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PETITE ROUTE MODERNISTE A BARCELONE

06 Déc PETITE ROUTE MODERNISTE A BARCELONE

Il y a tant de bâtiments modernistes à Barcelone tant de jardins, qu’il faudrait des années pour tous les admirer. Nous vous avons préparé un petit guide amoureux avec les musts, bien sûr, mais aussi les joyaux cachés. En route !

Au premier rang des incontournables qui s’offrent à vous dans la capitale comtale, on trouve bien sûr les œuvres de Gaudí, dont 6 sont classées au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco. Sa renommée commence avec la Casa Vicens, sa première œuvre majeure, libre et maîtrisée, dont la décoration explose en mosaïques rouges, vertes et blanches, en ferrures ouvragées, aussi, qui viennent orner l’inspiration nettement mauresque des arcs outrepassés que l’architecte affectionne particulièrement. Un coup d’essai et un coup de maître ! La Casa Vicens est un authentique chef d’œuvre. L’épopée se poursuit avec la rencontre de Gaudí et de son grand mécène et ami, Eusebi Güell.  Ce dernier le charge de concevoir sa maison dans un espace somme toute contraint, dans une rue assez étroite du Raval. Ce sera le Palau Güell. Ultramoderne pour l’époque, il présente un sous-sol à palmiers de voûtes doté d’une rampe pour les voitures, une omniprésence du marbre et une profusion d’espaces dédiés qui préfigurent les œuvres de maturité. L’ornementation en fer forgé, inédite, la fantasmagorie des cheminées, signent une nouvelle ère esthétique, tout en respectant les attentes d’une bourgeoisie conquise par les progrès techniques et le confort à l’anglo-saxonne. Une véritable prouesse qui ne ressemble à rien d’existant, La Pedrera (Casa Milà), est un immeuble d’habitation aussi colossal que singulier, il constitue le sommet de cet art novateur avec sa façade courbe, comme traversée de vagues, conçue comme un rideau de scène, et ses incroyables plafonds flottants qui révolutionnent toutes les certitudes précédentes. Au nord de la ville, Gaudí signe, toujours pour la famille Guëll, un parc onirique et splendide, doté d’une salle hypostyle aux étranges colonnes obliques, orné de viaducs et de chemins entre les arbres. Les pavillons destinés à la conciergerie et aux écuries et la maison de style italien se blottissent dans un dédale qu’ensoleille la Place de la Nature, ourlée d’un banc courbe en trencadís, à laquelle donne accès un magnifique escalier paré d’une fontaine-dragon, devenue l’un des emblèmes de Barcelone. On décèle au hasard des éléments de décoration, des influences multiples, qui ne sont pas sans annoncer la démarche curieuse d’un Malraux dans son Musée Imaginaire. L’une des créations du maître a même participé malgré lui à la « manzana de la discordia » (pomme de la discorde), la pomme désignant tant en catalan qu’en castillan un îlot de maisons. Lors de la construction de la Casa Batlló, dont la façade est considérée comme l’une des plus originales de l’architecte, qui utilisa la pierre, le fer forgé, le trencadis, le verre et la céramique polychrome, dans le même périmètre, plusieurs architectes modernistes ont œuvré de façon quasiment concomitante, entraînant un débat esthétique dans les élites économiques et artistiques de la ville : Josep Puig i Cadafalch pour la Casa Ametller, Lluís Domènech i Montaner pour la Casa Lleó Morera, Enric Sagniel pour la Casa Mulleras et Marcel·li Coguillat pour la Casa Josefina Bonet, ce qui donne un cachet inimitable au quartier et en fait un véritable livre ouvert sur l’imaginaire de l’époque. On appelle d’ailleurs cet îlot architectural hors normes « le Carré d’Or ». Tous ces bâtiments, malgré leur allure excentrique pour l’époque, jouissent d’équipements dernier cri comme des ascenseurs et des salles de bains qui sont loin d’être la norme de la Belle époque dans la péninsule ibérique. Aujourd’hui, ils font l’unanimité des innombrables touristes qui viennent les admirer. Un peu à l’extérieur de Barcelone, à Sante Coloma de Cervelló s’élève la crypte de la cité ouvrière des Güell, en fait une église inachevée, arachnéenne, comme tendue sur des arcs paraboliques.  Il s’agit en fait d’une esquisse du chef d’œuvre absolu de Gaudí, la Sagrada Família, un temple expiatoire énorme, extraordinaire, dont les façades historiées ont été confiées aux plus grands sculpteurs du moment et dont les multiples flèches symbolisent les apôtres et la sainte famille. L’ouvrage, colossal, qui aurait dû être finalisé en 2026, mais dont la date a été reportée en raison de l’épidémie de Covid, constitue le monument le plus identitaire de Barcelone, et bien sûr le plus visité.

Palais des modernités

Ne manquez sous aucun prétexte la montée jusqu’au toit, une expérience unique ! Quand on demandait à Gaudí pourquoi ses flèches montaient aussi haut dans le ciel, il répondait : « je suis certain que cela plaira aux anges ». Dans la même veine, il répondit un jour à un journaliste qui ne comprenait pas pourquoi il concevait une œuvre dont il ne pourrait de toute façon voir la fin « Mon client peut attendre », faisant bien entendu allusion à Dieu. On doit d’ailleurs à Gaudí dans la même veine religieuse, le Collège des Thérésiennes, hérissé de pinacles, incrusté de céramiques, dont la façade évoque un grand dais de dentelle suspendue. Lluís Domènech i Montaner, s’il est moins connu notamment à l’étranger, que Gaudí, a lui aussi, les honneurs de l’Unesco avec deux merveilles absolues à son actif. Au rayon des joyaux, le Palau de la Música Catalana est unique avec sa salle de concerts conçue comme une forêt de pierre dont les fruits et les fleurs s’épanouissent en vitraux colorés et en céramiques, son élégant escalier monumental, et son acoustique de rêve. Jamais théâtre n’a autant mérité le nom de palais ! Côté modernité fonctionnelle, rien n’égale l’architecture impeccable et hygiéniste de l’éclatement en pavillons de l’Hôpital Sant Pau, de ses jardins conçus pour le repos du corps et de l’esprit, et de ses souterrains qui permettent de cacher tout ce qui relève des coulisses et des circulations secrètes. Ici le Modernisme réside principalement dans la décoration des mosaïques et la polychromie des formes, mais il montre sans doute plus qu’ailleurs, à quel point les élites catalanes sont en contact suivi avec l’Europe du nord hygiéniste et rationnelle. On lui doit également le Château des Trois Dragons, une sorte de fantasmagorie médiévale qui évoque le monde de Tolkien avec son seigneur des anneaux. Plus prosaïque, l’ancienne centrale catalane d’électricité, due au crayon de Père Falquès et Orpi mérite le détour. Tous ces monuments sont incontournables, bien sûr, mais ils ne sont que la partie immergée d’un immense iceberg… à Barcelone, découvrez une petite merveille, la Torre Bellesguard, ancienne résidence du roi Martí l’Humà, dernier roi de la lignée de Guifred le Velu, magnifiquement revisitée par Gaudí selon des canons médiévaux magistralement adaptés.

Citons encore sur l’avenue Diagonal, l’étrange Casa de les Punxes signée Josep Puig i Cadafalch, lequel a également dessiné la très belle maison qui abrite le célébrissime restaurant « Els Quatre Gats » ou Picasso fit ses premières armes. Ces quelques chefs d’œuvre égrenés au fil des rues sont devenus la marque absolue de la capitale catalane, rappelés çà et là par quelques éléments décoratifs comme les candélabres de la Place Royale signés Gaudí, les incroyables serres du Parc de la Citadelle ou encore l’utilisation par des architectes mineurs des recettes modernistes. Le trencadís, puisé dans la plus pure tradition grecque et byzantine mais aussi dans la tradition multimillénaire des céramistes est ainsi devenu un jingle graphique qui évoque immédiatement Barcelone : on le retrouve sur tous les objets-souvenir, dans les enseignes des boutiques, et même souvent sur le linge des hôtels. Le pavé des trottoirs, frappé au sceau moderniste, creusé d’une sorte de petite fleur par Josep Puig i Cadafalch est également un des symboles reconnu de la capitale catalane.

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