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PRATS : VRAIMENT ROYALE !

03 Fév PRATS : VRAIMENT ROYALE !

Ville royale fortifiée par Vauban, bastion incontesté d’une catalanité farouche, Prats garde de son passé tumultueux un patrimoine dense, servi par un cadre naturel magnifique, à deux pas d’une frontière qui a toujours joué un rôle de pont.

Dès 1036

La cité du Vallespir est documentée dès 1036, sous le nom de Villa Pratis. Les terres, l’église et le premier château, celui de Parella, appartiennent alors au comté de Besalù, qui englobe la Garrotxa toute proche. Les habitants obtiennent vite un droit de marché et ne tardent pas à ceindre leur cité d’une muraille pour la protéger d’un éventuel ennemi. Ces efforts seront pratiquement réduits à néant par le terrible tremblement de terre de 1429, celui-là même qui détruisit totalement Olot.

Une nouvelle frontière

Lorsque le Traité des Pyrénées donna la ville aux Français, Louis XIV rencontra ici une résistance féroce qui dura plus de 20 ans, appelée la Révolte des Angelets, une opposition nationale dopée par l’imposition de la gabelle qui enflamma toute la vallée et le Conflent voisin. Soucieux de se défendre de ses sujets autant que des Espagnols, le Roi Soleil fit construire, en 1674, le Fort Lagarde dessiné par l’incontournable Sébastien Vauban, et Prats trouva une nouvelle destinée : veiller sur la nouvelle frontière avec l’Espagne.

Draps et garnison

La ville tire alors sa prospérité du commerce des draps. L’arrivée de nombreux militaires va bouleverser ses habitudes. Prats devient une ville de garnison et vit le quotidien d’une petite ville française excentrée, réussissant à s’adapter parfaitement aux nouveaux occupants, sans rien perdre de son enracinement et de sa langue catalane. Encore aujourd’hui, les rues de Prats résonnent des accents millénaires du catalan d’ici, rude et pur.

La Retirada de plein fouet

Mais la grande histoire allait encore s’inviter sous ses murailles. D’abord, avec les guerres livrées par la France tout au long du XXe siècle, il n’est que de regarder l’impressionnante liste des morts de 14 sur le monument du Foiral, mais aussi par une autre guerre, la Guerre d’Espagne, qui jeta sur la route du col d’Ares, des flots d’exilés, anciens combattants défaits, femmes, enfants, vieillards, au cours du glacial hiver de 1939. La Retirada marqua profondément l’ensemble des habitants de Prats et de la vallée.

Paysage agreste

Pour entrer dans Prats, après la route qui serpente entre les châtaigniers, il faut franchir deux ponts et un tunnel, jetés sur la gorge encore profonde du Tech bouillonnant, bordée d’éboulis et de rochers. Les montagnes semblent soudain s’écarter et se peindre de vert tendre, pour mieux encadrer la rivière assagie qui baigne les prairies. Tout en haut, juste en face, se dresse une tour de guet altière, la tour du Mir. Le cercle de montagnes, énorme, n’écrase pourtant pas la vallée, il semble au contraire veiller sur elle.

L’arbre aux mensonges

Quelques maisons, connues ici sous le nom de Faubourg, et c’est le Foiral planté de platanes, centre de la vie sociale de la ville, haut lieu de marché et de promenade, juste devant l’école. A deux pas, un grand arbre surmonte une fontaine. C’est le descendant du regretté et célèbre « arbre aux mensonges » sous lequel tant et tant de rumeurs et de secrets ont bruissé au fil des siècles. Juste devant, les remparts se dressent, brodés de meurtrières et troués d’une imposante porte, la Porte de France, dont le linteau indique fièrement l‘altitude, 730 m.

Un mécène américain

Derrière elle commence le village ancien, avec ses deux placettes, encerclé par le chemin de ronde, accessible à tous, qui se poursuit, en encorbellement sur la rivière, sur le « Rincon », là ou lavoirs et étendoirs parlent du temps révolu des lavandières. A deux pas, s’ouvre la jolie chapelle de Sainte Juste et Ruffine, décorée à ses propres frais par l’artiste catalano-américain Jean Lareuse, exilé aux Etats-Unis, mais demeuré à jamais fidèle à sa vallée.

Les Costes de Pena

De la petite place centrale monte un imposant escalier de galets, croisé par plusieurs rues perpendiculaires. On l’appelle les Costes de Pena. La calade, lisse et brillante, a été littéralement lustrée par des siècles de montées et de descentes. Lors des processions, une foule silencieuse, femmes portant mantilles et hommes recueillis, suivent des membres des confréries portant sur leurs épaules les misteris.

Une église en terrasse

Juste en haut de l’escalier, une niche en forme de calvaire montrant tous les instruments de la Passion annonce la montée finale vers le parvis de l’église, en réalité une terrasse magnifique qui surplombe le village et les montagnes en face, hérissée sur le côté d’un dédale d’anciens remparts qui mènent vers le cimetière et le fort, tout là-haut. L’église, bel exemple de gothique catalan tardif, a conservé son clocher roman et abrite de beaux retables baroques.

La ville haute

En redescendant sur la droite, s’ouvre une série de petites ruelles, puis de petits ponts traversant la Guillème, un torrent étroit et tumultueux. C’est la ville haute, enserrée de tout temps dans les remparts, avec ses maisons dont les ouvertures étroites gardent quelque chose de l’esprit des bastides. Le plan résolument médiéval, la rareté des terrasses, la relative monochromie confèrent à l’ensemble un cachet minéral indéniable et dégagent un charme puissant.

Un accueil sans égal

De temps en temps, une fontaine s’invite à la fête, quelque niche perchée accueille une madone de plâtre. Les Pratéens sont héritiers d’une solide tradition d’accueil. Impossible de se promener sans que quelqu’un vous demande ce que vous cherchez ou si vous avez besoin de quelque chose ! A partir de la ville haute, lorsque l’on quitte les remparts, on se retrouve, par la porte d’Espagne, sur la route de la Preste, le petit hameau où jaillissent les eaux bienfaisantes dispensées par les anciens volcans.

Fort Lagarde

Derrière l’église, après les pans de remparts, commence un étrange chemin couvert voûté, orné de meurtrières. Il mène à Fort Lagarde, construit à l’emplacement de l’ancienne tour de La Guardia, et permettait aux soldats de ne pas risquer de se faire tuer d’un coup de mousquet, en rejoignant la forteresse. Magnifiquement restauré, le fort accueille aujourd’hui spectacles équestres et expositions, et domine de ses grandes terrasses la beauté graphique du village.

Mémoires de fontaines

Autrefois, un souterrain le reliait à la tour de Parella, située sur une colline latérale, un site prisé des Pratéens, pour sa tranquillité et la beauté de sa fontaine. Car les fontaines sont le langage secret de Prats, il y en a partout. Au faubourg, au fond de l’escalier de la rue Font nova, sous l’arbre aux mensonges, dans la ville haute, sous le grand pont qui traverse le Tech, le long de la route du col d’Ares, et même dans la grotte de la Roca Gallinera, le long du Canidell, l’affluent du Tech !

Un merveilleux village

Traverser le pont vers la route du col d’Ares, c’est d’abord changer de perspective sur la ville et la voir enfin, en se retournant, dans toute sa splendeur, enserrée dans ses remparts, comme suspendue à son fort par la ligne droite du chemin couvert, ses maisons serrées, acharnées à grimper la colline comme pour rejoindre au plus vite la terrasse où s’élève l’église. C’est incontestablement un des plus beaux villages de Catalogne.

Hôpital de montagne

Mais, monter vers le col d’Ares, c’est aussi renouer avec les racines de Prats, tout là-haut, derrière le col, à Molló, et partir à la rencontre de deux lieux de ferveur. Les ruines de la chapelle de Sainte Marguerite, autrefois jouxtée d’un hospice, un ensemble quasiment unique dans les Pyrénées à cette altitude (1 130 m), remontent au XIIIe siècle. Elles servirent d’abri, il y a quelques décennies, aux infortunés exilés de la Retirada. Le panorama qui s’ouvre sur la chaîne des Pyrénées est de toute beauté.

Le Corral : terrain neutre

Il suffit de s’éloigner un peu de la route en prenant le chemin carrossable qui mène vers Lamanère et Serralongue, et voilà Notre Dame du Corral, un ermitage des XVIIe et XVIIIe siècle construit sur le lieu même où un berger des environs aurait découvert une statue de la vierge, dissimulée dans un chêne. C’est un haut lieu de grillades, et d’aplecs (rencontres festives) notamment pour le lundi de Pâques. Traditionnellement, les gens de Prats et de Saint-Laurent, les frères ennemis du Haut Vallespir, s’y retrouvaient pour les fêtes votives.

Une réserve magnifique

Prats est situé au cœur d’une réserve naturelle magnifique. 2 000 hectares de futaies, de chênes rouvres, de tilleuls, de frênes et autres bouleaux, un paradis pour les randonneurs, les promeneurs, les chasseurs, et tous ceux qui aiment la nature ! Passer la frontière, totalement immatérielle pour accéder à Espinevell, traverser le Pla Guillem, pour rallier le Conflent, faire le tour du Canigou, remonter à la source du Tech, monter à la Tour du Mir, les excursions sont innombrables !

Des fêtes ancestrales

Malgré toutes ces richesses patrimoniales et naturelles, Prats ne s’endort pas sur ses remparts. Catalane jusqu’au bout des lacets, la ville « ciutat pubilla » de la sardane, fête tous les ans le Président Macià, qui dès 1931 réclamait l’indépendance de la Catalogne, et maintient son incroyable Fête de l’Ours, une fête pyrénéenne de résurgence qui n’a rien perdu de sa force tellurique et de son authenticité. Catalane, ouverte, belle et tellement chaleureuse, Prats vous attend. Ne lui faites pas faux bond !

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