignan n’a pas fini de vous surprendre !
Perpignan, une destination qui compte
Il y a des villes comme Paris, qui éblouissent au premier regard et dont la rétine garde longtemps la caresse. Des villes comme Barcelone, qui chatoient et qui bercent. Des villes comme Gérone qui se refusent au visiteur trop intrusif. Perpignan c’est autre chose.
Une ville à effeuiller
Perpignan a un peu des trois, elle ne se livre qu’au long d’itinéraires croisés qui sont autant de lignes dans sa main généreuse, à parcourir en quête de signes. Longtemps condamnée à être la gare ou l’aéroport d’arrivée de touristes, aussitôt appelés, qui par les cimes enneigées des Pyrénées, qui par les plages bondées du littoral, Perpignan impose peu à peu sa voix singulière de ville plurielle à effeuiller plus qu’à découvrir, à parcourir comme un livre d’images peuplé de strates entières de mémoires croisées dont aucune ne saurait contenir ou résumer l’ensemble, mais qui s’éclairent l’une l’autre.
Capitale presque fantôme
Nous ne saurons jamais ce qu’il serait advenu de la jolie ville drapière de Perpignan, si elle n’était devenue par la grâce de l’histoire, la capitale continentale d’un royaume éphémère, condamné dès sa naissance, qui lui a laissé en héritage l’aura de pierre de sa splendeur gothique. Avec les rois de Majorque, Perpignan a vu son destin provincial basculer et sa vocation de forteresse frontalière encore accentuée.
Une physionomie transformée
Nous ignorons tout autant ce que serait aujourd’hui Perpignan, si le fougueux baron Bartissol n’avait eu raison de la gangue des remparts qui enserraient la vieille ville, au grand dam des intellectuels de l’époque comme Albert Bausil. Sans doute ressemblerait-elle à Bayonne, sa jumelle basque ? Se serait-elle développée dans les mêmes proportions ? La physionomie des faubourgs serait-elle identique ?
L’esprit de Perpignan
Au cours des siècles, la ville, vivante comme un corps humain, a subi bien des transformations : couvents détruits et reconstruits, églises déplacées, remparts renforcés ou doublés, glacis de douves rajoutés puis comblés, quartiers entiers nouvellement construits… Et pourtant, quelque chose est issu de cette histoire tourmentée qui rend Perpignan éternelle : un esprit de résistance, un sens de l’humour particulier, un je-ne-sais-quoi…
Deux vigies
Evidemment, ce qui frappe le visiteur, c’est une douceur de vivre, l’ocre dominant des façades aux balcons de fer forgé ouvragé, la perspective magique qui s’ouvre, juste au-dessus des parterres de fleurs qui longent la Basse sur le seigneur de l’hiver, le Canigou en majesté. Il semble tutoyer son petit frère de briques, le Castillet. Deux symboles pour une capitale. Deux vigies pour une identité. Catalane.
Gothique avant tout
En s’enfonçant dans les rues de la vieille ville, dont l’étroitesse et le dessin souvent tortueux trahissent le tracé médiéval, vous allez plonger au cœur de ces temps gothiques qui furent un âge d’or. Place de la Loge, le palais de la Diputació ouvre ses fenêtres géminées et bilobées sur le marbre rose des pavés, jouxté par le sublime patio de l’hôtel de ville où trône la Méditerranée de Maillol, dominée par la galerie de marbre blanc. Juste à côté, la Loge de mer, véritable bourse du commerce de l’époque, tend la proue de son vaisseau emblème vers le Castillet.
Un ensemble cathédral unique
Quelques pas encore, et l’immensité de la cathédrale à l’appareillage de cayrou, splendeur du gothique catalan, vous ouvre les bras. Dans la petite cour, côté droit, vous attend le sublime portail roman de Saint Jean le Vieux, dû au ciseau du maître de Cabestany. Mais le plus remarquable est à venir, juste derrière la cathédrale : un cloître cimetière de toute beauté avec ses enfeus en ogive : le Campo Santo. Un petit crochet et c’est la demeure renaissante de Bernat Xanxo, riche drapier.
Nulle part ailleurs
Sur une petite place, une jolie fontaine en forme de puits est ornée d’une salamandre. Quelques volées de marches plus haut vous voilà sur la calade de la chapelle du Tiers Ordre, seul temple décadaire encore debout en France qui fut, au fil des ans, aumônerie, temple maçonnique, bourse du commerce. Sa représentation de la déesse Raison est une rareté absolue que les repentirs du peintre Gamelin n’ont pas recouverte.
Mémoire juive
Derrière la chapelle s’ouvre la grande église des Dominicains aujourd’hui exécrée, qui accueille manifestations, concerts et expositions. Ici, presque devant la fontaine de la place se trouvaient l’entrée du quartier juif et la chapelle des convertis. En remontant vers l’ancien évêché qui abrite le musée de la procession de la Sanch, vous arriverez au Couvent des Minimes : sous le cloître se trouve le mikvé de l’ancienne synagogue, transformé en citerne par les moines.
Saint Jacques la sublime
Encore une petite ascension, une traversée éclair du quartier gitan avec son linge aux fenêtres, ses femmes entourées d’une nuée d’enfants et ses hommes en noir parlant sur les bancs, et vous voilà à Saint Jacques, l’église où naquit la procession de la Sanch, une merveille à double chœur unique en son genre et jouxtée d’un sublime jardin suspendu sur un vestige des remparts, les jardins de la Miranda. Pas la peine de rêver à Babylone, tout est à portée de main jusqu’à la mer.
Les ruines des Carmes
Une petite descente cette fois jusqu’au marché le plus oriental du nord de la Méditerranée, place Cassanyes, et l’ancien arsenal dresse ses murs de galets et de briques, enserrant le profil désossé de l’ancienne église des carmes, détruite pendant la guerre. Ici, s’élevait un magnifique cloître aujourd’hui remonté dans l’Aude par des particuliers. L’église royale, Notre Dame de la Réal, ouvre ses portes en contrebas. Attention, chef-d’œuvre et mention spéciale pour la restauration, particulièrement réussie.
Mémoires Croisées
En allant vers le Palais des Rois de Majorque, le long des énormes glacis, vous allez croiser un étrange bâtiment, un ancien couvent aux fenêtres nanties de barreaux, car il fit office de prison : Sainte Claire. C’est ici que les Français d’Algérie ont posé leur mur des disparus, sépulture de ces oubliés de l’histoire, et un centre de documentation devenu un lieu de pèlerinage pour les rapatriés et leurs descendants. Ici aussi que bientôt, d’autres exilés, ceux de la Retirada, trouveront un écrin à leurs souvenirs.
Un palais magnifique
Voilà, il est là, imposant, énorme. Après l’escalier aux marches larges et basses conçues pour les chevaux, c’est le choc de l’arrivée dans les jardins, le passage du pont-levis et l’entrée dans la cour centrale du Palais des Rois de Majorque. Une authentique merveille de sobriété à la gracieuse asymétrie, forteresse certes, mais élégante. La réplique de la résidence de Palma de Majorque.
Les clés du trésor
A ce stade, Perpignan vous a donné ses clés : à vous de trouver les bonnes portes. Celle de la belle Epoque peut-être, avec les quelques immeubles haussmanniens, les belles demeures Art Déco autour du palais, le long de la promenade des platanes, sur l’avenue qui mène à la gare ou rue Emile Zola. Celle des jardins et des fontaines, comme la « Promenade » et ses platanes multi-centenaires et le jardin à l’anglaise du square Bir Hakeim.
Venus du nord, venus du sud
Celle de la pluralité culturelle, sans doute. Perpignan parle beaucoup de langues. Au français et au catalan se sont ajoutés l’arabe et le tamazigh, l’espagnol, le portugais. L’intonation caractéristique des pieds noirs s’est mêlée à la rocaille des « r » autochtones, et il n’est pas rare d’être accueilli avec l’accent pointu, immigration du nord oblige !
Ici et maintenant
Une autre clé : celle de l’ancrage dans la modernité avec le Théâtre de l’Archipel, qui veille entre rive sud et nord de la Têt, avec sa passerelle à haubans, le Conservatoire de Musique, l’un des meilleurs de l’hexagone, ou l’ensemble de la nouvelle gare, polychrome et ludique. Ou encore celle de la culture avec la façade à la française de l’ancienne université, le Museum d’histoire naturelle, le Centre d’art Contemporain Walter Benjamin.
Virtuelle pour mieux vous séduire
En gage de foi en l’avenir, Perpignan a mis toutes ses routes à votre disposition par des applications ludiques et faciles à utiliser, modulables et multilingues. Son grand projet, pour devenir aux yeux du monde entier la destination unique qu’en ont fait ses gens venus de tous les horizons et son histoire tourmentée, se centre désormais sur le Grand Rigaud, un musée de niveau national qui ouvrira ses portes en 2017, avec une exposition consacrée à Picasso, qui vécut ici de riches heures en 1952 et 1953.
Perpignan est bien plus qu’une escale, une soirée ou une journée au milieu des vacances. Jusqu’à présent, Perpignan, magnifique sans trop le savoir, avançait les yeux baissés, oscillant entre deux identités, fragile à force d’être unique, solitaire à force d’être plurielle. Gageons qu’elle saura désormais attirer, séduire, et surtout retenir pour devenir une destination qui compte.
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